P. HOLLANDER citoyen est invité à se garder des « excès » néfastes à l'énergie qu'il faut consacrer aux tâches productives et au travail politique. La famille est tolérée, mais elle est notablement amputée de son rôle traditionnel : le régime tourne en ridicule et condamne le souci excessif pour les affaires de famille; pour lui, des liens de cet ordre doivent être subordonnés aux devoirs fondamentaux du citoyen envers le Parti et la collectivité, d'où diverses mesures concrètes, à la fois pour limiter l'autonomie traditionnelle de la famille, et pour restreindre sa fonction éducatrice. Ce faisant, le régime cherche à réduire la famille à une « coquille vide )) en la privant de son importance pratique en même temps que de son contenu affectif. La détermination formelle de subordonner jusqu'aux rapports les plus intimes à la directionet à la surveillance officielles dépasse le simple désir d'empêcher que ces rapports ne détournent le citoyen des tâches et objectifs prescrits par le Parti. En réalité, les communistes chinois reconnaissent par là une certaine incompatibilité entre, d'une part, l'autoritarisme et la rigueur dans les relations politiques générales, et, d'autre part, la tolérance dans les relations entre individus. * ,,. ,,. LES FRÉQUENTESXHORTATIOeNt Sréprimandes adressées par les organes du Parti à la population tout entière ou à certaines catégories d'individus laissent penser que les masses chinoises ne sont pas aussi dociles, ne s'accommodent pas aussi aisément des strictes limitations imposées à leurs libertés personnelles, qu'on l'imagine parfois en Occident. Il est possible que des gens accoutumés à la portion congrue sur le plan matériel et culturel 1 BibliotecaGino Bianco. 43 se soucient assez peu d'abstractions telles que le concept de la liberté personnelle. Cependant, il apparaît que de nombreux Chinois ont une conscience aiguë des rudes exigences imposées par le régime, qu'ils préféreraient disposer de plus de loisirs, d'une vie de famille plus riche, de plus de facilités pour s'instruire (et pour utiliser leurs connaissances), du droit d'aimer ou de fréquenter qui bon leur semble, sans restrictions d'ordre politique ; bref, bien des Chinois considèrent leur vie personnelle comme suffisamment importante pour mal supporter l'ingérence et les empiétements de la part des autorités. Notons que dès ce stade initial - que les porteparole du régime eux-mêmes auraient du mal à définir comme un stade d'abondance - les gens « ont soif)) des facilités et des plaisirs matériels et physiques qui leur sont interdits et qu'ils ne peuvent d'ailleurs se procurer. En d'autres termes, les désirs du peuple se sont accrus à un rythme que le régime considère comme inquiétant et qu'il s'efforce d'enrayer. Les doléances des masses, même si elles ne nous parviennent qu' édulcorées à travers les réponses qui leur sont consenties, donnent également une idée des défauts dans les prémisses psychologiques du régime. En admettant même qu'il n'y ait pas de nature humaine universelle, il semble bien que la plupart des hommes, de tout temps et en tous lieux, prennent tôt ou tard conscience des droits qu'on leur refuse, particulièrement quand on voudrait leur faire accroire que leur sort n'a jamais été meilleur. PAUL HOLLANDER. (Traduit de l'anglais)
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