QUELQUES LIVRES teur, il leur faudrait de sérieuses raisons pour en _changer.Enfin si les petits, encouragés par l'exemple, s'attellent à la tâche en mettant réellement leurs moyens en commun, plusieurs petits font un grand et l'on revient à l'hypothèse où la sécurité collective est prise au sérieux, voire tout à fait au sérieux. Mais cette hypothèse est incompatible avec les conséquences pan-nationalistes de G2. . _ Tout cela revient à dire que le premier théorème de P. Gallois nous paraît beaucoup plus satisfaisant que le second, à propos duquel s'élèvent des doutes. Nous ne disons-pas que ce théorème · est faux, mais nous n\~stimons pas qu'il soit établi comme vrai. On dira qu'il faut bravement courir le risque, tenir que le théorème est vrai, mais nous ne voyons vraiment pas la raison de ce pari: l'espérance mathématique est trop faible de ce côté-là. Et s'il faut absolument parier, nous parions plutôt, à l'opposé, pour la sécurité collective, 'qui est moins coûteuse et paraît plus efficace. Ces considérations n'engagent que le signataire. AIMÉ PATRI. Politique et stratégie DANS UN OUVRAGE dont le titre rappelle une formule du général de Gaulle, le professeur René Courtin témoigne de l'inquiétude su~citée en de nombreux esprits par la politique extérieure de la France*. Ancien résistant et admirateur du général, militant depuis la guerre à la tête du Mouvement européen, M. René Courtin dit dans son avantpropos qu'il « ressentit une première fêlure» le jour de l'entrée du général de Gaulle à Paris, quand il le vit manifester « son mépris des hommes et son indifférence à l'égard de ceux-là mêmes qui étaient tombés dans le combat commun» (p. 10). Après cette réserve morale, il a rompu politiquement avec le général, avec son nationalisme ombrageux, son mythe de la grandeur nationale, son mépris des réalisations communautaires de l'Europe, son opposition ouverte ou larvée, toujours tenace, à l'Alliance atlantique. Rappelant des pages bien connues du Fil de l'épée, il souligne l'importance de la ruse dans le comportement politique du .général de Gaulle et il en voit la confirmation dans la manière dont fut résolu le problème algérien. Dissimulant sa pensée, même à ses plus proches collaborateurs, le président de la République n'a-t-il pas entretenu les illusions de ceux qui l'avaient hissé au pouvoir pour faire une politique dont il prit avec une opportune lenteur le con~re-pied ? Se fondant sur des discours, des propos publics, le professeur • René Courtin : L'Europe de l'Atlantique à l'Oural. Paris 1963, Bd. l'Bsprit nouveau," 142 pp. iblioteca Gino· Bianco 367 Courtin, qui en reproduit une longue liste en annexe à son ouvrage, souligne l'équivoque, le double sens, la part de mystère que, conformément à ses règles de gouvernement, le général y laisse consciemment subsister, ainsi que les formules obscures que cherchent en vain àpénétrer les chancelleries étrangères; et, s'autorisant du précédent algérien, il en vient à se demander quel est le contenu réel d'une politique extérieure faite de restrictions mentales plus que d'affirmations claires et nettes. La thèse du professeur Courtin est que, revenu au pouvoir, le général de Gaulle a cherché un accord particulier avec l'Union soviétique, accord impliquant dans son esprit une rupture avec les pays anglo-saxons et la fin de l'O.T.A.N. La formule, quelque peu mystérieuse, de « l'Europe de l'Atlantique à l'Oural » en serait l'expression. Cette formule revient avec constance dans les discours cités, particulièrement ceux qui furent prononcés devant des auditoires populaires. Au contraire, elle est moins explicite dans les propos diplomatiques, tels qu'ils sont rapportés officiellement. En 1944, déjà le chef du gouvernement provisoire repoussait l'idée d'un bloc des nations occidentales. Se faisant sans doute des illusions sur l'indépendance future des nations d'Europe orientale, sur les visées comme sur le régime de Staline, il méditait une association européenne « de l'Irlande jusqu'à Stamboul et de Gibraltar à l'Oural » (Mémoires, tome III, p. 47), à condition, ajoutait-il, que « la France s'introduise dans le triumvirat issu de la guerre formé par l'Amérique, l'Angleterre et la Russie » (ibid.). La France fut écartée des négociations de Ialta et de Potsdam ; nul doute qu'aujourd'hui qu'elle est devenue puissance atomique, le général ne veuille à nouveau l'introduire dans le club des Trois. En attendant qu'un jour l'Europe s'étende jusqu'à l'Oural, de Gaulle, dès 1944, voyait dans l'Europe occidentale non ce bloc dont parlait déjà Churchill, capable selon celui-ci de s'opposer à l'expansion soviétique, mais un conglomérat de nations indépendantes devenant « l'arbitre entre les deux camps, soviétique et anglo-saxon » (Mémoires, III, p. 180), un élément d'équilibre entre les deux masses rivales, U.R.S.S. et pays anglo-saxons. Formule qui rappelle la troisième force neutraliste, préconisée, longtemps après, par ce qu'on appelle l'intelligentsia de gauche. Bien que, selon M. Courtin, cette position gaulliste ait été abandonnée après 1949, · avec la création de l'O.T.A.N., nous la retrouvons à peine changée dans· un discours de I 962 : « Notre espoir est qù'un jour vienne où l'Europe joue un rôle éminent comme arbitre de la paix du monde» (19 mai 1962, souligné par nous). On ne peut être à la fois arbitre, ce qui implique une certaine neutralité, et partenaire des autres puissances occidentales dans l'Alliance atlantique. Quant à la formule cc de l'Atlantique à l'Oural », elle serait apparue à la conférence de presse du
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