QUELQUES LIVRES « Frappe, mais écoute» IL N'EST PAS trop tard pour aborder un sujet qui demeure au cœur de l'actualité politique internationale, lors même que trois années se sont écoulées depuis la publication du livre qui en traitait 1 • Le grade de l'auteur - dont il n'est pas inutile de préciser, comme il l'a fait lui-même, l'appartenance au cadre de réserve - n'est pas ce qui intimide, mais plutôt sa qualité de technicien émérite et sa lucidité. Si le terme « cartésien » n'était tant galvaudé, surtout en France, on aimerait l'employer pour caractériser la rigueur de son esprit. Nous savons aujourd'hui que le général Pierre Gallois a mis · sa compétence au service d'une entreprise privée qui travaille pour la chose publique. Les idées d'ensemble ne lui étant pas plus étrangères que la précision du détail, il est devenu par surcroît une sorte de théoricien du régime politique actuel en France, celui dont on invoque volontiers la brillante argumentation pour répondre aux critiques de l' opposition relativement à une question litigieuse s'il en fut. Nous ne croyons pas qu'il ait souhaité ce rôle, mais il le joue par la force des ·choses. Raison de plus pour examiner rétrospectivement un plaidoyer qui, bien qu'il n'ait pas été établi ad hoc, est utilisé maintenant comme tel. En les considérant d'abord loin du vacarme parlementaire qui faisait fourcher la langue d'un orateur, du bruit des explosions de Reggane, de la poussière soulevée, dégageons deux théorèmes de P. Gallois, comme s'il fallait« plancher» au tableau noir : G1. - Supposons en premier liet.(deux adversaires A et B, disposant de forces atomiques approximativement égales. Si malintentionnés soient-ils l'un à l'égard de l'autre, si disposés à exercer l'un contre l'autre un chantage, il est à gager que ni l'un ni l'autre ne prendra l'initiative fatale. En effet, bénéficierait-il de l'effet I. Général Pierre Gallois : Stratégie de l'âge nucléaire. Préface de Raymond Aron. Paris 1960, Calmann-Lévy, 238 pp. Biblioteca Gino Bianco de surprise, A sait que B, même frappé à mort, pourra encore le détruire. Or nul n'engage une guerre avec la certitude d'être détruit, fût-ce par ricochet ; · G2. - Supposons maintenant que les forces atomiques de A l'emportent de très loin sur celles de B, lequel n'en est cependant pas dépouvu. Les forces de B, si elles ne sont pas capables de causer la perte de A, sont suffisantes pour lui porter des coups assez graves pour compenser les avantages que A espérait retirer d'une entreprise de contrainte. En effet, dans l'hypothèse où A serait porté à assaillir B; la riposte éventuelle de B serait suffisante pour faire réfléchir A. On peut penser que A serait alors « dissuadé ». Levons une objection liminaire relative à la validité de G1. Il est certain que la formule finale : «Nul n'engage, etc. », demande que l'on sous-entende : « à moins qu'il ne s'agisse d'un fou... ». Cette clause restrictive prend figure d'objection populaire entretenue par le roman, le cinéma, etc. On objecte que la folie est dans la nature des choses humaines et que la méconnaissance de cette vérité psychologique élémentaire est trop souvent le fait des raisonneurs abstraits. Nous croyons que P. Gallois a fort bien répondu à l'objection classique en faisant valoir · qu'un joueur passionné, poussant l'audace jusqu'à la témérité, doit •être distingué d'un fou proprio dictu, c'est-à-dire d'un irréaliste total. Or rien n'autorise à penser que, dans la conduite des affaires publiques, les chefs d'Etat _connus à ce jour aient été de vrais fous, même lorsqu'ils étaient aux antipodes du sage. L'échec final des entreprises de tel ou tel ne prouve pas, a posteriori, la folie initiale.· D'autre part, à supposer qu'un vrai fou se trouve à la tête d'un Etat, ou du moins à un échelon inférieur efficace, il y a, dans un cas comme dans l'autre, trop d'intermédiaires pour ne pas faire décroître le risque d'u'n ~ccident de cette sorte. L'imagerie du pressebouton manœuvré par un seul est naïve. En bref, ce · que présuppose la démonstration de G1, . .
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