308 ce qu'on appelle la loi naturelle qu'à la loi de l'Eglise. Sans doute, le premier exemple que donne le P. Heckel (devoir de résistance du médecin chrétien à une loi qui lui enjoindrait de procéder à_un avortement) paraît-il inspiré par la conception de la morale biologique propre à l'Eglise catholique. Mais il n'en va plus de même des autres exemples : résistance à l'interdiction de~ ~ssocia~ons professionnelles, à la persécution religieuse, a l'ordre d'appliquer la torture. Les motivations paraissent ici inspirées directement par la conscience commune de notre temps. Il faut d'ailleurs ajouter que le premier exemple demeure peut-être intentionnellement équivoque : on ne distingue pas .clairement si le refus légitime concerne un génocide imposé ou une anticonception consentie. Le critère semble tiré de la distinction du droit naturel et du droit positif que le christianisme a pu intégrer, mais qu'il ne saurait revendiquer en propre : Antigone n'était pas chrétienne. La nature des trois derniers exemplesmontre qu'il ne s'agit pas tellement d'un dro~t naturel réputé universel, valable partout et touJours, et que l'on peut, comme tel, éventuellem~~t oppose! au droit positif édicté par la fantaisie du pnnce, que de ce qu'on a appelé le « droit naturel à contenu variable » (Georges Renard). Ce droit naturel historiquement variable en fait, c'est donc surtout le droit affirmé par la conscience individuelle ou collective : il est fonction d'une évolution des esprits à laquelle l'Eglise participe en fait, mais il ne tire pas directement sa source de la tradition ecclésiastique. Dans le prolongement de ces exemples, le P. Heckel envisage expressément les cas de co~s~ience so~evés dans un passé récent par la politique algenenne du gouvernement français. Précisons qu'il mentionne aussi bien la notion de guerre injuste que celle d'injuste abandon qui ?nt cours, et que, se gardant de prendre parti, il condamne egalement ce qu'il. appelle des « solutions incohérentes »: aider l'ennemi sous prétexte de pacifisme, s'insurger militairement sous prétexte de renforcer l'autorité de l'Etat. La notion de « sol~tion incohérente» est peut-être ici plus pr~gmatique qu' éthique. Mais les conditions limitatives dans lesquelles peut s'exercer le droit d'insurrection selon saint Thomas et Pie XI sont pa~iculièrement intéressantes à considérer : pouvoir authentiquement tyrannique, épuisement des ~oyens pacifiques, certitude que les inconvéruents ne seront pas plus nombreux que les avantages escomptés, perspectives raisonnables de succès. On voit que les deux premières conditions étant d'ordre moral, les deux autres font ~nte!,Veniru!l. calcul des chances qui pourrait Justifier la vieille de Syracuse priant pour Denys le Tyran de crainte que ne vienne un maître encore pire. Il faut croire cependant que ce n'est pas s~ulement le caractère êc tyrannique» du pouvoir qui, dans certains cas, autorise l'insurrection, mais aussi sa faiblesse, .son impuissance, l'~gence qu'il y a d'y suppléer. C'est ce qui ' resulte des analyses du P. Heckel concernant la situation de la France en 1940, puis en 1958, et Biblioteca Gino _Bianco LE CONTRAT SOCIAL même le problème de la décolonisation. L'interrogation que laissent finalement subsister les · considérations de l'auteur tient sans doute à la · situation historique présente : le pouvoir spirituel s'opposant au fait du prince n'est pas claire-· ment défini en tant qu'institution, contrairement à ce qu'il était au Moyen Age.. * JI- • Victoire sur la mort, du P. Martelet, traite également de la relation du christianisme à la politique, mais dans un sens plus général, car il s'agit d'une confrontation des idéologies marxiste et chrétienne. Si la première prend souvent le caractère d'une religion de salut, il s'agit d'un salut collectif ici-bas. L'auteur, considérant les confessionsde ci-devant marxistes, tel Edgar Morin (non pourtant rallié au christianisme), prend acte de ce que la nouvelle religion temporelle ne satisfait pas entièrement les espérances humaines puisqu'elle fait bon marché de la disparition individuelle. Il se peut, eri.effet, que dans l'ordre religieux ce soit là la pierre d'achoppement du marxisme. On ne doit naturellement pas oublier qu'il y eut avant le marxisme, que l'on peut qualifier de post-chrétien, des manifestations préchrétiennes d'un esprit religieux de caractère presque exclusivement politique, portant sur une espérance limitée pratiquement au salut collectif d'ici-bas (religion antique de la Cité, de l'Empire, voire ancien judaïsme). Envisagée dans l'ordre sociologique (qui n'est pas le principal objet des analyses du P. Martelet), la question pourrait être celle de la relation d'une sorte de renouveau païen aux formes de la civilisation moderne. * JI- • Ce dernier problème est au cœur des préoccupations des PP. Loew et Cottier dans Dynamisme de la foi et incroyance. Les auteurs admettent, page 72, que la cc chrétienté » au sens traditionnel du mot est morte. La chrétienté se définissait par rapport à l'infidélité, mais l'infidèle par excellence était le Turc. Il s'ensuit que la chrétienté ayait des limites géographiques et politiques précises, des connexions étroites avec les réalités temporelles, constituant autant d'obstacles à l'activité missionnaire. L'Eglise, qui ne s'identifie plus à la chrétienté, est devenue « diasporique ». La fin de la chrétienté n'est donc pas nécessairement 1~fin du, catholicisme ; au contraire, il serait légitlm~. de penser 9ue. les limites ~éographiques et po~ttques constituaient un frem à l'expansion uruverselle de la foi. Il reste que la condition « diasporique »ne doit pas être des plus favorables à !~ ~onquêt~ des âmes si l'on retient l'analogie utilisee. La diaspora suppose une sorte d'exil, de déracinement. En prenant le terme à la lettre, cela signifierait que le chrétien d'aujourd'hui vit en milieu infidèle, comme le juif de la « dispersion » parmi les non-juifs. · · Très justement, nous semble-t-il, les auteurs estiment qu'il faut chercher au-delà du commu-
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