revue ltistorÎIJUeet crilÏIJue Jes faits et Jes idées Janv.-Fév. 1964 Vol. VIII, N° 1 DU BRUIT ET DE LA FUREUR par B. Souvarine ... it is a tale Told by an idiot, full of sound and fury, Signifying nothing. Macbeth, V, 5. INCAPABLES de s'entendre ou de rompre, les communistes de Moscou et ceux de Pékin continuent de présenter leur spectacle dérisoire où tantôt alternent, tantôt s'entremêlent, le mélodrame russe et l'opéra chinois. Khrouchtchev et c1e persévèrent dans leur attitude patiente et font preuve d'une mansuétude insolite, comme s'ils escomptaient une· solution obtenue à la fin d'une guerre d'usure, plus probablement parce qu'ils ne savent comment venir à bout d'un adversaire insaisissable. De temps à autre, ils répètent la même antienne en accusant les Chinois de vouloir la fin du monde et de fomenter la scission du mouvement communiste, ce qui ne les avance à rien. Mao et C1e professent un pacifisme coexistentialiste à donner la nausée, quitte à redoubler de violence dans la polémique contre « l'avant-garde » du communisme. Ils rabâchent leur catéchisme à grand renfort de citations de Lénine comme s'ils avaient affaire à des komsomols, et ils pourf endent le révisionnisme au nom d'une orthodoxie qui s'accommode fort bien d'un opportunisme auprès duquel pâlissent les compromissions de Khrouchtchev et de Tito. Illustration burlesque : le voyage de Chou En-lai en Afrique. A condition de mépriser. comme ils le méritent les articles de la presse « bourgeoise » et leurs titres aussi trompeurs que grossiers (cf. par exemple le Monde du 15 décembre), la tournée du commis-voyageur en pacotille doctrinale Biblioteca Gino Bianc0 chinoise devrait ruiner en Occident les spéculations alarmistes des « experts » et dissiper les inquiétudes irraisonnées du public. Aucune personne sensée ne croira que Chou En-lai ait tenu au roi du Maroc et à l'empereur d'Éthiopie le même langage qu'aux parvenus nationaux-socialistes du Caire et d'Alger, ou qu'aux politiciens noirs plus au Sud. Dans chaque pays visité, il s'est comporté de façon à ne pas déplaire, à justifier plus ou moins le succès de curiosité qu'obtient sans effort tout individu mis en vedette par la publicité absurde de l'époque, et ce conformément à la définition même de l'opportunisme. On peut tenir pour certain qu'il a fait partout des promesses appropriées aux conditions de lieux et que ses interlocuteurs, déjà contents de recevoir des bienfaits de deux côtés, seraient heureux d'en recevoir d'un troisième. On cherche en vain quelque originalité dans un comportement aussi banal. En quoi l'orthodoxie chinoise diffère-t-elle du révisionnisme . soviétiqùe ou yougoslave ? Le 21 décembre, au Caire, le porte-parole de Mao .déclare que l'assassinat de Kennedy est un « acte répréhensible et détestable » ; on sait qu'il n'en pense pas un mot, car cet acte avait provoqué une jubilation -indécente à Pékin, mais pour un marxiste-léniniste de l'espèce stalinienne la palinodie est l'âme de la dialectique. A la même date, Khrouchtchev profite d'une interview avec la presse d'Alger pour vitupérer, à la chinoise, « l'impérialisme, le colonialisme et le néo-colonialisme » ; il s'en prend spécialement à « l'ennemi » américain qui « se cache sous le masque d'un expert de l'aide, d'un businessman respectable, d'un conseiller économique ou militaire, d'un gaillard du Corps de la paix ou
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