304 claire de la valeur des arguments employés de part et d'autre pour battre l'adversaire. Dès 1869, un an après l'adhésion de Bakounine à l'Association internationale, Marx écrit à Engels, .le 17 décembre, une lettre dans laquelle il ne cache pas son intention de s'appuyer sur les décisions du Congrès de Bâle pour suspendre les sections récalcitrantes, en l'occurrence celles qui, en Suisse ou ailleurs, seraient tentées d'apporter leur soutien aux conceptions de Bakounine, lequel vient de fonder l'Alliance de la Démocratie socialiste pour noyauter l'Internationale et mettre le grappin sur elle, même au prix d'une scission qui opposerait les sections des pays latins (France, Suisse, Italie, Belgique, Espagne) et, plus tard, des pays slaves, à celles des pays germaniques. Pour Marx, l' « insolence du signor Bakounine », qui « disposemaintenant de plus de quatre organes de . l'Internationale » (l'Egalité de Genève, le Progrès du Locle, la Federacion de Barcelone et 1' Eguaglianza de Naples), est insupportable et il est temps d'y mettre fin, car « aussitôt qu'un Russe de cette espèce s'incruste, c'est le diable qui est lâché... » Pour Bakounine, Marx est un « communiste autoritaire, partisan de l'émancipation et de l'organisation nouvelle du prolétariat par l'Etat » ; il est aussi un « pangermaniste jusqu'à la moelle des os » qui veut gouverner l'Internationale comme on gouverne un Etat. Après la Conférence de Londres, Bakounine écrira: La pensée qui vient de prévaloir malheureusement au sein du Conseil général est une pensée exclusivement allemande (...). Cette pensée leur est inspirée [à Marx, Engels et autres membres du Conseil général] par un sentiment de race. C'est le pangermanisme qui, profitant des triomphes récents de l'absolutisme militaire de la Prusse, c'est la pensée omnidévorante et omniabsorbante de Bismarck, la pensée de l'Etat pangermanique, soumettant plus ou moins toute l'Europe à la domination de la race allemande, qu'ils croient appelée à régénérer le monde - c'est cette pensée liberticide et mortelle pour la race latine et pour la race slave bui s'efforce aujourd'hui de s'emparer de la direction absolue de l'Internationale. A cette prétention monstrueuse du pangermanisme, nous devons opposer l'alliance de la race latine et de la race slave (...) 1 • Nous détachons à dessein de cette citation un passage entier où Bakounine prend Marx violemment à partie en dénonçant tous les Juifs en général. Il y a là un des aspects les moins connus du théoricien de l'égalitarisme anarchiste, doublé · d'un apôtre de la mission historique des Slaves. Contrastant avec ses professions de foi sincèrement socialistes ou communistes, humanitaires et révolutionnaires, on trouve à chaque instant chez Bakounine des accès de judéophobie dont la citation ci-dessous n'est qu'une manifestation relevée à titre d'échantillon qui ne· diffère en rien de toute une littérature · dite « antisémite » au ~e siècle, et dont les prolongements jusqu'à nos Jours sont encore présents à la mémoire : 1. Lettre aux internationaux de Bologne, présent vol., p. 106. Biblioteca Gino B~anco LE CONTRAT SOCIAL Les Juifs constituent aujourd'hui en Allemagne une véritable puissance. Juif lui-même, Marx a autour de. lui tant à Londres qu'en France et dans beaucoup d'autres pays, mais surtout en Allemagne, une foule de petits Juifs, plus ou moins intelligents et instruits, vivant principalement de son intelligence et revendant en détail ses idées. Se réservant à lui-même le monopole de la grosse politique, j'allais dire de la grosse intrigue, il leur en abandonne volontiers· le côté petit, sale, misérable, et il faut dire que, sous ce rapport, toujours obéissants à son impulsion, à sa haute direction, ils lui rendent de grands services : inquiets, nerveux, curieux, indiscrets, bavards, remuants, intrigants, exploitants, comme le sont les Juifs partout, agents de commerce, bellettristes, politiciens, journalistes, courtiers de littérature en un mot, en même temps que courtiers de finances, ils se sont emparés de toute la presse de l'Allemagne, à commencer par les journaux monarchistes les plus absolutistes jusqu'aux journaux absolutistes radicaux et socialistes, et depuis longtemps ils règnent dans le monde de l'argent et des grandes spéculations financières et commerciales ; ayant ainsi un pied dans la banque, ils viennent de poser ces dernières années l'autre pied dans le socialisme, appuyant ainsi leur postérieur sur la littérature quotidienne de l'Allemagne... Vous pouvez vous imaginer quelle littérature nauséabonde cela doit faire. Eh bien, tout ce monde juif qui forme une seule secte exploitante, une sorte de peuple sangsue, un parasite collectif dévorant et organisé en lui-même, non seulement à travers les frontières des Etats, mais à travers même toutes les différences d'opinions politiques, ce monde est actuellement, en grande partie du moins, à la disposition de Marx d'un côté et des Rothschild de l'autre. Je sais que les Rothschild, tout réactionnaires qu'ils sont, qu'ils doivent être, apprécient beaucoup les mérites du communiste Marx; et qu'à son tour le communiste Marx se sent invinciblement entraîné, par un attrait instinctif et une admiration respectueuse, vers le génie financier des Rothschild. La solidarité juive, cette solidarité si puissante qui s'est maintenue à travers toute l'histoire, les unit. Cela doit paraître étrange. Que peut-il y avoir de commun entre le socialisme et la Haute Banque ? Ah ! c'est que le socialisme autoritaire, le communisme de Marx veut la puissante centralisation de l'Etat et là où il y a centralisation de l'Etat, il doit y avoir nécessairement µne Banque centrale de l'Etat et là où il existe une telle Banque, les Juifs sont toujours certains de ne pas mourir ni de froid ni de faim (..•) 2 • Il y aura bien d'autres traits singuliers à signaler chez le Bakounine des années 70, notamment sa propension à rechercher, contre Marx, Engels et les milieux ouvriers qui subissaient leur influ- ~nce, l'appui des masses paysannes arriérées dont il ne cessait de souligner le caractère révolutionnaire tan\ en Russie qu'en Italie. Dans cet ordre d'idée, _Bakounine a précisé sa pensée dans son ouvrage doctrinal fondamental : Etatismeet Anarchie, qui formera le quatrième volume des Archives. Dans ce second volume on trouve encore en appendice un nombre important de documents ~e premier o!dre qui font comprendre les positions respecttves des deux clans de l'Internationale, notamment la Communication confidentielle de Marx, les documents sur la Conférence de Londres, les appels et résolutions du Congrès 2. Ibid., p. 109.
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