CHRONIQUE Réflexions sur la violence L'ASSASSINAdTu président Kennedy a produit sur le monde une commotion et dans le mocde ~e émotion sans précédents. Et pour plusieurs raisons, plus ou moins conscientes. Malgré l'absence de ce leadership américain qui n'a existé qu'en théorie, la puissance des Etats-Unis protège tous les pays non soumis à l'impérialisme étiqueté communiste, même ceux qui se croient neutres ou se prétendent non engagés. De ce fait, l'élu de la nation américaine devient ipîo facto, cc pour le meilleur· et pour le pire », le mandataire de toutes les nations libres vis-à-vis du camp retranché qui s'étend sur le vieux continent depuis le mur de Berlin pardessus la grande, muraille de Chine. Nous, gens de France et d'Europe, n'étions pas les électeurs du président défunt, mais celui-ci n'en était pas moins notre représentant dans le conflit qui divise la planète, et cela est vrai pour la grande majorité des populations dans les cinq parties du monde, y compris celle des peuples opprimés sous le drapeau du communisme. Le crime insensé commis à Dallas affecte donc l'humanité tout entière. A cette raison majeure, si confuse soit-elle en bien des esprits, se sont ajoutés des sentiments de stupeur profonde, d'indignation impuissante, d'inquiétude irraisonnée. Un acte aussi absurde aurait échoué si les services de sécurité avaient pris certaines précautions élémentaires compensant la théâtromanie déplorable qui expose des vies précieuses à l'idée fixe de n'importe quel maniaque. A quelques secondes près, à quelques miJUmètres près, le mauvais coup eût été manqué. Les circonstances de la tragédie où devait succomber à l'improviste un jeune athlète de la politique dans les bras d'une épouse éperdue, bientôt raidie en son deuil et son stoïcisme, la présence poignante de petits orphelins dans l'imposante solennité des cérémonies funèbres, tout a. contribué à la consternation universelle. Il s'y mêlait le désir légitime de savoir le vrai et de comprendre _le.sens de l'affaire, mais aussi la curiosité vulgaire stunulée par une presse sans scrupule qui trouble les notions les plus claires et déforme toutes choses pour vendre son papier dérisoire. Inquiétudes irraisonnées, enfin : l'attentat de SaraJevo, l'assassinat de Jaurès, le drame de Marseille sont autant de souvenirs qui reviennent en mémoire et font craindre sourdement des suites non moins funestes. Bibiioteca Gino Bianco Un mois après le scandale de Dallas, on se perd encore en conjectures que les autorités locales embrouillent comme à plaisir et il est question d'attendre un an les conclusions d'une commission d'enq~ête fédérale. Il devi~nt impossible au public de trier un monceau d'informations contradic- !oires et d~en sélectionner l'essentiel, alors qu'on ignore tou1ours ce que le meurtrier présumé a pu dire pour se disculper au cours des longues heures de son interrogatoire comme on ignore même les explications que sa femme a pu fournir. Déjà s'accrédite partout la conviction que la vérité restera sous le boisseau, que la justice n'est pas libre d'accomplir son œuvre. Mais si les aspects criminels de l'épisode ne sont pas de notre compétence, il nous appartient d'en commenter l'un des côtés politiques des plus significatifs dans les conditions actuelles de la guerre froide. A peine appréhendé l'assassin présumé (présumé par la police de Dallas, puis par celle de Washington, dit-on), les autorités locales révélaient que Lee Oswald avait lu, âgé de quinze ans, le Capital de Marx. Cette énorme sottise ne révèle en réalité que les noires intentions de ceux qui l'·ont forgée, même si Oswald a été le coupable. Quelques jours plus tard, le Capital se transformait en une mince brochure traitant de deux espions staliniens condamnés à mort, et dont le sujet n'a rien à voir avec le « marxisme » intempestivement mis en cause. On a su de bonnes sources ensuite qu'Oswald, démobilisé des « marines », désorienté et démoralisé par son expérience militaire, abusé par la propagande mensongère du communisme actuel, version russe du nazisme, s'était rendu en Union soviétique où il croyait trouver l'ordre social de ses rêves. Là, on le fit travailler dans une usine à Minsk. Pour qu'un transfuge américain fût utilisé de la sorte, il fallait vraiment qu'on ne le jugeât bon à rien d'autre. On lui refusa même la nationalité soviétique, preuve supplémentaire du peu de cas que les communistes faisaient de ce pauvre type. Désabusé, découragé, dégoûté, comme tous ceux qui ont vécu en U.R.S.S. sans appartenir à la nouvelle classe privilégiée, Oswald réussit à partir avec sa femme russe et son enfant. Autrement dit, le Guépéou avait décidé que mieux
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