L'Expérience communiste • LA VIE PRIVÉE EN CHINE par Paul Hollander RIENne révèle mieux l'essence des régimes totalitaires que les efforts qu'ils déploient pour étendre leur emprise jusque dans les moindres recoins de la vie du citoyen, ses activités quotidiennes, ses pensées et ses attitudes, son comportement moral, ses relations avec autrui aussi bien dans le privé qu'en public. De tous les systèmes totalitaires jusqu'à ce jour, le régime communiste chinois semble être le plus ambitieux et le plus déterminé à imposer ses vues sur la moralité, sur les relations conjugales, familiales et sexuelles. Son but est manifestement de «politiser » tous les rapports personnels, de faire disparaître toute distinction entre les préoccupations privées et publiques. L'examen des déclarations et commentaires officiels publiés dans la presse chinoise permet de préciser les attitudes idéologiques et les aspirations du régime de Mao dans le domaine de la moralité et des relations entre individus. Ces déclarations jettent également une vive lumière sur les difficultés que le Parti éprouve pour faire appliquer sa ligne, en même temps qu'elles donnent une idée de l'insuffisance des prémisses psychologiques sur lesquelles repose la politique du régime. Le maître pilier de l'idéologie des communistes chinois est constitué par l'opinion du Parti sur la nature humaine, considérée comme une condition indispensable pour aborder correctement les questions de la moralité et des rapports entre individus. Cette opinion n'a pas varié depuis le début des années 50 et, à moins d'un bouleversement du système politique, il est peu probable qu'elle se modifie. Définition de . la nature humaine LES IDÉOLOGUEdSu Parti ont cherché avant tout - cela se comprend - à combattre la notion d'une nature humaine universelle, afin de lui Biblioteca Gino Bianco substituer une interprétation de classe d'inspiration marxiste. Selon l'organe de la jeunesse communiste chinoise... ... chaque classe a sa propre nature humaine (...). Les individualistes bourgeois rêvent toujours d'une absolue « liberté de la personnalité » qu'ils opposent à l'organisation et à la discipline (...). [Or] la personnalité ne peut se développer librement, rationnellement et sainement que dans une organisation révolutionnaire, sous la direction de la société et avec l'aide de la collectivité (...). Il faut arracher le masque à toutes les théories absurdes sur la nature de l'homme 1 • Dans le même esprit, la revue théorique du Parti s'en prend à un philosophe «révisionniste» du nom de Pa Jen, coupable d'avoir insinué que les sentiments humains sont universellement partagés : Il [Pa Jen] écrit : « Que sont les sentiments humains ? Je pense que les sentiments humains sont communs à tous les hommes. Les hommes ont en commun le besoin de se nourrir, ils aiment tous le parfum des fleurs (...). Ces besoins, ces goûts ( ...) découlent de la nature humaine.» Certes, ces besoins, ces goûts (...) découlent de la nature humaine, mais les classes en lutte dans une société de classe ont-elles des besoins et des goûts (...) de caractère identique ? Certains veulent obtenir leur nourriture grâce à l'exploitation et empêchent les autres de manger à leur faim. Certains. veulent boire de l'eau et estiment que les autres ont aussi le droit de se désaltérer; mais il en est qui veulent sucer le sang d'autrui. Y a-t-il quoi que ce soit de commun entre eux ? 2 1. Wang Tchou-yeh : « " Sur la nature humaine ", de Hou Feng. Un pur mensonge », in Jeunesse de Chine, 1955, n° 18. Traduction anglaise in Selections from China Mainland Magazines (qui sera désigné dorénavant par le sigle S.C.M.M.), consulat général des Etats-Unis, Hong Kong, n° 15, pp. 7-8. 2. Kouan Feng : « Sur la nature humaine et la nature de classe », in Hsueh Hsi (Etude), n° 17, 3 sept. 1957 (S.C.M.M., n° 112, p. n).
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