Le Contrat Social - anno VII - n. 5 - set.-ott. 1963

G. AR.ôNSON l' « orateur» M. S. Morgouliès et le « secrétaire», prince D. Béboutov. Existait également à Pétersbourg la loge « Cosmos », à laquelle avaient adhéré - peut-être lorsqu'ils étaient encore en France -. les professeurs de l'Ecole supérieure russe de Paris (1906-1907) : Maxime Kovalevski, E. VI. de Roberty, E. Anitchkov, Iou. Gambarov. Parmi les maçons qui enseignaient dans cette école, on citait également Vyroubov, Keldrine et Amfi.téatrov.De temps en temps, on trouve même dans la presse des allusions à l'affiliation, dès cette époque, de V. A. Maklakov. A. Tyrkova-Williams décrit en ces termes sa rencontre avec Maklakov à Paris, en 1905 : « C'était la première fois que Maklakov me voyait. Cela ne l'empêcha pas de me faire un signe maçonnique. A Paris, j'avais vaguemen~ entendu dire que le professeur M. Kovalevski avait organisé une loge russe. Beaucoup de mes connaissances, y compris E. I. Anitchkov, y avaient adhéré 2 • » Cela se passait à l'étranger. Mais, de son côté, I. V. Hessen * apporte quelques données : « Autant que je sache, écrit-il, Kovalevski [M. M.] a été le fondateur de la maçonnerie russe à la fin du siècle dernier. La loge russe, annexe du Grand-Orient français, fut solennellement inaugurée par lui, suivant le rite, et, quelques années plus tard, à la suite des révélations du N ovoïé Vrémia, mise en sommeil pour longtemps. Elle ne fut ranimée que dans le siècle actuel. (...) Le fait que cette loge comprenait des affiliés d'origines très diverses, était, pour la Russie, son trait caractéristique. Elle groupait des socialistes-révolutionnaires (Kérenski), des cadets de gauche .(Nékrassov) et de droite (Maklakov) qui, dans le parti, se fuyaient les uns les autres, des millionnaires, marchands ou aristocrates (Téréchtchenko, le comte Orlov-Davydov) et même des membres du comité central des social-démocrates (Halpérine **), lesquels, ouvertement, n'avaient aucun contact avec d'autres organisations 3 • » La dernière partie de cette citation ~fait mieux comprendre la part prise par les maçons à la politique russe en 1915-17. D'autres Mémoires sur la franc-maçonnerie se rapportant à une époque antérieure offrent aussi de l'intérêt. Ainsi, l'affaire Azev, ce dernier ancien chef de l'organisation de combat des socialistes-révolutionnaires, dont le rôle de provocateur fut dévoilé par A. A. Lopoukhine en personne, ex-chef de la police ( 19021905), ce qui valut à celui-ci d'être exilé en Sibérie, retiendra l'attention. Une brochure publiée à Paris et consacrée à Alexandre I. Braoudo contient, sur cet homme politique très cultivé, une série d'articles dus à des personnalités faisant autorité. Ceux de V. Bourtsev et d'A. Argounov soulignent le concours apporté par A. I. Braoudo pour démasquer Azev. Argounov, rentré clandesti2. A. V. Tyrkova-Williams : Sur les routes de la liberté, p. 200. • Rédacteur de journaux libéraux, député à la Douma. • • Alexandre Halpérine, avocat social-démocrate, chef des services administratifs du Gouvernement provisoire. 3. I. V. Hessen : En deux siicles, 1937, pp. 216-17. Bibli.oteca Gino Bianco 261 nement à Pétersbourg en mission du « tribunal » s.-r., chargé de juger Azev à Paris, pour obtenir de Lopoukhine lui-même confirmation du rôle d'Azev, put rencontrer Lopoukhine grâce à Braoudo dans l'appartement de l'avocat E. S. Kalmanovitch. Là, l'ex-chef de la police lui donna tous les renseignements nécessaires. Comment Braoudo, préposé à la Bibliothèque publique, personnalité juive, a-t-il pu organiser cette entrevue ? Uniquement par la filière maçonnique. Comment Lopoukhine a-t-il pu confier aux socialistes-révolutionnaires un secret d'Etat sur Azev et son rôle d'agent double, sinon par la filière maçonnique ? Bien qu'en l'occurrence les maçons n'aient jamais été mentionnés, il semble clair que Lopoukhine et Braoudo étaient en relation en tant que tels. Sinon, comment comprendre qu'une modeste personnalité comme Braoudo ait pu entrer directement en rapport avec le chef de la police politique 4 ? Certains détails sur l'attitude de Lopoukhine, lors de sa comparution, le 28 avril 1905, devant le tribunal de Pétersbourg, sont intéressants. Lopoukhine déclara que, dans cette affaire, « des considérations générales d'humanité l'avaient guidé». Quant aux lettres envoyées à Stolypine et autres personnalités après la visite faite chez lui par Azev et Guérassimov, Lopoukhine affirma qu' « il avait communiqué ces lettres à deux personnalités, dont il ne tenait pas à révéler l'identité pour des raisons d'ordre moral ».Parlant d'un ami venu le voir pour s'enquérir d'une entrevue possible avec le délégué du parti socialiste-révolutionnaire, Lopoukhine ajouta qu' « il ne tenait pas à donner le nom» de cet ami. Et pour se justifier d'avoir démasqué Azev, il déclara qu'il avait « agi ainsi pour remplir le devoir qu'a tout homme de ne pas couvrir par son silence des crimes abominables tels que ceux commis par Azev » 5 • * )f )f NUL DOUTE que bien avant la première guerre mondiale la police politique ne surveillât les francs-maçons. Cette surveillance donna lieu à des articles du fameux ManassévitchManouïlov (« Les masques», dans Novoié Vrémia ), bien entendu sur les cc judéo-maçons », articles rédigés d'après des informations puisées dans les dossiers de l'Okhrana. Le général Guérassimov, chef de l'Okhrana de Pétersbourg, dut convenir que le tsar lui-même s'intéressait de temps à autre aux francs-maçons. « Un autre sujet auquel le tsar s'intéressait fort, relate ledit général dans ses Mémoires, c'étaient les loges maçonniques. Il avait ouï dire que des liens étroits existaient entre. maçons et révolutionnaires et il attendait que je le lui confirme. Je rétorquai que j'ignorais ce qu'il 4. Cf. Alexandre Issaïévitch Braoudo : Album d'esquisseset de souvenirs, Paris 1937, pp. 93-101. · 5. L'Affaire A. A. Lopoukhine devant la Chambre spéciale du Slnat gouvernant, compte rendu sténographique, SaintPétersbourg 1910, pp. 20, 21, 25 sqq.

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