Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

, 10YAGE EN ALLEMAGNE DE L'EST par Eric Balow POUR qui se rend en Allemagne orientale par le train, le passage en «République démocratique allemande » paraît moins spectaculaire que le mur de Berlin. La plupart des voyageurs s'efforcent d'ignorer les barrières parallèles de barbelés marquant la frontière, le sinistre rouleau de barbelés complétant le dispositif et qui serpente jusqu'à l'horizon. Le train traverse une bande de terrain couverte par un innocent pâturage - en réalité, c'est un champ de mines - et s'arrête devant une nouvelle série de chevaux de frise. Aux yeux du monde entier, le «mur» est le symbole de la condition d'un peuple pris au piège. Pourtant, à bien des égards, les barbelés le long de la frontière suggèrent d'une manière ·plus saisissante encore l'inhumanité de la vie dans un Etat policier. L'obstacle n'est pas plus infranchissable qu'un mur plein, mais il semble exprimer un affront pire envers la dignité humaine. Derrière cette barrière, un gouvernement «démocratique » a parqué son peuple comme du bétail. Lorsque le train s'arrêta au poste frontière, un jeune agent de la« police populaire» au visage ouvert monta dans le wagon. Il s'arrêta pour échanger des plaisanteries avec les deux jeunes filles qui partageaient notre compartiment. Peu après, il revint accompagné d'un autre agent ; leurs visages étaient sévères et impassibles. D'une voix sèche, ils nous demandèrent nos passeports. L'une des jeunes filles essaya d'attirer le regard du premier agent, cherchant un signe de connivence, mais l'expression de celui-ci demeura fermée : de toute évidence, il craignait son collègue. (En Allemagne orientale, il est de règle que les policiers travaillent par couple, l'un espionnant l'autre, car le maintien de l'ordre est fondé sur la méfiance dans un Etat policier.) Pendant les formalités, une voix doucereuse de femme se fit entendre au haut-parleur de la gare, invitant «les voyageurs en provenance de l'Allemagne de l'Ouest qui désiraient établir leur résidence permanènte en République démocratique allemande» à se présenter au bureau n° 2 du poste frontière. Personne ne parut alléché par l'offre. En Allemagne orientale, les voyages en chemin de fer sont bien moins confortables qu'en République fédérale et prennent beaucoup plus de temps. Aujourd'hui encore, dix-sept ans après que le réseau ferroviaire, naguère bien organisé, a été démonté sur ordre des Soviétiques, l'exploitation en est encore à la voie unique ; tous les convois, qu'ils soient de voyageurs ou de marchandises, omnibus ou express, utilisent une seule voie dans les deux sens, même sur les parcours les plus fréquentés. Ainsi, le retard d'une rame bouleverse tous les horaires, ce qui rend les correspondances difficiles et cause de grandes perturbations. Les trains roulent beaucoup plus lentement qu'avant la guerre. Tout cela n'en déplaise à l'abondante publicité faite aux exploits des «brigades de cheminots » ou des «brigades de jeunesse» et en dépit des affiches et slogans placés dans les gares et le long des voies. Logement et loisirs Nous avons visité plusieurs villes d'Allemagne orientale, entre autres Weimar, qui conserve un peu de son charme d'autrefois. Les maisons habitées par Gœthe et Schiller sont bien entretenues, en particulier le Gœthe-Haus et son musée. Mais une visite plus approfondie révèle l'état déplorable d'autres bâtiments qui faisaient de Weimar un exemple harmonie1L"d"'{architecture Empire. Le gouvernement se vante de « cultiver l'héritage culturel national », mais la réalité n'est pas à la mesure de ses prétentions. Par exemple, on n'a guère préservé la beauté· pittoresque de telle ville historique des montagnes du Harz, jadis célèbre pour ses vieilles maisons de bois peint richement ouvragées. Souvent, les maisons auraient grand besoin d'une couche de peinture fraîche et d'un bon ravalement. Les villages que nous traversions étaient déprimants et fantomatiques. Par suite de la collectivisation, les étables et les granges des anciennes fermes privées, laissées à l'abandon (dans chaque ferme collective, bétail, céréales, etc., sont maintenant abrités dans un seul local), Bibli- teca Gino Bianco •

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