Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

B. SOUVARINE de son parti, qui applaudit le délégué yougoslave, Liou Chao-tchi se félicite des cc relations amicales» rétablies avec la Yougoslavie. Mais une querelle surgit en novembre 1957 parce q~e Mao veu!, contre l'avis des Yougoslaves, que 1U.R.S.S. soit reconnue comme étant cc à la tête» des pays communistes. Alors, changement à vue. Lorsque le Quotidien du peuple du 5 mai 1958 attaque le cc révisionnisme yougoslave », la Pravda reproduit l'article, donc l'approuve. Bientôt Khrouchtchev raille le cc socialisme yougoslave édifié à coups de dollars américa_ins», flétrit _enj~ _1958 cc le révisionnisme, laquais du camp rmpenaliste » · et cc cheval de Troie» de l'impérialisme. Les faux marxistes-léninistes yougoslaves sont des cc agents de l'ennemi de classe», dit-il, qui cc se servent du marxisme-léninisme comme d'un masque pour égarer le peuple crédule». Encore en janvier 1959, il « sent très fortement l'odeur des monopoles américains qui engraissent le sociaµs1:1eY?U~o: slave... ».Mais en décembre 1962, Tito etant mvite à Moscou et comblé d'honneurs, Khrouchtchev pérore au Soviet supr~me :. « Il est _impos~i~lede nier que la Yougoslavie soit un pays socialiste », tandis que les Chinois vitupè~ent « la c~qu~ de Tito qui a mené à la restaurattoi: du capitalisme et est devenue cent pour cent traitre au communisme». On éprouve une insurmontable gêne à r~copier de tels spécimens de discussion « idéologique». S'agit-il de la cc déstalinisation », de la ré~u,diation du prétendu « culte de la personnalite » ? Mao les a approuvées l'une et l'autre après le xxe Congrès du P.C. soviétiq~e: l'articl~ .du ·Quotidiendu peuple, publié (5 ayril 1956) exp~cit~- ment au nom de toute la directton du P.C. chinois, souscrivait à la cc courageuse autocritique que le P.C. de l'U.R.S.S. a faite de ses erreurs passées», c'est-à-dire au discours secret de Khrouchtchev, et reprochait notamment à Staline, parmi les « erreurs passées », sa cc décision erronée sur la question de la ,You~osl_avie». Six.moi~ plus tard, au VIIe Congres chinois, Teng Siao-pmg assura: cc Notre parti répugne à la déification de l'individu. Un des grands mérites du xxe Congrès du P.C. de l'U.R.S.S. est de montrer quelles conséquences fâcheuses a engendrées la déification de l'individu.» L'hommage personnel rendu à Mao dans le préambule des statuts du Parti fut supprimé au congrès suivant. Les Chinois se sont solidarisés avec les Russes après les événeme~ts. de Pologne ~t. ~e Hongrie en 1956, et le Quotidiendu peuple militait (29 décembre 1956) pour la prééminence des·Moscovites comme « centre du mouvement communiste international ». A présent, selon Mao, tout le mal remonte au xxe Congrès de 1956 et vient de la « déstalinisation », du · déboulonnage de Staline, et quand des Russes rés!s~ent à des exigences chinoises, c'est du cc chauvrmsme de grande_ puissance ». Il n'est sujet· actuel de discorde qui n'offre exemple analogue de chassé-croisé palinodique. Parlant des Albanais en 1959, Khrouchtchev souhaitait « à l'héroïque parti albanais du travail, Bibl"-oteca Gino Bianco 257 à son Comité central dirigé par le camarade Enver Hodja, fils glorieux du peuple albanais,. fe~~ marxiste-léniniste et notre précieux ami, amst qu'au gouvernement albanais, dirigé par le camarade Mehmet Chehu, organisateur incomparable, entièrement dévoué à la cause du socialisme et ami sûr de l'Union soviétique (...), de nouveaux succès dans leur noble combat pour l'édification du socialisme en Albanie ». L'année suivante, Khrouchtchev et Enver se brouillaient, et le premier tint ce langage en 1962 3:u Soviet su~rê1?1e: « Hodja et Chehu s~ve~t qu'jls ~e se mall?-°:endraient pas.au pouvorr s'ils relachaient leur reg~e de répression et de. sévices. Le pe1:1plene les tolererait pas au pouvorr, car leurs mams _sontco1:1vertes du sang des meilleurs fils du parti ~lban~s du travail. » A l'en croire, les chefs albanais cc violent impunément les normes de la vie du Parti· et de l'Etat pour satisfaire leurs propres intérêts ». Enver de son coté, n'est pas plus conséquent_: lui qttl avait louangé très haut les décisions du xxe Congrès de 1956, notamment sur le culte ~e la personnalité, cc. c?nception étr~gè~e à l' espnt du marxisme-léntn1sme» et « violation ouverte et grossière des princ_ipes~éninistesde la dir~ction collective » par Staline, il honore sans reserve depuis peu la mémoire de Staline comme _les Chinois n'osent plus le faire, de ce mêm~ Stalin~ qui avait conseillé impérativement à Tito et a Djilas « d'avaler l'Albanie ». Mêmes volte-face à propos du renonce1?1e~t aux essais nucléaires. En mars 1957, les Chinois appuyaient cc la glorieuse proposition soviétiql!e (...) tendant à l'arrêt immédiat des essais nucléarres ». Ils soutenaient également « la proposition du gouvernement soviétique sur la . signat~e d'un accord pour la suspension des essais nuclerures... ». En avril 1957, il réitèrent deux fois leur approb~- tion publique. L'année suivante, Kuo Mo-JO déclare à Stockholm le 16 juillet: « Nous sommes tous pour la cessation des ~ssais ~ucléaires. Nous espérons que les Etats-U111:est 1 ~~leterre (...) suivront l'exemple de l'Umon soviettque et cesseront leurs essais.» Etc. Quant à Khrouchtchev, il disait en janvier 1960 au So~iet suprême: « ~i une décision était adoptée pour mterdire les essais uniquement dans l'atmosphère, cela ferait avorter l'espoir des peuples pour wi ~rrê~ complet des essais. » En septembre 1961, il declare que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, en proposant d'arrêter les essais dans l'atmosphère, cc ne s'attendent pas à ce que leur propo_siti~Ds:oit accept~e, encore moins à ce qu'elle soit seneusement discutée. C'est là purement et simplement de la propagande, un moyen de trom~~r. l'opinion publique.» Un mémorandum sov1etique du _28 s;ptembre 1961 dit encore: « ••• La conclusion d un traité séparé sur l'arrêt des essais n~~léaires .ne pourrait que donner aux peupl~s 1 ~mpression que l'on fait quelque chose pour preverur la guerre nucléaire, alors qu'en réalité les puissances occidentales poussent précisément les choses vers une · telle guerre... » Un pareil traité cc n'apporte non seulement rien à la cause de la paix, mais risque encore d'avoir un effet contraire ... ». On s'abstient

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