Le Contrat Social - anno VII - n. 6 - nov.-dic. 1963

318 collective» s'avère comme une réalité avec laquelle les démocraties atlantiques doivent com~ter. Soulignons, en outre, que Chélépine, l'ancien secrétaire des Jeunesses communistes et ci-devant chef de la Police secrète, cumule à présent les charges et fonctions de secrétaire du C_omité central, de président du Comité de contrôle du Parti et de l'Etat, de vice-président du Conseil des ministres. Avancement vertigineux pour un homme relativement jeune, mais d'où il serait prématuré de rien conclure, sachant qu'à Moscou, plus encore qu'à Rome, le Capitole est proche de la roche Tarpéienne. Dans un autre ordreid'idées, on(ne peut s'empêcher de noter que, le 2 avril 1963, l' Unità communiste italienne avait remarqué à Moscou « un moment politique délicat (sic) et intéressant», à l'appui de quoi son fastidieux verbiage, dépourvu d'indications explicites, suscitait une vague de rumeurs contradictoires. En même temps, Paese Sera, autre feuille communiste, doutait que Khrouchtchev eût été mis en minorité au Présidium après un débat « d'une vigueur sans précédent ». Le peu qu'on sache à cet égard provient d'indiscrétions chuchotées dans les ambassades de pays satellites, par conséquent de milieux qui touchent aux cercles officiels. Le 8 avril suivant, la Pravda publiait sa kyrielle annuelle de slogans rituels pour le Ier Mai, qu'une « précision » bizarre allait compléter trois jours après dans le même journal par un long« salut fraternel» au socialisme yougoslave : une pareille lacune, réparée aussi ostensiblement, cela ne s'était jamais vu et cela prête à spéculer à l'infini sur les nuances d'opinion instables au Secrétariat ou au Présidium. Dix jours plus tard (21 avril), !'Observer rapportait de sources anonymes, sans doute diplomatiques, la prévision du « départ » de Khrouchtchev dans les deux ans à venir. Bientôt, Khrouchtchev en personne reconnaissait, le 24 avril, qu'à son âge un politicien surmené est en droit de penser à la retraite. Le 4 mai, on apprend par un bulletin de santé que Kozlov, Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL malade, ne: participe plus aux affaires jusqu'à nouvel avis : notre dernier article, Au-dessus de la mêlée, mentionnait la question indiscrète posée à Tirana au sujet de cette disparition inopinée. Une crise cardiaque ou une hémorragie cérébrale ne sont pas absolument à exclure, même en Russie soviétique, mais dans Problems of Communism ( de Washington, n° de juillet-août 1963) miss Priscilla Johnson avait appelé l'attention sur un passage du poème d'Evtouchenko, Les Héritiers de Staline, paru dans la Pravda le 21 octobre 1962, où l'on pouvait lire ces vers : « Ce n'est pas pour rien,· certes, que les héritiers de Staline ont leur part de crises cardiaques.» Or Kozlov avait eu déjà un avertissement physique de ce genre en 1960 et Evtouchenko, lors d'une conversation avec Wolfgang Leonhard publiée à Hambourg par Die Zeit le 8 février 1963, a gardé soigneusement le silence quand son interlocuteur lui eut demandé s'il faisait allusion au cœur de Kozlov, dans son inspiration vengeresse. A tort ou à raison, miss Priscilla Johnson qui revient d'un long séjour (plus de deux ans) en U.R.S.S., et y a fréquenté beaucoup d'écrivains et d'artistes, voit une relation de cause à effet entre les attaques politiques prononcées à Moscou l'hiver dernier contre les intellectuels soviétiques taxés d'hérésie et l' « attaque cardiaque» de Kozlov. La supposition n'a rien d'invraisemblable. Si ces divers indices, d'importance inégale comme de nature différente, ainsi que d'autres plus subtils, se confirment et se précisent, ils mériteront examen à loisir, ensemble ou séparément selon la tournure des choses. Pour l'heure, les deux principaux imposteurs qui paradent sur le devant de la scène internationale ont surabondamment démontré leur imposture respective, donc celle de leur idéologie et de leur régime, même s'ils trouvent un « compromis pourri », comme disait Lénine, pour sortir momentanément de cette impasse. B. Souv ARINE.

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