, N. VALENT/NOV prix industriels, prenant ainsi le contre-pied de l'opposition (Piatakov et consorts sont au Conseil supérieur de l'Economie) qui veut, au contraire, relever ces prix. Toutes les propositions mentionnées (et qui devaient peu après être considérées comme l'expression du déviationnisme de droite et de l'esprit koulak) furent adoptées par la 14e Conférence. Mais le Parti qui, déchiré par les contradictions, n'a, dans sa grande majorité, accepté la nep que du bout des lèvres, ne pouvait s'en tenir là. Après avoir voté les propositions des droitiers, il pencha aussitôt à gauche et, allant au-devant des desiderata de l'opposition, déclara qu' «il faut accorder plus d'attention que jusqu'à présent à la collectivisation de l'agri-. culture». En outre, comme si elle approuvait implicitement la position de Trotski, la Conférence décida que le devoir de !'U.R.S.S. est d'aider les ouvriers [étrangers] à préparer leur révolution prolétarienne, car la révolution en U.R.S.S. ne peut avoir de bonnes assises si elle n'est pas soutenue par la révolution sinon dans tous les pays, du moins dans quelques-uns des principaux pays capitalistes. Cinq mois après la 14e Conférence, le Comité central, réuni du 3 au 10 octobre 1925, reprend la question de la collectivisation. Mais cette fois (et c'est encore une importante concession faite à l'opposition), le C.C. insiste sur la collectivisation; il s'agit, en l'occurrence, d'un véritable ordre impératif : [il faut] « soutenir par tous les moyens l'organisation des kolkhozes». Deux mois et demi plus tard, un heurt d'une extrême violence se produit au xve Congrès entre les dirigeants majoritaires et l'opposition. Des discussions orageuses se prolongent pendant quatorze jours (18-31 décembre 1925). Aux côtés ·de l'opposition entrent en lice dès ce moment des hommes, tel Zinoviev, investis de grands pouvoirs. L'opposition, qui dispose de nombreux orateurs, attaque résolument le Comité central. Elle souligne que : 1. les salaires ouvriers ne s'accroissent pas suffisamment vite ; 2. les cadres prolétariens sont infimes et noyés dans l'énorme masse paysanne ; seule la révolution mondiale, l'industrialisation accélérée et la collectivisation peuvent nous tirer d'une situation sans issue ; 3. les koulaks se développent dans des proportions menaçantes ; 4. l'industrie d'Etat perd son caractère socialiste et se transforme en capitalisme d'Etat. 1 . Au nom du Comité central, Staline présente au Congrès le rapport politique dont la partie essentielle critique la surindustrialisation, thèse majeure de l'opposition. Au fond, Staline n'ajoute rien à ce qu'ont déjà dit Boukharine,· Rykov et tous les économistes du Parti. Mais après son discours, comme toujours équivoque sur bien des choses et conçu selon les principes de la science économique bourgeoise, Staline reprendra peu après à son compte toutes les déclarations de l'opposition vaincue et verra dans les idées Biblioteca Gino B.ianco 75 qu'il s'est appropriées le produit de son « esprit génial » : On pourrait assigner deux fois plus de crédits au développement de l'industrie, mais nous aurions là un rythme de développement industriel si rapide que nous ne pourrions pas le soutenir, vu la grande pénurie de capitaux disponibles ; il est donc certain que nous irions à l'échec. On pourrait pousser le développement de nos importations, doubler ce que nous importons aujourd'hui, pour développer notre industrie à des rythmes forcenés [ce qu'il fit en 1930-33. N. V.], mais il en résulterait que les importations dépasseraient les exportations, que nous aurions une balance commerciale déficitaire, que notre monnaie serait compromise (sic). On pourrait, quelles qu'en soient les conséquences, pousser nos exportations à des rythmes forcenés, sans tenir compte de la situation sur le marché intérieur [ce qu'il fit là encore en 1930-33. N. V.], ce qui entraînerait nécessairement de grandes complications dans les villes : hausse forcenée des prix des produits agricoles, et par conséquent baisse du salaire réel. On pourrait augmenter tant et plus les salaires, les porter au niveau d'avant guerre, voire plus haut, mais cela ralentirait le rythme de développement de notre industrie, car l'essor de l'industrie dans les conditions actuelles, étant donné l'absence d'emprunts extérieurs et le manque de crédits, n'est possible que s'il repose sur l'accumulation d'un certain profit nécessaire pour financer et alimenter l'industrie, toute accumulation digne de ce nom devenant impossible si la cadence de la hausse des salaires prenait un caractère trop rapide. Comme Boukharine, écrivain, publiciste, bon orateur et excellent économiste, était pratiquement l'idéologue des dirigeants majoritaires, l'opposition dirigeait de préférence ses attaques contre lui. Les initiés savaient que Staline jalousait Boukharine et n'attendait que le moment de se débarrasser de lui. Mais il en avait encore grand besoin : il le prit donc ostensiblement sous sa protection : Au fond, qu'est-ce que l'opposition veut de Boukharine ? Elle veut sa tête ! C'est là précisément ce que réclame Zinoviev en envenimant la question dans sa péroraison contre Boukharine. La tête de Boukharine ? Nous ne la donnerons pas, sachez-le (...). Sans Rykov, Kalinine, Tomski, sans Boukharine, on ne peut pas diriger le Parti. Rappelant que Zinoviev, avant qu'il ait rejoint l'opposition, réclamait, èn 1924, l'exclusion de Trotski, Staline s'écria : La politique d'amputation est lourde de périls; les méthodes qui consistent à verser le sang sont contagieuses; aujourd'hui, c'est celui-ci qu'on ampute; demain, c'en est un autre ; après-demain, un troisième ; que nous resterait-il alors dans le Parti ? Mensonge et hypocrisie. L'homme qui, plus tard, fit assassiner par groupes entiers ses camarades, voulait se faire passer pour l'impartial et loyal secrétaire général qui, défendant l'unité du Parti, est tellement sensible à la critique qu'il est« prêt à abandonner sa place [de secrétaire général] sans bruit, sans discussion, publique ou privée ».
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