130 La prophétie de Stiéklov commençait ainsi à se vérifier. Mes expériences les plus terribles ne devaient cependant débuter que quelques mois plus tard. Et pendant cinq années devait vivre en moi mon obssession la plus grande: Ne pas mourir en U.R.S.S., ne ·pas être enfoui dans cette terre souillée ! N'importe où, mais pas ici ! Peut-être est-ce précisément cette peur qui, avec ma volonté de résistance, me donna la force de surmonter tous les malheurs, toutes les misères et les maladies, et les prisons ultérieures. .ALEKSANDER WAT. (Traduit du polonais) Champions d'une grande cause RÉVOLUTIONNAIRE, SAVANT, PUBLICISTE A propos du 9oe anniversaire de Iou. M. ·STIÉKLOV C'est à Paris, en 1902, que j'eus l'occasion de rencontrer Iou. M. Stiéklov pour la première fois. Déporté, je m'étais évadé et cherchais vainement du travail. Aussi éprouvai-je une véritable joie quand Iouri Mikhaïlovitch [Stiéklov] me fit embaucher dans une imprimerie où lui-même travaillait comme typographe. Depuis cette rencontre, j'ai pu maintes fois me rendre compte que Stiéklov était non seulement un camarade plein de bonté, mais encore un révolutionnaire prolétarien digne de la plus grande confiance. Stiéklov naquit le 27 août 1873, à Odessa. Sa vie exemplaire fut tout entière consacrée à la défense de la cause des travailleurs. De concert avec un groupe de camarades, il fonda, à Odessa, la première organisation social-démocrate. Arrêté en janvier 1894 et détenu une année et demie en cellule, il fut condamné à dix ans de déportation en Iakoutie. C'est seulement à la fin de 1899 qu'il réussit, non sans audace, à s'évader et à se réfugier à l'étranger. Il vécut à Genève et à Paris, fit partie de l'Union des social-démocrates à l'étranger et combattit l' « économisme ». En été 1900, Stiéklov fit la connaissance de Lénine et adhéra au groupe de l'Iskra. Les événements révolutionnaires de 1905 ramenèrent Iouri Mikhaïlovitch en Russie où, d'emblée, il milita activement pour le Parti. Après les élections à la IIIe Douma <l'Empire, Stiéklov prit une part active à l'action du groupe parlementaire · social-démocrate. Il y défendit la ligne bolchévique. En mars 1910, il fut arrêté pour la troisième fois par la police tsariste et exjlé à l'étranger, où de nouveau il rencontra Lénine, lequel en fit un professeur à l'école ?U Parti, organisée en 1911 par Vladimir Ilitch à LongJumeau. Toutes ces années, Iouri Mikhaïlovitch ne cessa de déployer une grande activité scientifique, littéraire et journalistique. Ses écrits parurent dans les éditions du Parti tant en Russie qu'à l'étranger. Il se signala comme un des principaux historiens marxistes de l'époque et comme auteur d'importants ouvrages scientifiques. Dès 1909, son œuvre capitale, N. G. Tchernychevski, sa vie, son action, avait vu le jour. Dans une de ses BibliotécaGino Bianco ) LE CONTRAT SOCIAL lettres à Maxime Gorki, envoyée de Paris en avril 1911, Lénine informe ce dernier que Stiéklov, exilé de Pétersbourg en France, « est l'auteur d'un bon livre sur Tchernychevski». Cette opinion de Vladimir Ilitch, · lequel appréciait fort et connaissait à fond Tchemy-. chevski, souligne suffisamment les mérites de l'ouvrage. En 1913 parut à l'étranger une autre très importante monographie due à Iouri Mikhaïlovitch: M. A. Bakounine, rééditée en U.R.S.S., en quatre volumes, en 19201927. Franz Mehring, le grand historien marxiste allemand, en fit un vif éloge. En été 1914, Stiéklov retourna en Russie. Il prit part à l'action du groupe parlementaire bolchévique de la IVe Douma et, en 1917, coopéra activement à la révolution de Février. Dès le premier jour, il fut élu au Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et désigné pour faire partie du bureau. C'est lui qui rédigea le célèbre Prikaz n° 1 (qui démocratisait l'armée). Stiéklov entra au Comité central panrusse. Mais il n'évita pas non plus certaines erreurs : il préconisa la dualité du pouvoir, Soviets et Gouvernement provisoire. De novembre 1917 à juin 1925 - presque huit années - Iouri Mikhaïlovitch Stiéklov assuma les fonctions de directeur des Izvestia. Ce fut là une des plus belles pages de sa vie et de son action. Iouri Mikhaïlovitch était un journaliste-né. Ses éditoriaux, les stiéklovtsy comme on les appelait en plaisantant, faisaient mouche et brillaient par le style et l'érudition. C'est à propos de l'un d'eux que Lénine, dans une lettre datée du 13 janvier 1921, s'exprimait ainsi : « Camarade Stiéklov, Un mot à la hâte. Je tenais à vous féliciter pour l'excellent article d'aujourd'hui (13-1) sur le Congrès de Tours. L'analyse des rapports entre le guesdisme et les paysans est remarquable. Vous devriez allonger un peu et en faire, peut-être, une brochure. » · Auve Congrès panrusse des Soviets, Stiéklov défendit le projet de la première Constitution soviétique, à l'élaboration de laquelle il avait coopéré activement en qualité de membre de la commission. Parallèlement à ses fonctions de rédacteur en chef des lzvestia, Stiéklov travaillait assidûment pour le Parti et pour l'Etat. En 1919, il prit la direction du train de propagande appelé « I ~vestia » qui fut envoyé sur le front Koltchak, puis sur le front Dénikine. Iouri Mikhaïlovitch fut délégué à de nombreux Congrès du Parti. Elu membre du présidium du Comité central exécutif ,panrusse des IIe et IIIe Congrès des Soviets, il fit aussi partie du Comité central exécutif panrusse et du Comité central exécutif de !'U.R.S.S. élus au XIIe Congrès. Parmi les œuvres principales de Stiéklov éditées en U.R.S.S., citons : La Première Internationale, Karl Marx, Histoire du mouvement ouvrier, Les Combattants du socialisme, La Vie et l'Action de Dobrolioubov, etc. Nombre d'ouvrages de Stiéklov, publiés à l'étranger, ont été traduits en allemand, en français et en anglais. Malheureusement, tous ces livres et d'autres non moins précieux so,nt depuis longtemps introuvables en librairie. Dans l'~ntérêt de la jeunesse studieuse, il serait bon de rééditer les ouvrages scientifiques de Stiéklov. Iouri Mikhaïlovitch est mort en 1941, victime des répressions de la période du culte de la personnalité. Pendant de longues années, son nom fut abandonné à l'oubli. Liquidant les effets du culte de la personnalité, · notre parti a tiré de l'ombre la carrière et le nom de Iou. M. Stiéklov, membre du P. C. de !'U.R.S.S. depuis 1903, fidèle léniniste, historien érudit, orateur, · écrivain_ et journaliste de grand talent. S. STROUMILINE, Membre de l'Académie des Sciences de /'U.R.S.S. (lzvestia, 27 août 1963)
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