Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

LE CONFLIT SINO-SOVIÉTIQUE par K. Pavlov L'ÉTÉ 1963 entrera dans l'histoire des rapports sino-soviétiques comme une phase importante du conflit entre Moscou et Pékin. Les dissentiments, qui avaient été longs à mûrir dans les hautes sphères de l'appareil du Parti, en U.R.S.S. et en Chine, ont finalement éclaté au grand jour, p7;enantla forme d'une controverse idéologique passionnée. Après la joute oratoire parfaitement infructueuse à laquelle se sont livrés en juillet dernier, à Moscou, les idéologues les plus en vue des deux parties en présence, et la signature entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et !'U.R.S.S. d'un traité d'interdiction partielle des essais nucléaires, les désaccords opposant communistes soviétiques et communistes chinois se sont étendus aux relations d'Etat à Etat. La quasi-totalité des partis communistes ont été plus ou moins entraînés dans cette polémique. L'importance des questions controversées, la violence exceptionnelle de la polémique, l'intransigeance des antagonistes, des Chinois principalement, l'âpreté des accusations réciproques ont convaincu les sceptiques qu'on assiste non pas à une « comédiemontée pour duper l'Occident», mais à une lutte de longue haleine entre deux partis communistes rivaux, représentant des tendances opposées. L'évolution des rapports sino-soviétiques a eu un grand écho dans le monde libre. Bien que diversement commentés, les événements ont amené nombre d'observateurs à estimer que le monolithisme du bloc communiste était déjà du passé et qu'une rupture complète et définitive entre l'Union soviétique et la Chine de Mao est inévitable et prochaine. Les journaux font de nouveau état des pronostics d'hommes politiques selon lesquels l'U .R..S.S. sera tôt ou tard obligée de faire appel à l'aide de l'Occident pour combattre, de concert avec lui, une. ~_hinebelliqueuse et surpeuplée, dont les hordes -mnombrables, en quête d' « espace vital », déferleront sur le territoire soviétique. De telles hypothèses sont pour Biblioteca Gjno Bianco le moins préinaturées. Elles sont fondées sur les antagonismes nationaux que révèle la lutte en cours dans le monde colllCluniste et dont on exagère l'importance ; sur une méconnaissance des buts que Moscou et Pékin s'assignent en l'occurrence ; sur la mésestimation du profond désir de Mao d'être reconnu, dans le mouvement communiste, comme une autorité incontestée et indépendante de Moscou, ne fût-ce que dans les pays qui voient à travers des verres grossissants le potentiel politique, économique et militaire de la Chine rouge. Dans le monde libre, on a tendance à ne voir qu'un « conflit entre deux Etats dissemblables ayant des intérêts nationaux différents». La polémique idéologique ne ferait que traduire ouvertement le profond. antagonisme de l'Union soviétique et de la Chine sur le terrain d'une compétition purement nationale. Cette rivalité aurait ·pour causes le passé des deux peuples en même temps que la diversité de leur mission historique, de leur conception du monde, de leur civilisation, de leur psychologie, de leurs origines ethniques, voire du degré de. développement de l'économie et de la technique. Voici par exemple ce qu'écrit le New York Times dans un éditorial : Les deux géants communistes sont à présent en état de guerré politique ouverte. L'aigreur des rapports ressort· nettement de la lettre des communistes chinois publiée ce matin. Le différend soviéto-chinois · n'est pas essentiellement de caractère idéologique même si sa phraséologie se réfère lourdement à Marx et à Lénine. Il s'agit d'un heurt fondamental des intérêts nationaux, voire, ces derniers temps, d'un heurt de préjugés raciaux entre les Russes, qui sont des Blancs, et les Chinois qui ne le sont pas. L'amertume de la lettre chinoise procède de la longue histoire des humiliations et des rapines de la Russie impériale et de la Russie de Staline à l'égard

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