H. SWEARER EN PREMIERLIEU,la multiplication des crimes économiques depuis le milieu des années 50 est un contrecoup inattendu des mesures prises pour brider l'appareil de répression du système stalinien. La réduction des effectifs et des pouvoirs de la police secrète et de son réseau d'informateurs a certainement relâché la surveillance exercée sur le personnel de direction, affaiblissant ainsi les risques et la crainte d'être pris la main dans le sac. Ces tendances ont également été encouragées par l'abandon des poursuites criminelles pour certaines fautes administratives et par la réduction des peines pour d'autres délits encore · tenus pour des crimes. En outre, la tendance à introduire ùne nouvelle souplesse dans le système administratif et à desserrer l'étreinte de la bureaucratie par la décentralisation a eu pour effet de donner les coudées plus franches aux fonctionnaires régionaux et locaux. La « direction collective» s'est, d'autre part, bien davantage souciée de l'image que le peuple se faisait du Parti, et elle s'est efforcé~ de fonder son autorité sur l'assentiment des masses. Elle reconnaît ouvertement que l'enrichissement illégal des fonctionnaires administratifs .va à l'encontre de ses desseins. Pour ces raisons et sans doute pour quelques autres, également d'ordre politique, contrôles et sanctions ont été notablement renforcés ces dernières années 5 • La peine de mort a été réintroduite pour différents crimes économiques, y compris la spéculation à grande échelle, et nombres d'autres délits économiques sont devenus passibles du code pénal. Des lois « antiparasites » ont été décrétées et de nombreux expédients appliqués en vue d'exercer une pression sociale sur ceux qui violent les normes du comportement S')cialiste. Dans cette perspective, le C.C.P.E. est assurément destiné à être une arme supplémentaire pour imposer le respect des c~nons officiels. · Le C.C.P.E. fédéral est au.sommet d'une organisation hiérarchique qui dispose d'organes correspondant au niveau de la République et à chaque degré successif en descendant l'échelle de l'administration territoriale 6 • Au niveau de l' oblast (région), deux comités reflètent la ramification des appareils du Parti et de l'Etat en une branche industrielle et une branche agricole. Le comité de contrôle est responsable, à chaque niveau, simultanément devant l'échelon correspondant de l'appareil du Parti et de l'appareil gouvernemental, c'est-à-dire à l'échelo1! fé_déral, ~eyant le Comité central du- P.C. de 1 Uruon sovietique et devant le Conseil des ministres ; à l'échelon inférieur de la hiérarchie, à la fois devant le comité du Parti chargé de l'administration ~e la produc: tion du territoire et devant le soviet local. Qu1 5. Cf. Harold J. Berman : « Th(! Dilemma of Soviet Law Reform » in Harvard Law Review, mars 1963, n° 5; Harry Willets :'«The Wages of Economie Sin», in Problems of Communism, septembre-octobre 1962, n° S· 6. La Pravda du 18 janvier 1963 a consacré son article de tête aux statuts du C.C.P.B. Biblioteca Gino Bianco 351 plus est, suivant le fameux principe de la d<?uble subordination, à la fois horizontale et vertical~, chaque comité de contrôle est lui-même sounus au comité situé au niveau territorial immédiate- , . ment superieur. Le personnel du comité d,e contrôle à chaqu_e niveau comprend des representants du conseil des syndicats pour la subdivision territoriale, des représentants du Komsomol et de la presse, des fonctionnaires du Parti et des fonctionnaires de direction, ainsi que le léger dosage habituel d'ouvriers et de kolkhoziens 7 • Le président est, invariablement, soit un secrétaire du comité du Parti correspondant, soit, plus rarement, un vice-président du conseil des ministres de la République ou (aux niveaux inférieurs) du comité exécutif des soviets. Ainsi, le nouvel appareil d'inspection n'est pas séparé du corps des fonctionnaires locaux. Les comités fédéraux et républicains semblent dispose~ d'un effe_ctif à plein temps comprenant au ,mo"?-sdeux v_iceprésidents et un. personnel rep~ en s~ctions chargées de l'agriculture ou de 1 mdustne, des doléances et de la correspondance, sans parler de quelques autres sections. Les comités des grandes villes et des régions disposent également d'un certain personnel à plein temps, mais leur organisation est moins bien connue. Aux niveaux inférieurs, des groupes ont été organisés dans les entreprises, les kolkhoses, les services de l'habitat et autres institutions, afin de prêter assistance aux comités de contrôle locaux. Les comités proprement dits, du moins à ce niveau, disposent également de cert~nes sections auxiliaires composées de volontaires. De la sorte est mis en pratique le précepte de Khrouchtchev selon lequel « il faut amener les larges masses des travailleurs à participer au travail des organes de surveillance». * )f- ,,. QUELLECSHANCEleS nouveau mécanisme a-t-il de devenir une grande institution durable ? Au moins au début, il risque fort d'être capté par l'appareil r~gulier du P~rti et de de~enir .un simple serviteur de la chque des fonctionnaires en place à chaque échelon administratif. Nous l'avons dit, le nouvel appareil d'inspection n'est pas· indépendant du Parti et des hiérarchies gouvernementales (contrairement à ce qui av~t été suggéré la plupart du temp~ lors de la dis- - 7. Outre le préside11t et le vice-président, le C.C.P.E. pour la région industrielle de Moscou comprenait à la mifévrier : le premier secrétaire du comité industriel du Komsornol pour la région de Moscou, un dessinateur, le directeur de l'usine de constructions mécaniques de Krasnogorsk, le directeur du trust de constructions spécialisées n° 2, un mécanicien, le président du C.C.P.E. de la ville de Kolomna, le président du comité exécutif de la ville de Zagorsk, le premier secrétaire du comité urbain d'Orekhovo-Jouïévo, le rédacteur en chef adjoint du journal le Drapeau de Linine, un tisserand, le secrétaire du bureau d'organisation du conseil des syndicats industriels de la région.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==