QUELQUES LIVRES de propagande, et ce n'est pas non plus un« test». Il s'agit, en respectant d'une manière absolue la personnalité de !'interviewé, de l'amener à prendre conscience de lui-même, de ses motivations autonomes. Selon la conception qu'aux Etats-Unis on appelle « démocratique », et qu'en France on dirait mieux «républicaine», selon la remarque de Ch. Nahoum, le problème n'est pas d'adapter l'individu à la société, mais la société à l'individu, en enseignant à la société à tirer le meilleur parti des individus, conformément à ce qu'ils sont. Ce qui exige aussi que l'individu comprenne pleinement la motivation de l'entretien, et il n'est pas de meilleure méthode pour y parvenir que de l'amener à trouver de lui-même cette motivation. Chacun doit être mis en mesure de trouver sa vérité par lui-même et dame Société, traitée de. cette façon, ne sera nullement sacrifiée, au contraire. C'est du socialisme, si l'on veut, à cette différence près que l'objet n'est pas la conquête de la vérité impersonnelle, comme dans les dialogues de Platon, mais l'application la plus directe du « connais-toi toi-mê1ne » relativisé aux différences individuelles. Nous savons que Ch. Nahoum reçut initialement la formation qu'on qualifie de «marxiste». Il a conquis ensuite, dans l'exercice de son métier de psycho-technicien, la sagesse dont il fait bénéficier son prochain. Et c'est par cette voie qu'il a retrouvé l'esprit d'une des meilleures formules de Marx, dans ses notes sur Feuerbach : « éduquer l'éducateur». Foin de l'orgueil de ce dernier, qu'il l'exerce au niveau du pouvoir public ou privé. Espérons que quelques-uns au moins des éducateurs mal élevés, qui sont malheureusement légion, comme le diable, en tireront profit, pour le bien commun. Luc GUÉRIN. Propos de la borine volonté lucide · ANDRÉPIETTRE: Lettres à la jeunesse. Paris 1963, la Colombe, Editions du Vieux Colombier, 164 pp. M. ANDRÉPIETTREp, rofesseur à la Facuité de droit et des sciences économiques de Paris, ancien doyen à Strasbourg, bien connu par ses travaux scientifiques, a commencé à composer ces lettres dans les jours noirs qui ont marqué la fin d~ la guerre d'Algérie. Elles ont trait à tous les suJets qui peuvent toucher un jeune homme ou une jeune fille que préoccupe la cho~e publique, nationale ou universelle. La question qu'elles soulèvent par leur existence même est celle de savoir si un aîné peut BibliotecaGino Bianco 65 tenir à des jeunes des propos raisonnables avec des chances d'être entendu - efficacement entendu. Le principal obstacle n'est peut-être pas tellement l'esprit partisan, qui ne se manifeste plus guère que superficiellement, bien qu'il sévisse toujours, que l'indifférence et le repliement égoïste sur soi, sur de petits intérêts se couvrant parfois des plus pompeuses étiquettes. Mais c'est une vieille sornette que médire de la jeunesse d'aujourd'hui, comme c'est une autre sornette de dire que c'est toujours la même jeunesse, comme si rien n'avait changé. Il semble que cette jeunesse soit au fond plus sérieuse, plus réfléchie que celle que les hommes de la génération de l'auteur ont connue, mais aussi qu'elle soit moins enthousiaste et que, quoi qu'il y paraisse, elle n'avance qu'à pas comptés dans un monde qu'elle redoute, co~e si elle était forte des déceptions de ses anciens. Dans ces conditions, pourvu que les horizons ne soient pas trop retrécis par les difficultés de l'existence quotidienne, la dureté du combat personnel pour se faire une place, l'angoisse des lendemains qui ne seraient pas chantants, il semble que des propos raisonnables aient des chances d'être entendus. En ce sens, M. Piettre a bien fait de tenir le pari et nous ne pouvons manquer de recommander son livre, marqué au coin de la lucidité et de la bonne volonté. Mais peut-être, pour augmenter les chances d'une audition éminemment souhaitable, eût-il été bon de faire précéder ces considérations sur les problèmes de la nation et du monde qui l'entoure (auquel la nation est plus que jamais invitée à s'ouvrir), d'une ou plusieurs lettres qui auraient montré à ces jeunes gens que ce sont d'abord leurs problèmes particuliers qui ont retenu l'attention de l'aîné. On songe, par exemple, à la quatorzième lettre, adressée à de jeunes instituteurs, mais où il n'est pas du tout question de la crise actuelle de l'enseignement en France. On ne se plaint certes pas qu'il y ait trop de hauteur dans ces propos, toujours simples, clairs, directs et sensés, mais· pour conduire vers les hauteurs morales, il n'est pas mauvais de commencer par le commencement, lequel, à certains égards, paraîtra toujours plutôt terre à terre. Cette réserve d'un caractère purement technique, ou psycho-technique,_ étant retirée, puisqu'elle ne concerne en rien le fond, répétons qu'un tel livre doit être chaleureusement ·recommandé. .Ajoutons que l'auteur est un excellent Européen. C'est sur un projet de programme pour une université européenne qu'il a clos son livre. Il s'agit, en effet, du seul thème d'enthousiasme raisonnable que l'on puisse aujourd'hui offrir à la jeunesse. L. G.
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