Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

LB CONTRAT SOCIAL Correspondance Nous avons reçu du général A. Dufourt une lettre qui conteste en tous points les « jugements » d'un de nos correspondants (et les ~tres) sur le livre du général A. Guillaume : Pourquoi l'Armée roûge a vaincu. Voici d'abord cette lettre : Monsieur le Rédacteur en chef, IS juin 1963. Le numéro de mars-avril de votre revue me tombe sous les yeux. Permettez-moi de vous dire tout mon étonnement en lisant à la rubrique« La Trahison des clercs », page 129, les jugements portés sur le livre du général Guillaume : Pourquoi l' Armée rouge a vaincu. Je pense que vous ne l'avez pas lu vous-même et que vous avez été abusé par votre correspondant, dont je dirai que, l'ayant lu, il ne l'a peut-être pas compris. Croyez bien que le général Guillaume n'est pas un propagandiste camouflé, qu'il n'est pas particulièrement u stupide », même en stratégie, qu'il ne manque pas d'esprit critique. Toutes accusations qui ne peuvent que faire sourire ceux qui le connaissent *. Il est possible que certains points demandent une révision par suite d'une meilleure connaissance des faits et non pas simplement en fonction de l'évolution des propagandes soviétiques. Il ne faut :Pasoublier que le livre a été écrit en 1948 ! Croyez bien aussi que je ne nourris pas une tendresse particulière pour le régime soviétique, qu'il soit celui de Lénine, de Staline ou de Monsieur K. Veuillez agréer ..• GÉNÉRAL A. DUFOURT. • Peut-être ignorez-vous que le général a été assez longtemps attaché militaire à Moscou et qu'il parle russe couramment. * ,,. ,,. Ainsi le général Dufourt ne réfute, ne tente même pas de réfuter un seul des « jugements » dont il conteste le bien-fondé. Il dit que le général Guillaume n'est pas un propagandiste camouflé; personne ne l'a prétendu. Il dit que ce général parle russe: ce n'est pas la question. Il dit que lui-même ne nourrit pas de tendresse particulière pour le régime soviétique : nous n'en doutons nullement, mais cela n'a aucun rapport avec le sujet traité. Il s'agit de la véracité des faits, et de la vérité seulement. Le livre critiqué, comme un deuxième du même auteur : La Guerre germano-soviétique (Paris 1949), repose entièrement sur le matériel de propagande communiste, et plus spécialement d'apologétique stalinienne. Or toute connaissance objective des réalités soviétiques doit commencer par récuser cette propagande et cette apologétique. Les deux livres du général Guillaume ont été définis dès 1951 dans le bulletin de l'Association d'Etudes et d'informations politiques internationales (numéro du 1er novembre 1951) de la façon suivante: « ••• Les deux ouvrages en question ont été rédigés, argumentés, étayés uniquement avec des données de la propagande soviétique. A peine, ça et là, quelques précautions de style, pour sauver les apparences, mais qui jurent avec le contexte. La bibliographie, dans La Guerre germano10fJiétique, st faite exclusivement de matériaux soviétiques. » Le ·général Dufourt ne peut pas s'inscrire en faux là contre. Sans entrer dans des considérations stratégiques et tactiques qui ne sont pas de notre compétence, il nous Biblioteca Gino . 1anco • semble que certains faits tombent sous le sens, qu'un critique militaire a le devoir de mettre en lumière : 1. Staline, bien avant Hitler, a exterminé les cadres supérieurs de l'armée soviétique, entre 30.000 et 40.000 officiers d'élite, selon l~s évaluations les plus sérieuses. Il est hors de doute que cette atroce saignée n'a pas été étrangère aux désastres subis en 1941, même si Khrouchtchev n'en avait fait l'aveu au :XXe Congrès du Parti; 2. Staline, sourd aux avertissements de ses services de renseignements, de Churchill, de Roosevelt, etc., aveugle devant l'évidence (même en France, tout le monde savait en 1941 que les troupes allemandes partaient vers l'Est), Staline porte la responsabilité des lourdes défaites et des lourdes pertes initiales, de l'avance allemande jusqu'aux abords de Léningrad et de Moscou, puis jusqu'à la Volga et au Caucase ; 3. Staline a causé la reddition en masse d'unités entières de l'armée, l'accueil plein d'espoir que de nombreuses populations soviétiques ont offert aux envahis~ seurs, avec le pain et le sel traditionnels. Il a fallu l'indicible cruauté d'un Hitler, le traitement abominable infligé par les nazis aux prisonniers civils et militaires, pour susciter un élan de patriotisme dans les masses populaires hostiles au communisme ; 4. Staline et ses lieutenants, privés des meilleures têtes de l'armée, n'ont su que reprendre pied à pied, au prix de millions de vies humaines, le terrain perdu par suite de leur cécité et de leur incurie. Ils n'y seraient d'ailleurs pas parvenus sans l'aide gigantesque fournie par l'Angleterre et les. Etats-Unis; 5. La comparaison des forces mises en ligne et celle des pertes en vies humaines sont des critères indispensables si l'on tient absolument à s'intéresser aux « talents » des chefs politiques et militaires ; 6. Le peuple russe, acculé à une lutte à mort, s'est battu pour la défense de la terre natale, au nom des traditions nationales, pour l'amour de la sainte Russie, ses dirigeants ayant pris grand soin pendant la guerre de se garder de toute allusion au socialisme, de la moindre référence au communisme. Ces traits saillants d'un schéma sommaire, volontairement simplifié autant que possible, sont-ils mis en lumière par le général Guillaume ? Nous nous limitons à ce qui était déjà intelligible en 1948 et 1949, sans faire état de ce que les dirigeants communistes ont révélé depuis la mort de Staline, sans tenir compte de la révision des valeurs entreprises depuis la « déstalinisation » par les gens qui, maîtres du pouvoir, ont aussi le pouvoir de récrire l'histoire. Livres reçus - ROGER PRIOURET : Origines du patronat français. Paris 1963, Bernard Grasset, édit., ·283 pp. - LÉONARD : Demain. La vie quotidienne en 1970. Neuchâtel 1963, Ed. de la Baconnière, 259 pp. - V. I. LENIN: What Is To Be Done? Traduit par S. V. et Patricia Utechin. Introduction et notes de S. V. Utechin. Clarendon Press : Oxford University Press, 1963, 213 pp. - TONY BURNAND : Nos gibiers comme je les vois. Paris 1963, la Table Ronde, 247 pp. - RBNd CosTB: Mars ou Jésus ~ La Conscience chrétienne juge la guerre. Lyon 1963, Chronique sociale de France, 208 pp.

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