Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

LA CHINE DANS LA LITTÉRATURE SOVIÉTIQUE par Véra Alexandrova LA GUERRE CIVILE qui, peu après la révolution bolchévique, embrassa aussi toute la Russie d'Asie, y dura plus longtemps que dans la partie européenne du pays et se compliqua des relations avec la Chine et le Japon. Il apparut très vite que l'attitude de la population de la Russie révolutionnaire était différente à l'égard de ces deux voisins : vigilante et pour le moins réservée envers le Japon, elle était traditionnellement plutôt amicale envers la Chine, malgré les bases militaires installées par les Blancs en lutte contre l'Armée rouge et surtout contre les partisans sibériens. ·Le premier écrivain à se faire l'interprète de cette différence d'attitude à l'égard de la Chine et du Japon fut Vsévolod Ivanov, notamment dans ses « récits de partisans » ( Partisans, Train blindé n° 14-69, Vents colorés). Particulièrement caractéristique à cet égard est la nouvelle Train blindé n° 14-69, dont l'auteur tira en 1927 une pièce qui tint l'affiche pendant plusieurs années au Théâtre d'Art de Moscou. Le sujet est simple : la lutte des Blancs - soutenus par le Japon - contre la révolution persuade les paysans sibériens qu'il faut défendre leurs terres contre les envahisseurs. « N'abandonne pas la terre au Japonais ! Nous reprendrons tout ! Ne l'abandonne pas ! » C'est ainsi que le chef du détachement, Nikita Egorytch Verchinine, exhorte ses partisans au combat contre les interventionnistes. Verchinine lui-même, récemment encore, était un paysan riche et heureux qui n'avait nullement l'intention de prendre part à la lutte révolutionnaire. Mais les ·Japonais brûlèrent sa maison avec ses enfants dedans. Alors seulement Verchinine voulut se venger. L'atmosphère de l'armée révolutionnaire est bien rendue. Le rôle décisif dans la victoire des paysans-partisans sur les Blancs est joué par le train blindé dont ils se rendent maîtres. Le sommet dramatique est l'exploit d'un simple Chinois, Sin Bin-ou, qui s'est joint au détachement. Les partisans sortent Biblioteca Gino Bianco. de la forêt et se concertent pour savoir comment s'emparer du train. Il n'y a qu'un moyen : quelqu'un doit se sacrifier en se couchant sur la voie près de l'endroit où les autres se mettront en embuscade. Pendant que chacun interroge sa conscience, Sin Bin-ou déclare que c'est lui qui le fera. Avec une simplicité et une sorte de sagesse bouleversantes, il explique en mauvais russe qu'il a décidé de se sacrifier pour montrer « l'estime du peuple chinois pour le peuple russe». Le train écrase Sin Bin-ou, mais le mécanicien freine et se penche à la portière pour voir ce qui se passe. Les partisans en profitent pour le tuer. Après cela, il n'est plus difficile de prendre le train d'assaut. · A l'origine de la nouvelle, ainsi que l'auteur le relate dans son autobiographie, il y eut un incident vrai lu par Ivanov dans un journal sibérien de l'époque : « Je ne me souviens pas si c'était une information officielle sur une action d'éclat des partisans, un reportage ou un simple compte rendu de meeting; je me rappelle seulement que c'était quelque chose à la fois court et d'un héroïsme bouleversant. Jugez vous-mêmes. Un détachement de partisans sibériens, armés de vieilles pétoires, s'emparant d'un train blindé des Blancs, avec canons, mitrailleuses, grenades et personnel expérimenté ! Pour n'arrêter ne serait-ce qu'un· instant le convoi qui passait en trombe, le partisan Sin Bin-ou, un Chinois, un de ces coolies que le gouvernement tsariste embauchait en masse et envoyait au front creuser des tranchées, se couche sur la voie et se fait écraser. » DE LA PREMIÈRE MOITIÉ des années 20 sont particulièrement caractéristiques deux œuvres qui donnent une image encore confuse de la Chine : L'Année nue de Boris Pilniak (1923) et son Récit

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