E~ .. DELIMARS l'itigérénce allemande met son espoir en Elisatietji, fµle de Pierre. le Grand. : · · . . . :{Le tout-puissant Ostermann imposait à la Russie une politique austrophile contraire aux· iptérêts de la France. La Chétardie, aidé de Lestocq, médecin et familier d'Elisabeth, poussa cette princesse à s'emparer de la couronne. Une i;iouvelle révolution de palais se déroula dans la nuit du 24 novembre 1741, émaillée de maints détails pittoresques qui, depuis, ravissent les générations successives d'écoliers russes, fiers de cette facile victoire de leur souriante princesse sur les Allemands détestés. Après l'avènement d'Elisabeth, les langues des_ patriotes se délièrent. Les popes, remplis d'une audace désormais sans danger, affirmaient dans l'es églises orthodoxes que les Allemands avaient fait de la Russie de Pierre le Grand un bazar où tout était à vendre. Le règne d'Elisabeth, qui, la veille de son coup d'Etat, avait juré de ne jamais signer de condamnation à mort, apporta une détente au peuple et combla son orgueil national. Les troupes russes infligèrent au roi <:fePrusse, Frédéric le Grand, premier stratège c;Ieson temps, deux cuisantes défaites : à GrossJaegers~orf en 1757 et à Künersdorf en 1759. Elles· prîrent Berlin en 1760, l'occupèrent trois jours durant et envoyèrent les clefs de la ville à Pétersbourg. . Mais ce règne ne fut qu'un court répit pour le pel:J..plerusse. Elisabeth tenait à maintenir la couronne dans la lignée de son père. Or le seul descendant direct de Pierre était un prince allemand particulièrement lamentable, Karl Peter Ulrich, fils d'Anna Pétrovna, sœur aînée d'Elisabeth et du duc Karl Friedrich de HolsteinQottorp. Ce garçonnet, né en 1728, malingre et borné, orphelin de très bonne heure, fut élevé dans son minuscule duché par un courtisan ignare comme prétendant éventuel au trône de Suède, car il était également un petit-neveu de Charles XII. Mais l'impératrice de Russie le manda subitement en 1742 à Pétersbourg, où il fut baptisé orthodoxe et obligé d'étudier le catéchisme et la langue russe. Cette brusque transformation d'un garçon allemand de quatorze ans, stupide, ignorant et entêté, de Karl Peter Ulrich de HolsteinGottorp en Pierre Fédorovitch Romanov, n'aboutit qu'-à en faire un fantoche ivrogne, sournois et vicieux, holsteinien avant tout et haïssant les Russes. ·· L'héritier préso.mptif était un fervent admirateur de Frédéric le Grand : pendant que les troupes russes se battaient contre le roi de Prusse, il ren- .seignait ce dernier sur leurs mouvements. Dès son accession au trône, en décembre 1761, il signa la paix avec son idole, lui restitua tous les territoires conquis et coné!ut avec lui un traité d'alliance dirigé contre- le Danemark. Il revêtit l'uniforme prussien et imposa aux deux régiments dl! la Garde une copie de cet uniforme, étriqué et incommode, leur imposant de surcroît d'interminables exercices de maniement d'armes. Toutes BibliotecaGino Bianco '.' ~ . 1 ' ./. ,, . 1 • . 345·_ ses faveurs allaient à sa propre garde holsteinienne, son entourage de prédilection. Cette garde, source d'irritation constante pour la Garde russe, était composée d'une racaille internationale, en particulier de cc fils des cordonnniers prussiens, anciens sergents ou caporaux de Frédéric II ». ,. Les gaffes et pitreries de Pierre III provoquent bientôt l'indignation de toutes les couches de la société. Il semble vouloir dresser tout le monde contre lui: il offense gravement le clergé et les orthodoxes en prescrivant au Saint-Synode de cc purger les églises russes de toutes les icônes, à l'exception des images du Christ et de la Sainte Vierge », ordonnant aux popes de couper leur barbe et de s'habiller en pasteurs protestants; il fait séculariser tous les biens immobiliers de l'Eglise russe ; il menace de répartir la Garde parmi les régiments de ligne ordinaires. Un complot contre cette caricature d'empereur devient inévitable. Heureusement pour les Russes, la femme de ce fantoche était une personnalité remarquable. L'impératrice Elisabeth avait fait venir, en 1744, à Pétersbourg, la jeune princesse Sophie Augusta Frédérique d'Anhalt-Zerbst, l'avait fait baptiser orthodoxe sous le nom de Catherine Aléxeïevna et l'avait mariée à l'héritier présomptif. Cette fois, la transformation d'une petite princesse allemande en future impératrice de toutes les Russies fut couronnée d'un succès éclatant. Catherine était dotée de toutes les vertus qui faisaient si cruellement défaut à son époux. Elle avait compris que la seule possibilité pour elle de réussir en Russie était de renier ses attaches allemandes et de devenir, en bonne néophyte, plus russe que les Russes. Très populaire dans la Garde et maîtresse d'un très brillant et influent officier de celle-ci, Grigori Orlov, elle prit la tête du complot et le 28 juin 1762 se fit proclamer impératrice sous le nom de Catherine Il. Pierre III avait signé, sans résistance son abdication. Mis aux arrêts sous la surveillance d'Alexis Orlov, frère de Grigori, il fut assassiné quelques jours plus tard par ses gardiens au cours d'une bagarre d'ivrognes ... L'AVÈNEMENdTe. Catherine marque la fin de l'ingérence directe et violente 'des Allemands d' Allemagne dans les affaires de Russie. Sous la dynastie des Romanov, en réalité descendants directs d'un duc de Holstein-Gottorp !t d'une princesse d'Anhalt-Zerbst, la pression allemande se maintient sous d'autres formes dans les domaines les plus divers jusqu'à la révolution de 1917. Dans les veines des six derniers souverains russes, il n'y avait que des traces infinitésimales du sang des Romanov. Malgré leurs efforts pour se russifier, ils restaient au fond essentiellement allemmds et se sentaient étrangers à leurs sujets autochtones, se méfiaient d'eux et s'entouraient de préférence d'Allemands fraîchement naturalisés ou issus de familles baltes. Nicolas 1er a
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