360 pa~, qu'il soit puni de mort; il a commis le plus grand des crimes, il a menti devant les lois 3 • Nous en demandons pardon une deuxième fois à Simone Weil : il n'y a pas de texte plus limpide pour donner bonne conscience à tous les émules des Fouquier-Tinville ou des Vychinski, prononçant leurs réquisitoires au nom du Peuple souverain. « L'Etat, dit également Rousseau, est maître de leurs biens [les biens des citoyens] par le contrat social... Les possesseurs sont considérés comme dépositaires du bien public. » Toujours logique avec son dogme de la toute-puissance de l'Etat, expression de la volonté générale, Rousseau affirme que le citoyen ne doit pas faire partie d'un autre groupe que l'Etat. Donc, aucune · société partielle, aucune association, aucune corporation, « autrement on pourrait dire qu'il n'y a plus autant de votants que d'hommes, mais seulement autant que d'associations ». Ici encore (et nous en demandons une troisième fois pardon à Simone Weil), la pensée de Rousseau ne présente aucune ambiguïté et a été parfaitement comprise et mise en application par ses disciples : le jacobinisme étatique et sa forme contemporaine, le totalitarisme, sont au bas de la pente. Comme l'écrit G. Bouthoul, « il semble qu'il suffise d'exagérer très peu la position sociologistique et le souci d'éliminer les facteurs individuels pour aboutir à une sorte de panthéisme social» (Traité de Sociologie, p. 368) 4 • La richesse même des textes de Rousseau peut nous entraîner dans des subtilités dialectiques où la discussion risque de s'enliser. Portons donc le débat sur ce qui nous semble son véritable 3. C'est le péché d'incivismeJ toujours prêt à renaître dans les périodes troublées. Il y a quelques années,· lors d'une discussion sur l'amnistie, le Parlement devait accorder aux e~crocs, aux voleurs et aux souteneurs le pardon qu'il re~usa1t aux auteurs d'infractions, même vénielles, à ]a légis- · lat1on économique, « qui font courir à l'intérêt national », n'a pas craint d'affirmer le ministre responsab]e se faisant théologien, « un péril majeur plus grave encore que celui que lui font cou~ir les v~leurs » (J. O., Déb. pari., 22-6-1947, p. 2312) ... Ce n est pas impunément que l'on dilue Je Décalogue dans un « myrialogue JJ, camisole de force d'un planisme systématique. 4. M1eterlinck nous apporte une curieuse démonstration de ce p:rnthéisme à la mode au début du siècle, dans sa Vie des_termites (réédition de 1927, pp. 204 et 205) : <' ... La popuIr.t1on de la ruche, de la fourmilière ou de la termitière (...) paraît être un individu unique, un seul être vivant dont le~ or~anes, formés d'innombrables cellules, ne sont' dissémmés qu'en apparence, mais restent toujours soumis à la tn~me énergie ou personnalité vitale, à la même loi centrale. En vertu de cette immortalité collective, le décès de centaines voire de milliers de termites auxquels d'autres succèdenf in~médiatement, n'atteint pas, n'altère pas l'être unique, de meme que, dans notre- corps,-. la fin de milliers de cellules que d'~utres remplacent à l'instant n'atteint pas, n'altère pas la vie de notre moi. Depuis des millions d'années, comme un homme qui ne mourrait jamais, c'est toujours le même termite qui continue de vivre ; par conséquent, aucune des expér!~nces de _ce termite ne peut. se perdre, puisqu'il n'y a pas d mterrupt1on dans son ·existence, puisgu'il n'y a jamais morcelleiµent ou disparition de souvenirs, mais .que subsiste une mémo~re unique qui n'a cessé•de fonctionner: et .de cen- ..traliser toutes-Jes ·acquisitions de l'âme collectiv,e;_,,·. · _~::·. Biblloteca Gino Bianco I DÉBATS ET· RECHERCHES terrain, celui de la psychologie, individuelle et collective. . . PouR EXPLIQUEleRs mythes,. les croyances, les idéologies, grande est la tentation, pour !'intel-. lectuel, ou l'érudit, de rechercher le fil d'Ariane révélant une filiation à. travers les frontières. du temps ou de l'espace. Les ethnologues connaissent bien ce risque : tel mythe solaire, tel récit du Déluge se retrouvent dans le folklore de peuples que séparent la race, les océans, les siècles. Où donc est le trait d'union ? Qui a joué le rôle d'intercesseur ? Dans cette quête, la subtilité des spécialistes n'est jamais à court d'arguments ou d'exégèses.· : · _ Le mythe de la volonté générale ou de . la conscience collective n'échappe pas à la règle. Sans doute ne peut-il être question de nier le rôle déterminant des individus dans l'histoire, le rayonnement prodigieux de certains « prophètes », ni les processus de propagation des croyances, ni les phénomènes d'imitation, de contagion, d'osmose, de redécouverte, de réactivation des idées et des croyances dans l'imagination nostalgique des hommes à la recherche du S1int-Graal. Toutefois, une observation objective des manifestations de certaines structures mentales perm1nentes peut, dans bien des cas, faciliter la .compréhension de ce mythe qui se situe sur les pla!ls historiques, sociaux, politiques et psychologiques. La psychanalyse aurait son mot à dire. Discu~ tant les thèses de Gustave Lebon sur la « psychologie des foules », Freud formule son propre diagnostic sur ce qu'il appelle l'individu-enfant ou l'individu névrotique. Il écrit : Il nous suffit de dire que l'individu en foule se trouve placé dans des conditions qui lui permettent de relâcher la répression de ses tendances inconscientes. Les caractères en apparence nouveaux qu'il manifeste alors ne -sont précisément que des manifestations de cet inconscient où sont emmagasinés les germes de tout ce qu'il y a. de mauvais dans l'âme humaine : que la voix de la conscience se taise ou que les sentiments de la responsabilité disparaissent dans ces circonstances, c'~st un •fait que nous n'avons aucune difficulté à comprendre (Psychologie collective et analyse du moi, Paris 1953, · p. 13 ). C. G.-Jung nous propose de son côté sa·théorie .de l'inconscient collectif qui, par un curieux para- . doxe (presque un jeu de mots), apporte une nouvelle clé pour pénétrer dans le champ ·clos·de la ~ conscience collective. Il donne à certains produits préférentiels de l'imagination le ~om d'archétypes : J'entends par là des formes ou images de· nature . _collective qui ~~ manifestent pratiquement dans le monde entier comme éléments constituJifs des -~yth~s
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