Le Contrat Social - anno VIII - n. 1 - gen.-feb. 1964

LÉON EMBRY rende à sa clientèle les services immédiats et tangibles qu,on attend d,elle, c,est dans l'ordre o~, si l~on veut, c'est le sens de l'histoire; mais lw attribuer le droit exclusif à régenter la cul- · ture, ce serait déplorable. Le pire des monopoles c,est celui de l'enseignement qui appelle pou; se complét~r celui de l'information et de la propagande ; il est alors présage ou condition organique du totalitarisme. rour ,~réer ou m~inte~ir le contrepoids nécessaire à ! inexorable evolution vers l'Etat centralisé on doit considérer avec faveur tout ce qui pré~ serve le pluralis~e et la liberté des pensées ; en cette perspective, personne ne peut honnêtement contester le rôle primordial des Eglises. Il va de_soi que l'on s~ g~rde ici d~ toute opinion dogmatique ou proselytique, mais nous avons bien le droit de dire que les rabâchages de Marx sur l'.aliénation et la dé-mystification paraissent aujourd'hui philosophie bien primaire ; il écrivait en un temps où les intellectuels s,éprenaient d'une conception monolithique de la science qui devait, pensaient-ils, tout expliquer, chasser tout mystère et prohiber toute croyance religieuse. Mais cela s,avère maintenant bien dépassé; c'est le scientisme qui s'est écroulé, c,est la science elle-même qui restitue le sens de l'infini, c'est la vie religieuse qui a fait preuve d,une surprenante force de rajeunissement. L'observateur impartial est sommé de se libérer des formules figées autant que de certaines positions où s,ankylosent encore nombre d'enseignants ; il est remarquable que les dictatures de notre temps commencent par faire profession d'athéisme et de matérialisme, ,en quoi elles s'avouent d'ailleurs plutôt retardataires. Mais si les écoles confessionnelles, quelle qu'en soit !a doctrine, ont le droit d,être désignées BibliotecaGino Bianco . 7 comme des écoles libres, nous voudrions que ce beau titre soit aussi revendiqué par nombre d,institutions qui ne se proposeraient rien d'autre que la libre recherche et la libre culture. Prendrons-nous comme exemple certaines Universités américaines dont l'existence dépend en partie du mécénat ? Rappellerons-nous les œuvres d,éducation ouvrière créées par les syndicats indépendants en Occident et qui, si elles n,obtinrent que de médiocres résultats, témoignèrent d,excellentes intentions ? Noterons-nous avec une vive satisfaction le fait que l'idée est reprise aujourd'hui même par de grandes entreprises économiques, organisant pour leurs cadres des cercles de culture qui dépassent toute technique et se préoccupent des problèmes les plus élevés ? La tendance universelle à la concentration mécanique et au dressage utilitaire suscite part~ut des réactions qui méritent pleine sympathie ; on voit se multiplier les initiatives par lesquelles se traduisent les aspirations de l'esprit et il n'est pas dit que tout doive s'achever par le lavage des cerveaux et la domination d'une conscience des masses fabriquée par les Etats, c'est-à-dire en définitive par une énorme caste de maîtres appointés et coulés dans le même moule. La culture peut fort heureusement se transporter en dehors des vastes usines à diplômes et y retrouver ce sans quoi elle n'est rien : liberté, désintéressement, mépris de la richesse, diversité, recours à toutes les énergies spirituelles et non pas seulement à une raison instrumentale. La planification industrielle des pensées n'est certes ~as l1!1 idéa} et non plus une certitude pour 1avenir de 1homme. A chacun de parier et de vouloir. LÉON EMERY

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