Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

CORRESPONDANCE scrupules conscients » de la plus hideuse caricature du communisme. A cet égard, les conditions présentes ne leur donnent que trop satisfaction et n'annoncent pas des jours meilleurs. Tout cela a déjà été dit, mais on ne peut que se répéter ou se contredire ... La conclusion qui s'impose est celle de Marx terminant sa préface au Capital, empruntée au « grand Florentin» : Segui il tuo corso, e lascia dir le genti ! Espérons qu'elle ne sera pas interprétée comme de l'anticommunisme systématique. Variations, même thème Le général A. Dufourt, qui se substitue au général Guillaume pour des raisons ql.le lui seul doit connaître, nous a adressé une nouvelle lettre pour réprouver le «ton» de notre critique, pour s'étonner « de ce qui paraissait être un procès d'intention fait au général Guillaume» et pour opposer ce que nous avons dit d'un « éloge stupide d'une stratégie élémentaire », à ce que nous avons écrit ensuite en ces termes : « Sans entrer dans des considérations stratégiques qui ne sont pas de notre compétence »... Il pense de notre « haine » qu'elle nous « aveugle » quelquefois... Cela devient quelque peu abusif, mais comme le sujet traité dépasse de beaucoup le cas de !'écrivain militaire mis en cause, et que le manque de place n'a pas permis de répondre (dans notre numéro de septembre-octobre dernier) aussi complètement qu'il eût été souhaitable, nous saisirons cette occasion de corser notre argumentation. 1 En effet, après avoir constaté que le général Dufourt « ne tente même pas de réfuter un seul des jugements dont il conteste le bien-fondé», nous avons formulé en six points « certains faits [qui] tombent sous le sens, qu'un critique militaire a le devoir de mettre en lumière », et cela « sans entrer dans des considérations stratégiques et tactiques qui ne sont pas de notre compétence ». Il n'y a aucune contradiction entre ces six points, ces _faits, et l'allusion à une « stratégie élémentaire n relevée d1ns un _numéro antérieur de la revue. Notre contradicteur pourrait tout aussi bien trouver une inconséquence dans« cette obscure clarté qui tombe des étoiles » ou dans « pour réparer des ans l'irréparable outrage ». Il ne répond à aucun des six points en question,· pas plus qu'il n'a réfuté aucun des jugements contestés précédemment, et il croit nous embarrasser en juxtaposant deux allusions à la stratégie. Or, « sans entrer dans des considérations stratégiques et tactiques », il est clair que Staline et ses proches ont mené cette guerre comme des savetiers, pour reprendre une de ses propres expressions, et soit dit sans offenser l'honorable profession de son honorable père. Les désastres subis par l'armée soviétique, ci-devant « rouge », en 1941 et 1942 étaient d'une envergure sans précédent dans l'histoire, le rappel de Vorochilov et de Boudienny (conservés à Moscou comme politiciens à la dévotion de Staline, pas comme militaires) ne soulignant alors qu'une partie des responsabilités directes. Le discours de Khrouchtchev au X.Xe Congrès a quelque peu expliqué comment, et par qui, et à quel prix, le terrain perdu a été reconquis. Après quoi les écrivains militaires soviétiques ont entrepris de réécrire, selon de nouvelles instructions, l'histoire de la guerre, ce qui n'intervient pas dans notre polémique. Mais Staline a pris la peine de justifier sa « stratégie » de recul jusqu'à la Volga et au Caucase, justification mensongère au maximum, absurdissime, qui vaudrait pour un recul jusqu'à ·Vladivostok et qui suffit à trancher le débat, sans attendre l'œuvre des historiens. Notre point 5 invitait à comparer les pertes allemandes aux sacrifices en BibliotecaGino Bianco 67 vies humaines dont Staline est responsable. Mais il faut sans doute être aveuglé de haine pour s'intéresser encore à ces millions de vies humaines ? Tout cela, « sans entrer dans des considérations stratégiques et tactiques qui ne sont pas de notre compétence », mais qui, nous semble-t-il, « tombe sous le sens », n'en déplaise au général Dufourt. Et nous aggraverons notre cas en ajoutant à nos six points un n° 7 qui manquait à notre réponse précédente et ne vaut pas seulement à propos des livres du général Guillaume, mais de toute une littérature apologétique de Staline dont la France a été inondée pendant dix années d'après guerre : 7. Staline n'a iamais été l'allié de la France (ni des Etats-Unis, ni de l'Angleterre), mais il a été l'allié de l'Allemagne hitlérienne pour conclure le pacte du 23 août 1939 qui a déchaîné la guerre et pour lui venir en aide contre la France et l'Angleterre. Staline n'est entré en guerre que contraint et forcé par Hitler. Il y a donc eu coïncidence, concomitance de deux guerres voulues par Hitler, la première décidée de concert avec Staline, et non solidarité des Etats acculés à la guerre par Hitler. La part prise, nolens volens, par l'Union soviétique à la défaite de l'Allemagne, les nations occidentales en sont redevables à Hitler, non à Staline. Celui-ci, engagé dans la guerre à son corps défendant, a mené une guerre distincte, ayant ses propres fins, incompatibles avec celles de la France. Staline, qui pendant des années n'a cessé d'accuser la France de « préparer la guerre contre !'U.R.S.S. », dénonçait encore le 10 mars 1939 la France et l'Angleterre comme des « provocateurs de guerre habitués à faire tirer les marrons du feu par les autres ». Le 29 novembre 1939, il déclare : « Ce n'est pas l'Allemagne qui a attaqué la France et l'Angleterre, mais la France et l'Angleterre qui ont attaqué l'Allemagne.» Après la défaite française, Molotov, domestique de Staline, offre à l'Allemagne le 18 juin 1940 " les plus chaudes félicitations du gouvernement soviétique pour les succès splendides des forces armées allemandes ». Le même affirmera ensuite que << l'accord germano-russe n'a pas été sans influence sur les grandes victoires allemandes » ( cf. pléthore de citations et références dans Staline contre la France, B.E.I.P.I. n° 34, novembre 1950). Après la guerre, Staline n'a cessé de combattre les intérêts français, de dénigrer la France. En portent témoignage les livres (on ne peut tout citer ici) de James Byrnes : Cartes sur table, d'Edward Stettinius : Roosevelt and the Russians, de l'amiral William Leahy, Figaro du 28 mars 1950, de Winston Churchill, Figaro du 2 mars 1950. Vychinski, autre domestique de Staline, traitait la France, à la conférence du Danube, de << petit coq sautillant derrière les puissances anglo-saxonnes » (journaux du 3 août 194.8). Et si "l'on parlait un peu des 16.000 prisonniers français que Staline, au mépris des conventions internationales, n'a pas libérés et qui ne sont jamais revenus (déclaration du ministre des Affaires étrangères, le 8 décembre 1949, au Conseil de la République) ? Il est de mauvais « ton », selon le général Dufourt, de s'exprimer ainsi. S'il y avait moins de complaisance envers Staline et le stalinisme, en France et ailleurs, il serait moins nécessaire de réagir ... ...avec la liberté D'un soldat qui sait mal farder la vérité, au risque de déplaire à un militaire de haut grade. Pour finir, rappelons que le grief élevé à l'encontre des livres du général Guillaume était que leur bibliographie << est faite exclusivement de matériaux soviétiques » ; par

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