Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

DOCUMENTS . LUI - C'est précisément là qu'est le hic: sur la répétition des mesures extraordinaires en présence du renouvellement des difficultés. Or, cela, c'est le communisme de guerre et l'égorgement. MOI - Et vous ? LUI -Peut-être faudra-t-il faire une manœuvre plus profonde encore pour se concilier le paysan moyen. On peut traquer le koulak tant qu'on veut, mais il faut se réconcilier avec le paysan moyen. Mais, sous Staline et cet abruti de Molotov qui veut m'en remontrer sur le marxisme et que nous appelons « cul de pierre », il n'y a rien à faire. 8. Moi - Mais que veux-tu donc de nous ? Lui - Staline se vante qu'il vous a dans sa poche. Les vôtres s'engagent partout pour Staline. Ce serait terrible. Vous déterminerez évidemment vous-mêmes votre ligne de conduite, mais je vous demande de ne pas aider Staline à nous étrangler en lui donnant votre approbation. Staline, probablement, cherchera à entrer en contact avec vous. Je veux que vous sachiez de quoi il s'agit. 9. Il faut que personne n'ait connaissance de notre entrevue. Ne me parle pas par téléphone, car on écoute mes conversations téléphoniques. Je suis suivi par le Guépéou, qui surveille aussi chez toi. Je veux bien être renseigné, mais pas par des secrétaires ou des intermédiaires. Il n'y a que Rykov et Tomski qui sachent que j'ai causé avec toi. Toi, ne le dis non plus à personne, mais fais savoir aux tiens qu'ils ne nous attaquent pas. 10. Moi - Staline t'a-t-il montré le billet de Zinoviev ? Lui - Non, c'est la première fois que j'en entends parler. Moi - Que va-t-on faire de nous ? Lui - Je ne sais pas. On ne parle pas de cela avec nous. Ou bien Staline tentera de vous « acheter » par des nominations importantes, ou bien il vous fixera des postes qui vous engageront ; nous ne savons rien de sûr. Au revoir. Je serai très occupé par le Congrès ces jours-ci, je ne pourrai pas te voir. En général il faut agir conspirativement. Je [Kamenev]me suis mis d'accord avec Sokolnikov pour une autre entrevue avant mon départ. * 'f 'f Je lui [à Boukharine] ai remis ta lettre (personnelle). Il la lut et dit : « J'ai peur des écrits. » Il a peur qu'un papier ne le coule. Il préférerait parler du programme de. vive voix. « Staline m'a gâché le programme dans beaucoup d'endroits... Il voulait lire lui-même un rapport sur le programme au Plénum (!!!). C'est à grand-peine que je l'en empêchai. Il est dévoré par le désir de devenir un théoricien notoire. Il estime que c'est là tout ce qui lui manque. » En outre, une masse de petites choses, de détails. Il est extraordinairement ébranlé. Parfois Biblioteca Gino Bianco 47 l'émotion lui fait trembler les lèvres. Parfois il fait l'impression d'un homme aux abois. Je pense toujours : ces jours-ci, apparaîtront des signaux de l'autre camp. Il faut les attendre tran~uillement. Cela se fera ! Il n'est donc pas besom que tu viennes maintenant ici 1 • Nous verrons ce qu'ils diront. Demain, téléphone-moi ta réponse à 8 heures. I 1 juillet [1928]., 6 heures. * 'f 'f Complément de Kamenev au récit de Boukharine Nuit du II au I 2 juillet. I. En général, plutôt l'impression d'un être aux abois. Son expression cc toute notre pagaille », n'est-ce pas de l'onanisme ? Parfois, raconte-t-il [Boukharine], il dit à Efime 2 : « Nos affaires ne sont-elles pas désespérées ? 1. Si le pays périt, nous périrons ; 2. Si le pays en sort, Staline évolue à temps et nous périssons aussi. Que faire ? Que faire quand on est en présence d'un adversaire de ce genre : Gengis-Khan, bas produit du Comité central ? » 2. Molotov et Staline sur le retrait du gouvernement du Wou-han. 3. Staline dit aux jeunes communistes : la question du pourcentage des places réservées aux jeunes ouvriers dans les usines dépend de savoir si Boukharine arrêtera sa lâche politique. 4. « Si c'est nous qui commençons la discussion, on nous étranglera pour cela ! Le Comité central craint la discussion. » 5. « Et si nous démissionnions collectivement, moi, Rykov et Tomski ? » 6. « Ne devrais-je pas me retirer provisoirement (deux mois), ne pas me mêler de politique courante ? Quand la crise se produira, intervenir à fond et ouvertement. » 7. « Nous ne pouvons pas commencer la discussion, parce qu'on en viendra immédiatement à la mêlée. Quelles sont en effet les accusations ? Nous dirons : voilà l'homme qui a mené le pays à la famine et à la mort ! Et lui : ils défendent les koulaks et les nepmans ! » 8. « Le Parti et l'Etat se sont confondus, voilà où est le malheur. » 9. « Staline tient uniquement à garder le pouvoir. En cédant devant nous il est resté au volant et il nous écrasera par la suite. Que devonsnous faire ? Car dans le Comité central les conditions subjectives sont en train de mûrir, mais ne sont pas encore mûres pour destituer Staline.· » I. Zinoviev est absent de Moscou. C'est à lui qu'est adressé tout ce compte rendu. 2. Sans doute Tseitline, secrétaire de Boukharine.

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