Le Contrat Social - anno VII - n. 4 - lug.-ago. 1963

B. SOUV ARINE tral avec le Parti, le chef avec le Comité central, est réfuté avec éclat par les réquisitoires parallèles qui ravalent plus bas que terre les dirigeants communistes, les taxent d'incapacité, d'embourgeoisement, de dégénérescence, d'impérialisme, de bellicisme, de trahison et d'imposture, les chargent de tous les péchés imaginables. Ce que les «guides de l'opinion » dans les démocraties occidentales craignent d'enseigner à leur public est proclamé. à grand son de trompe par les intéressés eux-mêmes. Jamais l' « anticommunisme systématique» réprouvé par les eunuques de la presse bien-pensante et par les philistins . du progressisme n'a égalé le dénigrement dont Moscou et Pékin prêchent d'exemple. • Détail beaucoup plus intéressant qu'il ne semble à première vue, la date à laquelle remonte la brouille décisive, d'après les Chinois : elle varie, de 1958 à 1960. En 1958, Khrouchtchev se rendit à Pékin et sa visite fut suivie d'une vaine démonstration d'artillerie chinoise dans le détroit de Formose, puis de là décision relative au« bond en avant » et aux « communes populaires »; les experts occidentaux opinèrent alors, quasi unanimes, que Khrouchtchev était allé aux ordres chez Mao; c'est évidemment le contraire qui eut lieu: Mao n'obtint pas de Moscou les moyens balistiques d'attaquer Formose, voire même les iles côtières, et Khrouchtchev n'a pu que blâmer l'aventure insensée du saut périlleux dans le communisme. En 1959, Moscou désavoua implicitement la Chine lors du conflit frontalier avec l'Inde, ce dont se plaint à retardement le parti frère. En 1960, les Soviétiques ont « retiré tous leurs spécialistes, déchiré des centaines d'accords économiques, stoppé l'envoi de matériels essentiels », disent les Chinois. En fait, comme nos articles depuis trois ans l'ont montré avec références à l'appui, presque tous les thèmes de discorde existaient déjà du vivant de Staline, signalés dès 1951 en Occident par l' Economist, le N. Y. Herald Tribune, etc. (cf. notre numéro de novembre 1960), augmentés, aggravés par la suite : ils n'étaient donc pas dus au «libéralisme», au « révisionnisme » de Khrouchtchev, mais à la volonté. chinoise de se soustraire au leadership soviétique dont, d'autre part, Mao affirmait la nécessité impérative. A propos des accords économiques déchirés, Moscou répond, après avoir rappelé l'aide soviétique considérable octroyée au régime de Mao, que « !'U.R.S.S. continue de prêter son concours technique à la Chine dans la construction de 88 entreprises industrielles » et que c'est « sur l'initiative_ du gouvernement chinois [que] le volume du commerce entre la Chine et l'Union soviétique fut réduit de presque trois fois en trois •années, que les fournitures d'équipement se sont réduites de quarante fois ». Sur ce point on ne saurait ici départager" des disputeurs d'égale mauvaise foi, mais il semble bien que le nombre des techniciens soviétiques en Chine ait dft être ~treint à la mesure des travaux en voie d'exéBiblioteca Gino Bianco 195 cution, ce qui n'a rien d'idéologique. Il y aurait donc encore en Chine le personnel technique occupé aux 88 entreprises de construction soviétique comme il y a encore en U.R.S.S. des étudiants chinois en grand nombre : Pékin, qui ne laisse passer sans réplique aucune assertion de Moscou, n'a pas démenti sur ce point la réponse soviétique. L'explication selon laquelle les techniciens ont été rappelés pour les soustraire à la propagande cc dogmatique» ne résiste pas au moindre examen. Au-delà des différends de 1960, de 1959 et de 1958, Mao remonte en réalité à 1956 quand il remet en cause le XXe Congrès du P.C. de !'U.R.S.S., alors qu'il en avait approuvé les décisions, notamment la répudiation du cc culte de la personnalité », lire le déboulonnage de Staline. Il s'était donc aligné à regret, en serrant les dents, le coup ayant atteint le culte de sa propre médiocrité (rappelons, une fois de plus, l'étude remarquable de Richard L. Walker sur Le culte de Mao, parue dans notre numéro de septembre 1960), culte copié sur celui de Staline et promis inéluctablement à un même retour du sort. Il est satisfaisant de penser que si Mao insiste à cet égard, Khrouchtchev se sentira obligé de déballer davantage sur les turpitudes et les atrocités de Staline, tant pour rendre la mémoire de celui-ci indéfendable que pour accabler en même temps le Staline asiatique. LA CHAMAILLERIE sur la coexistence pacifique atteindrait le plus haut comique, dans le genre dialogue de sourds, si elle ne prenait une allure véritablement écœurante. Les Chinois ont l'audace de revendiquer l'initiative en la matière, avec les cc cinq principes » de Colombo, multipliés par deux à Bandung, mais sans rien rétracter de leurs insanités sur la guerre inévitable contre le tigre de papier. Aussi les Russes ont-ils la partie belle en se posant en champions de la paix universelle et en enfon~t une porte ouverte quand ils demandent aux camarades qui jugent cc question secondaire» les sacrificeshumains à consentir dans une guerre nucléaire : «Pour qui est-ce une question secondaire ? Pour des centaines de millions d'hommes voués à la disparition· en cas de guerre nucléaire ? Pour les Etats qui seront effacés de la surface de notre planète dès les premières heures... ? » Incontestable truisme, déjà énoncé sans prétention dans notre article 2 de novembre 1960, Ombres chinoises, qui ridiculisait cc la mission si intéressante de conquérir les décombres de la civilisation anéantie » et demandait « où sera le bol de riz, par homme et par jour, nécessaire aux soldats jaunes qui s'en iront (comment ?) planter le drapeau rouge (pour quoi faire?) sur 2. Quelques lignes de nos articles précédents sont et seront nécessairement citées, aussi brièvement que possible, à seule fin d'indiquer de la suite dans les idées essentielles,

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