Le Contrat Social - anno VII - n. 4 - lug.-ago. 1963

194 et 1960. On est fondé à passer outre pour en venir à la comédie du colloque reportée du 15 mai à la mi-juin, puis au 5 juillet, ajournements qui trahissent l'embarras des « camarades » et qui ont suscité les plus vaines conjectures. Il n'était nul besoin d'attendre l'issue d'un tel simulacre de conférence pour le juger méprisable dans le principe et ridicule en pratique. La délégation soviétique, avec Souslov, que le New York Times. s'efforce de présenter depuis des années comme le leader d'une fraction prochinoise au Kremlin opposée à Khrouchtchev, ne pouvait que suivre les consignes de la direction collective de son parti, cependant que la délégation chinoise obéissait nécessairement aux directives de Mao. On a peine à croire qu'elles se soient récité mutuellement les articles de la Pravda et du Quotidien du Peuple : elles les savaient par cœur. Elles n'ont pu que tenir leurs rôles respectifs dans ce que nos articles ·antérieurs définissaient comme une « épreuve de patience, ·d' endurance et d'usure» (numéros de mars-avril -1962 et suiv.); sans même se séparer sur une franche rupture qui ne serait actuellement à l'avantage d'aucune des parties en présence, chacune préférant temporiser pour escompter des circonstances plus favorables à ses inanœuvres. On ignore tout ce qui s'est dit dans ce colloque, mais il a été précédé et accompagné d'un échange public de déclarations qui, additionnées à quantité de textes précédents et abstraction faite des répétitions fastidieuses, contribuent à enrichir .et préciser sur plusieurs points les informations fragmentaires ~ont disposent les spectateurs. La lettre interminable du Comité central chinois datée du 14 juin décèle, en vingt-cinq paragraphes, une volonté bien arrêtée de rassembler l'opposition communiste à l'hégémonie soviétique qui pèse sur le « camp du socialisme». Elle réitère tous les griefs ·connus et en avoue plusieurs autres pour constituer ce que la terminologie du milieu nomme une cc plate-forme» de ralliement. Le communiqué soviétique du 18 juin, en réponse; répète le sempiternel plaidoyer non moins connu en faveur de la « ligne » officielle et, sans rien concéder sur le fond, refuse de publier le factum chinois, conformément à la routine ·stalinienne d'imposer silence aux dissidents. Pas plus à Pékin qu'à Moscou, il n'est d'usage de laisser une opposition s'exprimer, mais Mao découvre le droit intangible de discuter quand il croit en tirer profit : il fait distribuer sa plate-forme en Union soviétique par les fonctionnaires de son ambassade, tout en bénéficiant gratis d'une publicité sans précédent que lui accorde la presse bourgeoise partout dans le monde. Cette fois les Soviétiques ne peuvent plus minimiser la « que- .. relle de famille » ni se laisser piétiner sans réagir : · une guerre froide se déchaîne ouvertement chez les .communistes incapables de vraie paix et de vraie guerre entre eux ·comme « entre pays de systèmessociauxdifférents». Khrouchtchev riposte· dans un _discours au Comité central (21 juin), Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL puis devant un meeting à Francfort-sur-Oder le 3 juillet où il traite de fous les gens qui croient vaincre le capitalisme par la guerre, tandis que les Chinois explicitaient le 1er juillet « les possibilités d'une scission dans le mouvement communiste international». Dans la Pravda du 4 juillet, le Comité central du lieu s'élève contre les« calomnies » et les agissements des Chinois·tout en réaffirmant ses intentions conciliantes et annonçant une répoµse aux accusations implacables du parti frère. Le Comité central chinois ne laisse rien sans réplique et, le 5 juillet, renouvelle ses . litanies constantes. Des deux côtés, les outrages inexpiables, les pires violences verbales prétendent «renforcer l'unité du camp socialiste». Le chantage réciproque était donc porté à son ,, comble quand se tint en secret pendant deux semaines le colloque dérisoire qui, par ordre d'en haut, devait décider de ne rien conclure. * ,,. ,,. CONTRAIREMENT à ce qui a lieu dans la guerre froide menée, sous le pseudonyme de . coexistence pacifique, par les commun-istes contre les sociétés dites bourgeoises qui pratiquent à leur égard-le «laisser faire, laisser passer», la guerre froide entre communistes ne se livre pas à sens unique, bien que les Russes acceptent jusqu'à présent de laisser aux Chinois toute l'initiative et ne rendent les coups qu'avec une répugnance visible et une modération singulière. On peut désormais parler de Russie et de Chine en tant que nations, tout communisme mis à part, et chacune ayant ses alliés ou sa clientèle, car leurs accusations mutuelles de nationalisme et de chauvinisme sont parfaitement justifiées. Il est même trop vrai, comme l'a remarqué Khrouchtchev en moquant le « vent <l'Est » de Mao (en quoi notre article Vent d'Est dans le numéro de septembre 1960 de la présente revue l'avait devancé), que les Chinois se rendent coupables de racisme jaune, tandis que les Russes ne ·sont nullement exempts de racisme slave. En dénonçant ainsi réciproquement leur nationalisme, leur chauvinisme, leur racisme respt:ctifs, ce que les leaders des démocraties occidentales s'abstiennent de faire, les pseudo-communistes s'avèrent manifestement étrangers au marxisme, au socialisme, au communisme. Les plus sévères censeurs de Marx et de Lénine ne trouveraient pas trace de ces traits caractéristiques dans leur vie ni dans leurs œuvres. Un autre aveu sous-jacent, et de taille, ressort des diatribes échangées entre «camarades » et «partis frères », celui que ni Khrouchtchev, ni Mao, ni leur entourage, ne représentent le parti unique, le prolétariat, le peuple de leurs pays~ Le _mensonge fondamental d'après lequel se confondent le prolétariat avec le peuple, le parti communiste avec le prolétariat, le Comité cen-

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