.LES FRANCS-MAÇONS ET LA RÉVOLUTION RUSSE par Grégoire Aronson r On sait que la franc-maçonnerie diffère selon les pays et selon les époques, au point d'être méconnaissable d'un pays à un autre, d'une époqueà une autre. Mais on ne sait à peu près rien de la franc-maçonnerie russe contemporaine. D'où l'intérêt d'une esquisse comme celle dè Grégoire Aronson (voir la notice sur lui en dernière page) qui ne prétend pas être un chapitre d'histoire, mais qui introduit le lecteur dans une matière encore inexplorée. On ne méconnaît pas ici que les pages qui suivent, publiées d'abord en russe, ont suscité nombre d'objections, de contestations. Leur publication en français nous en vaudront peut-être d'autres, qui contribuero_ntà faire plus de lumière sur un sujet important resté jusqu'à présent dans la pénombre. Elles seront complétées par des lettres de Catherine Kouskova, éminente personnalité de l'intelligentsia russe et francmaçonne déclarée, à notre collaborateurN. Volski et IL Y EUT, en Russie, une organisation peu nombreuse, mais influente, qui a joué un grand rôle dans les années décisives de 1915-19 I 7, à l'époque de la première guerre mondiale et de la révolution de Février. Le trait particulier de cette organisation fut son caractère occulte : après plusieurs décennies, pas un de ses membres n'a livré de secrets soit sur ses effectifs, soit sur son activité. Autre trait distinctif : les origines hétérogènes de ses adhérents qui, bien qu'affiliés à des groupes fréquemment hostiles, s'efforcèrent de former un centre politique actif au-dessus des partis. Sur ces francs~maçons russes, groupés jusqu'à la révolution d'Octobre, on ne peut rassembler d'informations qu'en relevant çà et là tel ou tel fait ou en notant de vagues allusions. Il suffit de Biblioteca Gino Bianco I à Lydia Dan. Selon Grégoire Aronson, les loges maçonniques en Russie ont pris une part active au drame politique de I9I7, sous l'effet des désastres de la guerre et des dé/aillances de la dynastie des Romanov, par contraste avec les loges de France et d'ailleurs qui s'assignent des devoirs d'ordre purement moral, spirituel ou humanitaire. Leur seul trait commun serait le secret qu'elles observent, particulièrement bien gardé sous les tsars. La francmaçonnerie russe contemporaine s'était engagée à fond dans la lutte politique contre l'Ancien Régime. Elle aurait donc contribué d'une certaine façon à la révolution de Février dont les bolchéviks ont su détourner le courspour le capter afin d'aboutir à la révolution d'Octobre. Cela mérite attention, éventuellement discussion,quarante-six ans après legrand tournant de l'histoire de Russie. citer quelques dizaines d'hommes politiques russes qui appartenaient à' l'élite maçonnique pour montrer qu'il s'agit là non seulement d'un facteur primordial dans la politique russe de l'époque, mais aussi d'un fait rare au point de vue social, négligé cependant par presque tous les historiens de ce temps et dont le grand public ignore tout en dehors de rumeurs qui n'éveillent que le scepticisme. Voici, choisis parmi l'élite de la franc-maçonnerie, des noms qui, à première vue, paraîtront difficiles à classer dans une même organisation et qui cependant furent étroitement associés sur le plan politique: le prince G. E. Lvov et A. F. Kérenski, N. V. Nékrassov et N. S. Tchkhéïdzé, V. A. Maklakov et E. D. Kouskova, le grand-duc Nicolas Mikhaïlovitch et N.D. Sokolov, A. I. Ko-
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