Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

288 les rapports humains à l'intérieur de l'usine. Le principe de la «direction unipersonnelle » (iédinonatchalié) est toujours de rigueur, mais la règle de l'autorité absolue a fait place à une coopération plus harmonieuse entre le directeur, le personnel de maîtrise et les ouvriers. Les « conférences de production », tombées en désuétude à la fin des années 20, sont redevenues des institutions permanentes. Certes, leur rôle essentiel est toujours de stimuler la production, mais certains indices donnent à penser que la masse des travailleurs va se voir accorder une plus grande participation à la direction de l'entreprise: devant le Comité central de novembre 1962, Khrouchtchev a proposé d'organiser dans toutes les usines et sur les chantiers des « comités de production» élus par des assemblées générales du personnel. Les minorités nationales, elles, ne sont guère mieux traitées qu'auparavant. En substance, la politique stalinienne de russification et de chauvinisme grand-russien (dans un pays qui compte, selon le recensement officiel, 54,8 % de Russes et 45,2 % d'allogènes) n'a pas changé pendant la dernière décennie. Il est vrai que dans les années qui suivirent immédiatement la mort de Staline, quelques signes encourageants étaient apparus : en 1953-54, on semblait vouloir accorder des postes en vue aux représentants des nationalités ; en 1956, au XXe Congrès, des critiques furent formulées sur la façon nationaliste d'écrire l'histoire russe; au début de 1957, Tchétchènes, Ingouches, Balkars, Kalmouks et Karatchaï furent officiellement réhabilités et autorisés à regagner leurs anciens territoires (aucune mention desAllemands de la Volga ni des Tatars de Crimée, eux aussi déportés en masse). L'espoir s'évanouit cependant en 1958, quand on revint, sous différentes formes, à la politique stalinienne de russification. On insista derechef sur l'étude de la langue russe et les journaux ne tarirent pas d'accusations contre les « déviations nationalistes». Lors du recensement de 1959, 10,2 millions d'allogènes indiquèrent le_russe comme langue maternelle, et la Pravda de qualifier l'événement de «progressiste». Autres signes de cette tendance, les déclarations du nouveau programme du Parti concernant l' «amalgame des peuples » en marche vers le communisme, la proclamation du russe comme « langue de civilisation» de tous les peuples de l'U.R.S.S., l'organisation de nouvelles régions économiques chevauchant les frontières ethniques, ce qui ne peut _qu'affaiblir un peu plus les Républiques non russes. Bref, la russification va bon train et la vapeur a été renversée après les timides mesures prises au milieu des années 50 pour accorder des droits égaux à tous les-peuples de l'Union. Politique culturelle et idéol~gie PI.us EFFECTIFS ont été les changements en matière depolitique culturelle. Là encore, il faut distinguer entre les principes f ondamelitaux; demeurés tabous, et la pratique qui, elle, a évolué. Le Parti continue de garder la haute main sur les arts et Biblioteca Gino BiancoL'EXPÉRIENCE COMMUNISTE la littérature; son droit et son devoir d'agir de la sorte sont réafffirmés à tout propos, de même que les concepts de « réalisme socialiste » et d'« esprit de parti ». Néanmoins, l'ingérence s'exerce maintenant de manière plus circonspecte. Relativement rares sont les mesures administratives prises contre les écri- . vains et les artistes, en comparaison de 1'ère stalinienne. «Réalisme socialiste » et autres préceptes du même genre sont interprétés plus largement et les intéressés ne sont pas tenus d'y adhérer de manière aussi rigoureuse que par le passé. Les articles de « directive » politique signés par les publicistes du Parti sur des questions de culture et d'art ont beaucoup perdu de leur autorité. Réciproquement, le rôle et l'influence des écrivains et des artistes soviétiques ont grandi, sans excepter ceux qui font bon marché des principes officiellementprônés. Ce relâchement a permis aux écrivains et aux artistes de représenter avec une certaine franchise, assortie d'ailleurs d'une prudente retenue, le passé stalinien et la terreur qui en était la marque. Pour la première fois depuis trente ans, on édite à des tirages sans cesse croissants des livres totalement dénués de caractère politique et qui traitent de problèmes purement humains. Certains poèmes, certains récits publiés à l'heure actuelle sous couvert de dénoncer le passé stalinien, critiquent indirectement le présent. Le progrès vers une plus grande liberté d'expression est cependant inégal, les phases d'avance et de recul se succédant à un rythme rapide. L'allure du relâchement n'est pas non plus identique dans les diverses provinces de l'art. En littérature, la répudiation des préceptes staliniens est allée assez loin, alors qu'en peinture, par exemple, la surveillance et le conservatisme officiels continuent d'imposer des entraves plus étroites. Dans quelle mesure les changements politiques et sociaux esquissés ci-dessus ont-il affecté l'idéologie officielle ? Nul doute que la fonction de l'idéologie en U.R.S.S., qualifiée de «marxismeléninisme », demeure la même : elle fournit aux dirigeants inamovibles une justification pour le règne absolu du Parti, en même temps qu'elle dispense aux fidèles fermeté, confiance et optimisme. Tous les membres du Parti sont tenus d'étudier le «marxisme-léninisme», matière obligatoire - au moins autant que sous Staline - dans les universités et les classes terminales de l'enseignement secondaire, et qui, sous une forme simplifiée, est transmise aux masses par l'intermédiaire d'un gigantesque appareil de propagande. Pareillement a été conservée la division traditionnelle de l'« idéologie» en philosophie («maté- .rialisme dialectique et historique »), économie («économie politique du capitalisme et du socialisme ») et doctrine politique (qualifiée depuis peu de « communisme scientifique»). Maintes thèses fondamentales de Staline, énoncées à seule fin de fournir une justification au système, telles l'assertion de 1936 suivant laquelle le ....

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