206 des traits absolument nouveaux. Ces élections n'apparaissent nullement comme des élections orientées par l'esprit plébiscitaire, et elles n'ont rien non plus qui les différencient fondamentalement de ce qui se passait sous nos précédentes Républiques. Mais alors, comment ne pas ·se demander ce que donnera l'avenir ? Si au zénith de son prestige l'homme du 18 juin arrive tout juste à faire franchir à ses troupes le seuil de la majorité, que se passera-t-il lors de nouvelles élections, pour peu que des difficultés économiques ou politiques aient entre-temps le moins du monde rongé ce prestige ? N'aurait-il pas lieu de craindre, non seulement de n'avoir plus de majorité à l'Assemblée, mais de ne pouvoir sans risque recourir au référendum ? En vérité, au moment où l'analyse du dernier scrutin nous découvre une France toujours semblable à elle-même, il n'est sans doute pas déraisonnable d'imaginer qu'au cours de son second septennat, le chef de l'Etat pourra se trouver dans l'obligation de tenter tardivement l'aventure qu'avec des moyens et des fortunes diverses tentèrent jadis un LouisNapoléon, un Mac-Mahon. Conclusion habituelle, nous l'avons déjà exposé ici, d'un régime où e~ste un certain · degré de séparation des pouvoirs. Un nouveau mode de scrutin UN DES PÈRES de notre Constitution semble conscient de ces perspectives et songe aux remèdes :.M. J?ebr~, on _l'a dit, propose d'adopter le scrutm urunommal a un tour. On aurait tort de penser que son échec en Indre-et-Loire lui a seul inspiré l'idée d'un scrutin qui lui aurait donné la victoire. Nous avons eu en effet l'occasion de rappeler ici que dès 1947 il s'en est fait l'avocat avec une grande intransigeance. Il remarquait cependant qu'on devait prévoir des étapes. Etµ ~st_aiséd'imapier que,l'existence d'un parti maJorttarre dans 1Assemblee lui semble l'étape décisive permettant d'instaurer en France le scrutin qui assure aux Anglais une vie politique infiniment plus harmonieuse que la nôtre. A la vérité, le moment nous paraît mal choisi pour adopter ce mode de scrutin. Il n'est pas suffisant, en effet, pour jouir des bienfaits du régime anglais, de créer un grand parti tory et d' e~ ass~er l'_existence: un ~arti whig n'est pas moms necessaire. Et par para whig nous entendons un parti où se fondraient les groupes qui forment la gauche intérieure 4 , de même que l'U.N.R., depuis qu'elle s'est séparée de ses éléments extrémistes, représente l'essentiel de la droite intérieure. 4. Rappelons que nous appelons gauche intérieure l'ensemble des groupes de gauche qui acceptent le régime démocratique, par opposition au parti communiste, qui forme la gauche extérieure. De même l'U.N.R., les indépendants le M.R.P. font partie de la droite intérieure, les poujadist~ et quelques autres de la droite extérieure. Biblioteca Gi"noBianco LE CONTRAT SOCIAL Or le premier point, pour former un parti whig, c'est d'isoler la gauche intéâ:ure de la gauche extérieure. C'était le cas naguère, et un fossé séparait le parti socialiste du parti communiste. Il était extrêmement douteux que ce fossé pût jamais se combler, car les ava.nces du parti communiste ne pouvaient faire oublier aux socialistes l'aventure du Front populaire~ Les socialistes savaient que, sous quelque masque que ce soit, le parti communiste poursuit inflexiblement sa marche vers le pouvoir totalitaire. L'évolution même de !'U.R.S.S. ne pouvait les aveugler. Mais ce que Thorez et Khrouchtchev étaient impuissants à réaliser, le chef de l'Etat y est parvenu en un moment. Il a, en octobre dernier, donné une telle secousse à la vie politique française que le ~ chef du parti socialiste n'a pu conserver son équilibre. Il a aussitôt tenté de prendre appui à droite, mais la droite n'était qu'un fantôme rongé par les termites. Alors il lui a fallu se rejeter vers les communistes. Ainsi la ve République lui est aussi marâtre que la ive : celle-ci l'avait obligé à s'allier aux modérés, celle-là le contraint à s'unir à, 1~ gauche extérieur~. ~venture d'autant plus peruble que la Constltution de 1958 lui avait donné l'espoir de vivre enfin sans compromissions douloureuses. · La prochaine élection présidentielle favorisera inévitablement de nouveaux contacts entre la gauche intérieure et la gauche extérieure. Le rôle du .P~ésident est devenu si décisif que le parti socialiste fera sans doute de gros sacrifices pour que son chef devienne le candidat unique de la gauche. Si l'extrême gauche était tenue à l'écart, il fa_udrait chercher un candidat qui pût rallier les electeurs du centre, et le pivot de la combi- ~aison se situerait alors à la droite du parti socialiste. La collaboration avec le parti communiste sera. don~ ~ssentiell_ec, ar c'est grâce à elle que le parti socialiste deviendra le centre de gravité de la gauche. · Si une telle collaboration s'établissait, ne peuton penser que le scrutin uninominal à un tour lui ~onnerait un nouvel élan ? -Les deux partis aurai~nt en e!fe~un très grand intérêt à se répartir les circonscnptlons (ou du moins le plus grand nombre d'entre elles), car ce serait très souvent le seul espoir de mettre en échec le candidat gouvernemental. Une telle entente gênerait d'ailleurs m?ins, !e parti socialiste, qui cherche surtout à faire elire ses membres et abandonne volontiers les circqns~riptions où ses chances sont faibles, que 1~paru communiste, accoutumé à être·présent partout. Le scrutin à un seul tour pourrait ainsi aggraver les.effets de notre actuel scrutin à deux tours. Les alliances qui se nouent entre les deux tours, dans l'improvisation du combat, et dans un moment ?ù celui qui se désiste est déjà assuré de son echec, ont souvent des effets faibles et fugaces. 'f son~ souve~t ~es échanges de bons procédés d ~e ctr.c~nscnp~on à l'autre, de sorte que chacun encaisse aussitôt les bénéfices d'une opération
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