Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

QUELQUES LIVRES mulation illimitée des biens matériels ne sont pas propres à Locke: elles procèdent de l'ambiguï~é signalée par Prou~on entre ~e~oncept ~~ ?1'01~ de propriété et celm d'un droit a la propnete qm lui sert de justification philosophique. En conclusion, M. Macpherson trace un rapide parallèle de ces doctrines avec les problèmes du xxe siècle. Les théoriciens du xvne siècle ont admis implicitement que ~u système de ~'éc~- nomie marchande découlait une nouvelle Just1fication de l'obligation politique. Les citoyens sont de libres contractants, égaux en droit, dont la sécurité mutuelle, indispensable au développement des transactions, appelle l'existence d'une autorité centrale. La division de la société en · classes, consécutive au développement du marché de la force de travail, a remis en question la validité des postulats d'égalité et de cohésion naturelle sur lesquels le système libéral-démocratique continue à se fonder. Dès lors, la conjonction des deux formes de libéralisme économique et politique serait remplacée par une alternative. Cependant, l'auteur admet qu'en fait ~a question 11:~e pose pas aussi brutalement, pmsque les soc1etes fondées sur les relations de marché continuent à fonctionner sans renoncer nécessairement aux institutions politiques qui leur sont propre~. . Il faudrait donc chercher la source de leur cohes1on dans le nouveau sentiment d'insécurité engendré par la crainte de la guerre et de la destruction massive, ce qui ramène à la motivation explicite de Hobbes : la crainte que les hommes éprouvent les uns à l'égard des autres serait le fondement de l'institution politique. La méthode des modèles utilisée par M. Macpherson en vue de l'analyse critique des doctrin~s politiques produit d'incontestables ré~ult~ts.Mais, comme vient de le montrer la conclusion a laquelle l'auteur aboutit, elle comporte aussi ses l~te~ : de la motivation implicite qu'il suppose const1tuee par l'existence des relati?ns .de mar~h_é,~- Ma~- pherson revient à la m?~vat1on explicite 1n~oquee par le philosophe politique pour lequel il a le plus de considération ; il lui découvre même une ·valeur actuelle. Ce n'étaient pas tellement les questions du marché et de la p~opri~téprivée q1;1Î préoccupaient Hobbes que la situation engendree de son temps par la guerre civile. Si cela vaut encore de nos jours pour les m~naces,de guer~e étrangère, force est de reconnaitr~ 1 au~onorme du problème politique que le serm-marxisme de M. Macpherson a tenté de réduire. . AIMÉ PATRI. Le chrétien dans la Cité ROGER HECKEL, s.j.: Le Chrétien et le pouvoir. Ugitimité - Résistance - Insurrection. Paris 1962, Ed. du Centurion, 175 pp. R. P. MARTELET: Victoire sur la mort. Eléments d'anthropologie chrétienne. Paris 1962, Ed. du Centurion, Chronique sociale de France, 145 PP. J. LOEW et G. M. M. CoTTmR, o. p. : DynaBibl"-oteca Gino s·anco 307 misme de la foi et incroyance. Paris 1962, Ed. du Cerf, 133 pp. ON SAIT que la conception chrétienne des relations entre l'Eglise et l'Etat repose sur deux principes : l'un est constitué par la formule de l'apôtre selon laquelle tout pouvoir vient de Dieu, l'autre par la parole du Christ recommandant de rendre à Dieu et à César ce qui leur appartient en propre. Le premier enjoint en principe aux chrétiens l'obéissance à tout pouvoir établi, fût-il païen; le second, distinguant les deux pouvoirs, outre qu'il autorise la sépar~tion de l'Eglise e~de_l'Etat, limite dans une certaine mesure l'application du précédent : la loi humaine et la loi divine pouvant entrer en conflit, le chrétien n'est pas tenu à une obéissance inconditionnelle à l'égard du pouvoir établi. Les deux principes, bien qu'ils ne soient pas explicitement invoqués au point de départ par le P. Heckel, peuvent servir de fil conducteur pour reconnaître comm7nt se P?s~nJ, dans l'esprit de l'auteur, les problemes specifies par le sous-titre. Le pouvoir légitime étant en principe le pouvoir de fait, la conception omnis potestas a Deo ne fonde pas de discrimination. Elle n'autorise pas les théoriciens du droit politique à invoquer le bénéfice de la conformité au dogme religieux en faveur d'une forme de régime plutôt que d'une autre. Le pouvoir monarchique vient de Dieu, le pouvoir popul3fîe aussi., ~' est ~e que rappelait en substance Leon XIII a 1occasion du Ralliement. Il n'y a p~s lieu. 1e subordo~er l'obéissance à la confession religieuse du prmce ou du souverain, comme l'atteste la recommandation faite aux premiers chrétiens. Il n'y a même pas lieu de s'inquiéter des origines du pouvoir : il se peut qu'illégitime à sa source, en ce qu'il procède du renversement d'un autre pouvoir en son temps légitime, le n~uvea~ pouvoir se légitime à son tour du seul fait qu'il persiste. · La conception de la légitimité est donc extrêmement souple ; elle témoigne même d'une ,c~rtaine indifférence, qui rappelle que le chret1en n'est pas l'homme 1e la se~e cité terr~stre. ~ais, puisqu'il y a la 101de Dieu ,et la 101de C~sar~ et qu'elles son~ su~ceptibl,~sd- entrer en c~~flit la où elles interf erent, l' obe1ssance du chretien 11:e saurait être inconditionnelle et il peut être condwt dans certains cas à la résistance, voire à l'insurrection. Par loi divine, faut-il entendre exclusivement la loi de Dieu, spécifiée par ses représentants directs ? Ce serait la subordination de l'Etat à l'Eglise. Il n'est certainement. pa~ entré dans l'intention du P. Heckel de raJeurur la querelle médiévale du pape et de !'Empereur ~n so~tenant la prééminence du souverain pontife, meme en matière temporelle (rappelons qu'un dramaturge a récemment reproché à Pie ~II de n'êtr~ pas intervenu directem~nt con!re Hitler) .. La_101 supérieure à laquelle il se refè_repo~ Justi~er éventuellement la résistance passive, voire active, aux injonctions de César, ressemble davantage à

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