Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

DOCUMENTS . takov. Boukharine raconta ce qui suit, à propos de la préparation du Plénum : « La disposition de nos forces avant le Plénum était telle que, tout en séjournant à Kislovodsk, j'écrivais des articles pour la Pravda; Rykov surveillait l'économie ; quant à Ouglanov, qui avait un état d'esprit très belliqueux, il lui avait été ordonné de rester tranquille pour ne pas donner prétexte à Staline d'intervenir dans les affaires de l' organisation de Moscou. Ouglanov ne put patienter : il fit une sortie lors du IXe Plénum du Comité de Moscou, fut battu et, perdant la tête, dit des bêtises sur des erreurs imaginaires qu'il aurait commises, etc. J'appris que Rykov avait achevé ses thèses sur les chiffres de contrôle pour le Plénum. J'estimais que Staline, pouvant tromper Rykov au Bureau politique, rendrait pires encore _ des thèses qui, peut-être, n'étaient pas déjà très heureuses. Je ne pouvais plus arriver par le train à temps pour assister à la première séance du Bureau politique ; je partis en aéroplane. Nous atterrîmes à Rostov. Les autorités localesm'accueillirent avec des propos suspects, me signalant le tort que pourrait me causer mon vol en avion, etc. Je les envoyai au diable. Nous volâmes plus loin. A Artemovsk, nouvel atterrissage. A peine eus-je le temps de sortir de la carlingue qu'on me remit une enveloppe scellée à la cire à cacheter : c'était une dépêche chiffrée du Bureau politique, me donnant l'ordre catégorique d'interrompre mon vol en raison de ma maladie de cœur. J'eus à peine le temps de me reconnaître que les agents du Guépéou emmenèrent je ne sais où l'aviateur. Devant moi s-urgit une délégation d'ouvriers me demandant de faire une conférence. Je demandai quand partait le train. Il se trouvait qu'il n'y en avait plus que dans vingt-quatre heures. Il fallut bien conférencier. » KAMENE-VAlors, c'est toi qui as écrit la résolution sur la lutte contre la tendance de droite ? BOUKHARIN- ENaturellement, c'est moi. Je devais bien informer le Parti que je n'étais pas un droitier. J'arrivai à Moscou un vendredi; la séance du Bureau politique avait eu lie~ le jeudi. Je pris connaissance des thèses ; elles étru~nt visiblement insuffisantes. J'exigeai la convocation du Bureau politique. Molotov n'y consentait pas : il lançait des injures, criait ,9ue j'~mpêch~s de travailler avec concorde, qu il fallrut que Je me soigne et autres choses de ce genre. Le Bureau politique fut convoqué. Je ,réussis à fa~readopte~ des amendements considerables, mats, maigre ceux-ci la résolution avait toujours l'air d'être en cao~tchouc. Nous fîmes le bilan : l'organisation de Moscou était -en déroute ; nous décidâmes de hâter l'offensive; nous formulâmes nos revendications en 11 paragraphes pour congé~er les gens de Staline. Lorsqu'on montra ces exigen~es à celui-ci, il déclara: « Il n'est pas un seul pomt qui ne puisse être réalisé. ». On n?mma une commission (Rykov, Boukharme, Staline, Molotov, Ordjonikidzé). Un jour se passa, .un se~ond, un troisième. Staline ne convoqurut touJours Biblioteca Gino Bianco. 49 pas la commission. Le Plénum du Comité central s'ouvrit. On discuta le premier rapport, on était sur le point de passer au second. Sous forme d'ultimatum, nous exigeâmes la convocation de la commission. Lors de la réunion de celle-ci, Staline cria qu'il ne permettrait pas qu'un seul homme empêche tout un Plénum de travailler : « Que veulent dire ces ultimatums, pourquoi Kroumine doit-il démissionner ? », et autres choses de ce genre. Je me fâchai, je lui dis des choses violentes, je sortis en courant de la pièce. Je rencontrai dans le corridor Tovstoukha [secrétaire de Staline] auquel je remis un billet préparé d'avance, annonçant ma démission et celle de Tomski. Staline le suivait. Tovstoukha lui remit ma déclaration. Staline la parcourut et rentra. Rykov raconta plus tard que ses mains tremblaient ; il était pâle et exprima le désir de faire des concessions. Il exigea que la déclaration concernant ma démission fût détruite. Ils s'entendirent alors pour congédier Kostrov, Kroumine et encore quelqu'un. Mais je ne vins plus au Plénum. Ensuite, Boukharine montra à Kamenev un document de seize pages qu'il avait écrit et qui contenait une estimation de la situation économique. D'après Kamenev, ce document était plus à droite que les thèses de Boukharine d'avril 1925. Kamenev demanda: « Que penses-tu faire de ce document ? » Boukharine répondit : « Je le compléterai par un chapitre sur la situation internationale, et je terminerai par la question de la vie intérieure du Parti. - Mais ce sera donc une plate-forme ? demanda Kamenev. - Peut-être, mais, toi aussi, n'as-tu pas écrit des plates-formes ? » Ici Piatakov intervint dans la conversation en déclarant : « Je vous conseille ardemment de ne pas intervenir contre Staline qui est suivi par la majorité. L'expérience du passé nous enseigne que de pareilles interventions finissent mal. » Boukharine répliqua: « Naturellement, c'est vrai, mais que faut-il faire ? » Après le départ de Boukharine, Kamenev demanda à Piatakov pourquoi il donnait de pareils conseils empêchant simplement la lutte de se développer. Piatakov dit qu'il estimait tout à fait sérieusement qu'on ne pouvait pas intervenir contre Staline : « Staline est le seul homme auquel on puisse encore obéir. Boukharine et Rykov commettent une erreur quand ils supposent que ce sont eux qui gouverneront au lieu de Staline. Ce sont des Kaganovitch qui gouverneront; or, je ne veux pas obéir à des Kaganovitch, et je ne leur obéirai pas. - Que te proposes-tu donc de faire ? - Eh bien, on m'a confié la Banque d'Etat,

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