334 « Cher collègue, je vous remercie beaucoup de votre communication. Cela est très important. Selon moi, aux conditions que vous indiquez, votre présence était pleinement justifiée et très utile pour la cause. Je ferai volontiers ce que vous me demandez [déclarer, au cas où ce serait nécessaire, que vous ne vous êtes livré à aucune manœuvre dans le dos de vos camarades], comptant sur vous, cela va de soi, pour être informé plus en détail. » Plus loin, Lénine veut savoir « à quel point on peut causer en toute franchise » avec certains de ceux qui participent à ces « rencontres», qu'il s'agisse des plans et de la tactique (en particulier, quelle sera leur contribution à la lutte « hors de la Douma») ou de la question des « fonds ». Le· texte des lettres, nous l'avons dit, n'a pas été publié. « Quant à ce qu'elles contenaient, ajoute en commentaire M. V. Stéchova, sans doute collaboratrice des Archives Cracovie-Poronino-V. I. Lénine, il s'agissait de la participation de N. P. Iakovlev aux réunions clandestines de représentants des milieux libéraux de Moscou tenues en mars 1914 afin de mettre au point un plan de " ripo·ste foudroyante au gouvernement", allant jusqu'à des actions de masse " hors de la Douma", par suite de la nomination de Gorémykine .comme président du Conseil et du tournant à droite pris par le gouvernement. » Sans chercher à savoir si l'on peut se fier à l'analyse faite ici des buts et du caractère de ces réunions (il est douteux qu'un seul de ces représentants ait approuvé l'idée de ces actions hors de la Douma, à plus forte raison s'il s'agissait d'actions ~e masse), et si Lénine soupçonnait que l'initiatlve de ces « rencontres » venait des milieux maçonniques (savait-il même quoi que ce soit sur les maçons ?), on peut admettre que les approches dont parle Iakovlev dans sa lettre, et que Lénine avait ac~ueillies avec sympathie, étaient d'origine maçonmque. Sous le titre : « La conférence secrète de Moscou», la revue Questions d'histoire du P.C. de l' U.R.S.S., n° 4, 1957, a publié, dans un compte rendu de la réunion du Comité central du parti ouvrier social-démocrate (bolchévik) tenue les· 1517 avril 1914 à Poronino (Autriche), ,l'information suivante qui semble bien être en co"nnexionavec les lettres de Iakovlev à Lénine: « Malinovski _part avec Badaïev ou Pétrovski pour toucher les 25.000 roubles. » A ce propos, la note .5, p. 123, précise: « Il s'agissait d'une réunion projetée entre députés bolchéviks de la Douma et un certain nombre de progressistes, leaders du parti de la bourgeoisie libérale (Konovalov, Morozov, R:ïab?uc~ski) au s?jet de subsides pour l'orgamsatlon d un congres du P.O.S.D.R. D'après les documents figurant dans ces archives, à une des réunions du comité d'information de ce parti [de la bourgeoisie libérale] opposé au gouvernement tsariste, il avait été question, paraît-il, d'accorder des subsides aux bolchéviks pour qu'ils organisent un congrès de leur parti. » Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL Après la révolution d'Octobre, sous la dictature communiste, y eut-il encore des maçons en Russie ? Il est possible que des affiliés aux loges . aient réussi de-ci de-là à sortir indemnes, moins d'ailleurs chez les bolchéviks, où les francsmaçons étaient rares, que parmi les personnalités· hostiles au régime. Aujourd'hui encore, certains maçons notoires refusent de lever le voile sur leur passé, sous prétexte que des francs-maçons sont encore vivants en Union soviétique et que des révélations pourraient leur être préjudiciables. IL RESTE à examiner la part que certains polémistes attribuent aux juifs en matière maçonnique et le rôle joué par les maçons russes dans l'émigration. Hessen, dans ses Mémoires, aboutit à la conclusion que « l'influence des judéo-maçons et les menées que les milieux réactionnaires leur attribuaient depuis la première révolution ne reposent sur rien et que même l'adjonction :' judéo" est généralement injuste». « Autant que Je sache, affi.rme-t-il, la participation des juifs [à la franc-maçonnerie] se réduisait à des cas très rares et je dois avouer que je m'explique difficilement l'appartenance maçonnique d'A. I. Braoudo. » En effet, Hessen ne cite que deux noms : A. I. Braoudo et A. J. Halpérine. Il faut sans doute leur adjoindre les avocats E. S. Kalmanovitch et M. G. Morgouliès. Le bruit a couru que G. B. Sliozberg était maçon. Il se peut aussi qu'en province, surtout dans le nord-ouest d~ la Russ~e, berceau des loges maçonniques (à Vilna, à Vitebsk) de rares juifs aient été affl}iés. ~ais en étudiant de près la composition et l'activité des loges, on s'aperçoit que la « judéomaçonnerie » n'était que le fruit de l'imagination des ultra-réactionnaires, lesquels étaient encouragés p~ la police secrète. La question des loges russes à l'étranger doit être examinée séparément. En France, ces loges furent fondées dans les années 20. Parmi leurs affiliés, les plus connus étaient N. D. Avxentiev, M. A. Ossorguine, M. A. Aldanov, Iou. Delevski. A New York, il existe .un certain nombre de logés russes qui n'ont rien d'occulte ; ce sont elles qui ont publié un livre consacré à la mémoire d'Avxentiev et d'Ossorguine. Après fa mort d'Avxentiev, A. V. Davydov lui succéda à la tête de la loge russe de New York, donnant à celle-ci une existence légale sous le nom d'Association humanitaire philosophique russe. Davydov était d'opinion .modérée ; avant la révolution, il avait reçu le titre de gentilhomme de la chambre ; à Paris, il avait été de longues anné~s ad.ministrate1.1d1u: journal Vozrojdiénié (la Reruus~ance). Un article de L. Sabanieïev, dans le ~ ovoïé Rousskoïé Slovo 9 , évoque l'appartenance 9. Publié le 1er mars 1959 sous le titre:« A propos d'Aldanov ».
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