Le Contrat Social - anno VII - n. 4 - lug.-ago. 1963

204 de nouveau, au nom de la « volonté profonde » du pays, le système dont il a fait la théorie, le système qu'il a lui-même instauré, puis amendé. La raison en est que le système repose en fin de compte sur un postulat : c'est que la parfaite confusion politique demeurera la loi fondamentale du Parlement français. Le seul passage à cette confusion imparfaite que représente une majorité d'obstruction contraindrait le Président à recourir à un régime plébiscitaire, à peine voilé sous le nom pudique de référendum. LA MEILLEURE CHANCE de durée de notre Constitution, donc, c'est le maintien de la confusion parlementaire. Mais cette confusion traditionnelle, qui a un si brillant passé, ne semble pas promise à un avenir glorieux. Et le chef de l'Etat lui-même contribue à ruiner la base d'un édifice dont il semble tirer quelque orgueil. La théorie du général de Gaulle, c'était que le chef de l'Etat dominerait les querelles parlementaires, qu'il serait un arbitre, disons même : qu'il serait l'arbitre de la situation. Et c'est, nous l'avons dit, cette position d'arbitre qu'il s'efforça de conserver pendant la première législature. Crut-il qu'il pourrait sans difficultés s'y maintenir ? C'est fort douteux, car à plusieurs reprises il dut en appeler d'une Assemblée incertaine au sufrage universel. En tout cas, s'il le crut, la fin de la guerre d'Algérie lui dessilla les yeux. C'est ce qu'il exposa dans son discours du 7 novembre 1962 : Que s'est-il passé, en effet ? La nation étant maintenant en plein essor, les caisses remplies, le franc plus fort qu'il ne le fut jamais, la décolonisation achevée, le drame algérien terminé, l'armée rentrée tout entière dans la discipline, le prestige français replacé au plus haut dans l'univers, bref tout danger immédiat écarté et la situation de la France bien établie au-dedans et au-dehors, on vit tous les partis de jadis se tourner contre de Gaulle. ~h oui : tous les partis, sauf le sien, se tournaiei:it c~i:itr~ ?e Gaulle. Et de Gaulle s'apercevait qu il etait un homme providentiel comme les ~utres. Nous avons montré ici, il y a quelques ~.ees? que la IIIe et la IVe République faisaient periodiq.uement appel à ~n homme providentiel pour resoudre les questions que la confusion parlementaire ne permettait pas de dominer et qu'ensuite . on renvoyai~ l'homme provide~tiel pour revenu à la confusion parlementaire. Ainsi la question d'Algérie résolue, la politique habi~ tuelle voulait reprendre ses droits, où de Gaulle n'avait pas sa place. Mais si les choses étaient ainsi, à quoi avait servi la nouvelle Constitution ? A rien, semblait-il. Le chef de l'Etat, à vrai dire, avait un atout qui faisait défaut à ses prédécesseurs : son prestige dans la nation. Courant au plus pressé1 il Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL fit modifier un article de la Constitution, de façon à assurer sa réélection. Mais ceci concerne l'annœ 1965. Dans l'immédiat, rien n'était changé. Alors le général de Gaulle se résigna. Il renonça d'un seul coup à toutes les théories qu'il avait échafaudées sur l'exercice du pouvoir par un arbitre, et il fit ce que font tous les chefs politiques dans les pays où le vote est libre : il prononça un discours électoral. Comme d'autres avant lui, le chef de l'Etat cherchait une majorité de gouvernement. Stabilité du corps électoral IL ÉTAIT prévisible que d'arbitre le Président ~ de la République se muerait en chef de parti. La Constitution même qu'il avait conçue en fonction de la confusion parlementaire devait précisément triompher de cette confusion ou tout au moins, au commencement, la contraindre à céder du terrain. On sait qu'il y a une manière de physique politique qui veut qu'une Assemblée divisée entre une majorité et une opposition engendre un ministère stable. Mais réciproquement un ministère stable tend à diviser l'Assemblée en une majorité et une opposition, surtout aux approches des consultations électorales : phénomène inévitable, que nous avons annoncé ici dès novembre 1959. Et le mécanisme a même, en 1962, joué d'une façon burlesque, puisque les partis d'opposition ont marché à leur propre ruine en s'alliant entre eux sans tenir compte de la distinction traditionnelle de la droite et de la gauche. Les chefs de l'opposition ont suivi ou plutôt subi la structure du système avec une exceptionnelle inintelligence politique, parce qu'ils se sont imaginé que le corps électoral voterait selon des concepts nouveaux. Il est vrai que le chef de la majorité lui aussi a cru· que les électeurs français se prononceraient d'une façon nouvelle. Il s'est, avons-nous dit, mué en chef de parti. Cependant, le discours électoral déjà cité montre bien qu'il n'a pas considéré les membres de l'opposition comme des adversaires se mesurant avec lui dans un combat loyal, mais comme des survivances déjà à demi vaincues et qu'il fallait détruire définitivement. En fait, il voulait de nouveau, dans des conditions plus favorables, « rassembler le peuple français ». On aperçoit donc que, tant d'un côté que de l'autre, on a voulu voir dans les élections .de 1962 un plébiscite pour ou contre le chef de l'Etat. Dira-t-on que les référendums nous avaient accoutumés à une atmosphère plébiscitaire ? Ç'est sans doute c~ _que s'imaginent les professionnels de la politique. Mais nous avons eu l'occasion de dire ici (en novembre-décembre 1962) ce que nous en pensons. Sans doute le chef de l'Etat ne s'est-il pas seulement servi des référendums sur l'Algérie pour résoudre le problème alg~ri~n,.mais, aussi pour renouveler son prestige et mtunider 1 Assemblée. On sait aussi que da

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