Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

....'.( PAVLOV officiellement à une attitude de neutralité, sa position est dictée par la déclaration soviétocubaine signée à Moscou le 23 mai dernier. Castro a approuvé également l'accord des trois puissances 21 • Dès lors, aussi agréables que puissent être au cœur de Castro les appels au combat des communistes chinois, la situation économique de Cuba et l'existence même du régime communiste ·dans ce pays restent subordonnées aux rapports avec l'Union soviétique, et non avec la Chine. Quant aux autres pays asiatiques : Indonésie, Japon, Birmanie, Ceylan, etc., leurs partis communistes, n'étant pas au pouvoir, ne déterminent pas la politique de leur pays. Leur voix n'a donc d'importance pour la Chine que dans la lutte qui se déroule à l'intérieur du mouvement communiste. ON PEUT CONCLURE, dans l'état actuel du rapport des forces à l'intérieur du camp« socialiste », que les perspectives de la Chine pour organiser un second bloc dirigé par elle seraient loin d'être brillantes si le schisme entre Pékin et Moscou venait à se produire. En Asie même, la Chine se verrait isolée, avec pour unique alliée la Corée du Nord. La situation de Mao serait alors comparable à celle de Tito dans les premières années de sa rupture avec Moscou. Mais Mao ne veut ni ne peut être un Tito asiatique, ses buts et ses ambitions dépassant de beaucoup les intérêts nationaux-communistes très limités qui déterminaient la politique de la Yougoslavie en 1948. Mao veut être au moins l'égal de Khrouchtchev sinon prendre sa place dans le camp communiste. Tito a récemment caractérisé les plans du leader chinois en ces termes : Imbus de cette idée que le centre de gravité de la révolution est en train de se déplacer, certains dirigeants chinois interprètent à leur manière la thèse de Lénine, selon lequel le centre de gravité se déplace d'Occident en Orient, prétendant même que le centre s'est déplacé encore plus loin en Orient, jusqu'en Chine; en réalité, ils cherchent à dissimuler leur volonté d'hégémonie et de monopole idéologique dans le mouvement ouvrier. Cette façon de se représenter le déplacement du centre de gravité de la révolution a donné naissance également à la thèse que le mouvement ouvrier international doit nécessairement se solidariser avec la politique et l'idéologie des pays où se situe le nouveau centre de gravité. Et selon la logique de certains dirigeants chinois, la seule solidarité prolétarienne possible est celle qui soutient sans réserve leur politique et leurs positions, que celles-ci soient .bonnes ou mauvaises 22 • · La politique de Tito, c'est jusqu'à un certain point la neutralité, la coexistence avec tous les pays, y compris les Etats-Unis. Pour Mao, cette politique est inacceptable. ,En 1940, au moment 21. Pravda, s aotît 1963. 22. Borba, 19 mai 1963. Biblioteca Gino Bianco 15 où les communistes chinois combattaient à la fois Tchang Kaï-chek et le Japon, Mao écrivait: La lutte entre l'Union soviétique et l'impérialisme s'est encore aggravée et la Chine devra fatalement se ranger d'un côté ou de l'autre. Mais n'est-il pas possible de n'adhérer à aucun bloc ? Laissons là cette chimère. Le globe terrestre tout entier sera attiré dans la lutte entre les deux camps ; à l'avenir, le mot « neutralité » ne sera plus qu'une duperie 23 • Neuf ans après, à la veille de la victoire finaledu communisme en Chine, Mao revient à la charge: Sur le plan international, nous faisons partie du camp anti-impérialiste, en tête duquel vient l'Union soviétique. Une aide réelle, amicale ne peut être recherchée que de ce côté-là et non du côté impérialiste (...). Une position intermédiaire n'est pas possible; il n'y a pas de troisième voie 24 • Telle était la position des communistes chinois, il y a quatorze ans, telle elle est restée, du moins en apparence, jusqu'à ces dernières années. Cette position fut déterminée non seulement par l'adhésion du régime de Mao au bloc communiste, mais surtout par sa faiblesse économique et militaire. Certes, ces dernières années le potentiel économique et militaire de la Chine s'est accru, mais il s'en faut de beaucoup qu'il soit très développé. Dans la conjoncture actuelle, la sortie ou l'expulsion de la Chine du camp communiste ne conduirait pas à la formation d'un nouveau bloc capable d'égaler l'alliance des peuples libres ou le bloc soviétique. Dès lors, le « monde bipolaire » du professeur W. W. Rostow se maintiendra longtemps encore tel qu'il est aujourd'hui ; la force réelle dans le monde restera concentrée comme auparavant dans deux pays : !'U.R.S.S. et les U.S.A. Dans ces conditions, la Chine de Mao, isolée, privée du « parapluie atomique» soviétique, devra, pour survivre, cesser sa politique agressive, renoncer à ses plans sur Formose, l'Inde, le SudVietnam, la Corée du Sud, le Laos, etc., abandonner les positions acquises en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Mais pour Mao ce serait la mort politique. D'autre part, le divorce de la Chine d'avec le bloc soviétique aurait, pour !'U.R.S.S., des conséquences autrement plus graves que le schisme de Tito. Aussi peut-on supposer que les contremesures de Moscou seront plus radicales. Cela ne veut pas dire que Khrouchtchev contraindra la Chine à rentrer au bercail par la force des armes. Il a sans doute d'autres moyens, non moins efficaces.Le pouvoir de·Mao est loin d'être aussi solide que la presse et les communistes chinois veulent le faire accroire. Les diverses campagnes politiques et économiques menées en 23. Mao Tsé-toung : « De la démocratie nouvelle», in Œuvres choisies, t. II, p. 683, Pékin 1961. 24. Mao Tsé-toung : « De la dictature démocratique du peuple », ibid., t. IV, pp. 1478-80, Pékin 1960.

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