QUELQUES LIVRES I Le même incident avait été rapporté dans le livre de Vladimir Dedijer: Tito parle..., publié en 1953, avec le dernier mot de Staline : « - Quand je dis non, c'est non ! » Dedijer épiloguait: « Que faire, devant un homme qui refusait même d'admettre l'existence du Benelux ? » Et plus loin, lui aussi se faisait l'écho d'une volonté de Staline : « - Primo, la Bulgarie et la Yougoslavie doivent s'unir; ensuite, elles doivent annexer l'Albanie. » De nos jours, peut-être que Khrouchtchev et Tito pensent que, sur cett~ question locale, Staline n'avait pas tort ... Djilas eut maille à partir avec Staline à propos des crimes (viols, meurtres et pillages) commis par l'armée soviétique en Yougoslavie. Il a été frappé de découvrir à Moscou le nationalisme, le chauvinisme, « la lenteur d'esprit et son côté primitif », de constater que « partout était mise en relief la supériorité des Russes, et cela en devenait grotesque». Les remarques judicieuses et les réflexions erronées ou contestables abondent en ces deux cents pages. On y subodore aussi des fautes dues sans doute à une double traduction. Tout compte fait, le livre est indispensable à l'intelligence du communisme contemporain, dégénéré en une variété de fascisme et de nazisme. On ne peut que regretter que Djilas n'ait pas eu licence de vivre quelque temps dans un pays où il aurait pu s'informer, réfléchir, s'instruire, mûrir en liberté, puis écrire à loisir. B. SOUVARINE. Un monument * Michel Bakounine et l'Italie, I87I-I872 ( Archives Bakounine). Deuxième partie : La Première Internationale en Italie et le conflit avec Marx. Ecrits et matériaux. Textes établis et annotés par Arthur Lehning, suivis d'un index. Leyde 1963, E. J. Brill, édit., LXVI-500 pp. LE DEUXIÈME VOLUME des Archives Bakounine, que vient de publier l'Institut international d'Histoire sociale d'Amsterdam, forme la suite du premier qui, sous le titre : Michel Bakounine et l'Italie, est entièrement consacré à la polémique avec Mazzini. Mais après les derniers coups que lui a portés Bakounine, Mazzini voit son influence décliner rapidement au profit des premières sections de l'Association -internation_aledes travailleurs récemment créées en Italie par de jeunes militants que Bakounine a gagnés à son idéologie et qu'il va entraîner dans sa lutte contre le Conseil général de Londres. Deux événements, quoique d'importance inégale, marqueront, en effet, la période (octobre 1871-~ 187~) d~:mbrassen~ les textes de Bakoumne publiés s ce deUX1èmevolume : la • Il a été rendu compte de la première part~e de l'ouvrag~ dont il est question ici dans le Contrat social, mars-avril 1962. Bib ioteca Gino Bianco 303 Conférence de Londres (13-23 septembre 1871). et la mort de Mazzini (10 mars 1872). Alors que le second mettra fin à la polémique de Bakounine avec Mazzmi, le premier, au contraire, attisera la lutte que Karl Marx et Bakounine ont engagée pour faire prévaloir leurs idées et leurs principes d'organisation dans l'Association internationale des travailleurs. Depuis le Congrès de Bâle (1869), cette lutte s'étale au grand jour et l'on en retrouve l'âpreté et les échos dans les instructions et lettres personnelles que les deux grands antagonistes de l'Internationale envoient à leurs adeptes. Grâce à l'introduction d'Arthur Lehning, on suit jusque dans les moindres détails les péripéties d'un combat qui conduira aux décisions de la Conférence de Londres, puis au Congrès de La Haye (septembre 1872), où Bakounine et ses compagnons de la Fédération jurassienne seront exclus de la première Internationale. Au demeurant, A. Lehning ne se contente pas d'accompagner les textes de Bakounine, pour la plupart inédits, qui figurent dans ce deuxième volume, de commentaires qui les éclairent et les situent dans leur contexte historique, il met en parallèle l'action publique et secrète que Marx et ses soutiens ont entreprise pour « déjouer les intrigues » de Bakounine et battre en brèche son influence, souvent prépondérante, dans les sections de l'Internationale des pays de l'Europe latine. Mais l'intérêt capital de ce volume réside dans l'historique que Lehning fait de la Conférence de Londres, de ses causes, des conflits qui la précédèrent, notamment à Genève, dans la Fédération romande du Jura, de sa préparation, de son dénouement et, bien entendu, de ses répercussions dans l'Internationale. On sait que cette « Conférence secrète, irrégulièrement composée, arbitrairement triée et arbitrairement convoquée » (Bakounine dixit), avait pour but de modifier profondément les bases d'organisation ainsi que l'action de l'Association internationale et, comme le souligne Lehning, de faire « d'une confédération de fédérations autonomes dotée d'un bureau administratif, une centrale de partis politiques nantie d'un comité exécutif». A propos de cet événement mémorable, prélude à la fondation de la Fédération jurassienne et aux protestations qui s'élevèrent dans la majorité des sections contre la politique du Conseil général, la documentation qu'on trouve dans ce deuxième volume jette une lumière crue sur les sentiments intimes qui animaient, l'un à l'égard de l'autre, Marx et Bakounine, aussi bien que sur les tendances qui s'affrontaient au Conseil général et sur les principes, centralistes d'une part, fédéralistes d'autre part, en d'autres termes autoritaires ou anti-autoritaires, que « marxiens » et bakouninistes s'évertuaient à faire triompher dans l'Association internationale. Depuis cette époque, près d'un siècle s'est écoulé et les documents mis au jour ou rassemblés dans ce volume permettent de se faire une idée
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