34 ports de l'armée, ce qui, lorsqu'il n'y a pas de chevaux et que les routes sont défoncées, comme c'est le cas en Chine, exige souvent un véritable héroïsme. C'est pourquoi le problème qui consiste à gagner les sympathies de la population locale joue un rôle capital dans le travail d'éducation de l'armée. Le soldat apprend qu'il ne doit pas piétiner les champs pendant les marches et qu'il ne faut rien prendre sans payer ; si un combattant fait offense à un paysan, il est tenu de s'excuser publiquement ; au cantonnement, il est recommandé de donner un coup de main aux paysans dans leurs travaux. On inculque constamment l'idée qu'il est indispensable d'observer la politesse à laquelle, traditionnellement, le paysan chinois est très sensible. Dans certaines provinces relativement opulentes, il est prescrit de donner à tous les paysans, sans distinction, du liao-ban, ce qui signifie quelque chose comme « marchand » ou « maître ». Les égards envers la population sont d'autant plus nécessaires que, dans beaucoup d'endroits, les membres du Kuomintang clandestin poursuivent la lutte malgré la défaite militaire. Le Kuomintang fait de la propagande: on laisse entendre aux paysans que, dès que les communistes se sentiront assez forts, ils feront la poli- .tique des « trois séparations » et des « trois ruines ». Les « trois séparations »· désignent la mobilisation générale qui sépare d'abord le mari de la femme, puis la mère du fils et enfin le père des enfants ; par les « trois ruines », on entend que le pouvoir communiste chassera d'abord le paysan de sa maison, puis de la terre qu'il cultive et enfin de la province où sont nés ses ancêtres, pour le transplanter de force à l'autre bout du pays. Simonov voit dans cette propagande une « calomnie », maisJe lecteur ne peut se défendre de sentir un grain de vérité dans ces affirmations du Kuomintang clandestin. Les notes de Simonov sont particulièrement intéressantes dans la partie qui traite de l'organisation du travail éducatif et de l'activité artistique d'amateurs. Les ensembles artistiques de l'armée sont dénommés « détachements de propagande » et jouissent d'une grande popularité. Les membres de ces groupes écrivent eux-mêmes des pièces de théâtre et des poèmes et composent la musique d'accompagnement. Selon Simonov, ces ensembles sont une pépinière de futurs écrivains, poètes et comédiens de la Chine nouvelle. Simonov a également bien décrit les villages et les villes plus ou moins atteints par le souffle de la guerre civile. Il commence par assurer que la victoire de la Chine nouvelle n'est qu'une question de temps, et que ce ne sera pas très long. Mais à mesure qu'il apprend à ID1euxconnaître le pays embrasé par la guerre, il devient prudent. Dans une petite ville qui avait tout du village, sur bien des murs on pouvait lire des mots d'ordre du Kuomintang, et même de vieilles inscriptions datant de la Chine prérévolutionnaire ... Biblioteca Gino Bianco LB CONTRAT SOCIAL La pauvreté du pays a produit sur Simonov une très forte impression ; on la sent dans les villes et, plus encore, dans les campagnes. Cette misère a bien des visages : la route est défoncée, on ne peut y avancer qu'à pas de tortue, les gens sont pauvrement vêtus et mal nourris. Dans le commerce, un grand rôle est joué par les marchands à l'éventaire ; souvent, leur « marchandise » consiste en quelques petits morceaux de viande, en menus poissons et en quelques bottes de choux. Au village, c'est encore pire : dans certaines boutiques, rien d'autre que des arachides et de maigres légumes. Il est clair pour chacun que cette misère criante est le fruit de longues années de guerre civile. Mais le nouveau pouvoir cherche à en rejeter la faute sur le Kuomintang clandestin, dont les agitateurs répandent à leur tour le bruit que les nouveaux maîtres liquideront dans quelques mois le commerce et l'industrie privés... Trop jeune à l'époque, Simonov n'a pu prendre part à la guerre civile de 1918-20. Néanmoins, La Chineau combat rappelle fortement par endroits le climat de ces années-là en Russie, tel qu'il se reflète dans les nouvelles presque oubliées aujourd'hui de Vsévolod Ivanov, d'Isaac Babel et de bien d'autres. Simonov est optimiste; toutes les contradictions internes de Pékin seront surmontées, sans que l'auteur parvienne d'ailleurs à communiquer cet optimisme au lecteur. La révolution chinoise, par comparaison avec la révolution russe, a eu un atout : son armée. Au cours des longues péripéties de la guerre civile, les cadres de cette armée, en écrasante majorité d'origine paysanne, se sont plus profondément imprégnés d'esprit démocratique que ne le fit l'Armée rouge. LA CHINEde la fin des années 40 ressemblait fort à la Russie de 1918. En admettant que la Chine parvienne à rattraper les taux de développement de sa voisine, les deux pays n'en seront pas moins régis par la loi du « développement inégal » que la presse communiste évoque si souvent à un autre propos. La future tension entre les deux pays plonge, dans une large mesure, ses racines dans cette inégalité de développement. Au début, cependant, cette tension se faisait peu sentir. Le premier anniversaire de la victoire de la révolution chinoise fut marqué par un grand nombre d'articles d'écrivains soviétiques ayant visité la nouvelle Chine .et par de nombreuses traductions du chinois en russe. Mais la littérature sovi'étique du début de la révolution avait un avantage : elle était née sans « modèles » tout faits, et d'ailleurs les dirigeants du Kremlin, à l'époque, ne s'intéressaient guère aux belleslettres. Aussi la littérature soviétique de ce tempslà put-elle réfléter beaucoup plus pleinement les traits contradictoires du développement révolutionnaire. Ecrivains et poètes chinois se sont trouv~s dans une situation différente : à en juger
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