l B. SOUVARINE plaintif tout ce qui les gêne, à prononcer leur propre éloge et à imputer aux accusateurs chinois l'intention maléfique de provoquer (comment ?) , une guerre cataclysmique. Il va sans dire que Khrouchtchev et Cie n'en pensent pas un mot, > sachant Mao et Cie totalement impuissants sous > ce rap~ort et ~'ayant d'ailleurs aucun goût pour l le, s~cide atomique : seuls des « publicistes de la def~~ce bourg_eoise» en Occident peuvent > croire a de pareilles fables 3 • Mais l'argument semble de propagande efficace pour discréditer les « imbéciles » capables d'inventer le « tigre de pa~ier » qu'ils ne risquent pas d'affronter et de tem~ le propos stupide auquel Tito, le premier, a fait un sort, sur les 300 millions de morts qu'ils passeraient d'un cœur léger par profits et pertes dans l'éventualité d'une guerre thermonucléaire. (?n a,tout lieu de supposer que la direction collective a Moscou retarde le plus possible le moment d'~ccabler l'adversaire assez impudent pour lui faire la leç_on,car sa lettre ouverte du 14 juillet demande si, « sous le couvert du bruit assourdissant mené par les camarades chinois à propos de la révolution mondiale, il y a d'autres buts qui n'ont rien à voir avec la révolution». Quels buts ? Et la presse soviétique se décide à des allusions « aux difficultés nées en Chine ces dernières années à la suite de la mise en œuvre de plusieurs décisions erronées du P.C. chinois» (éditorial du ~om_muniste? n° 11, d:août), avertissement qui sigmfie : si vous continuez de la sorte, nous ouvrirons nos dossiers et le monde étonné apprendra des vérités peu ordinaires sur votre régime, v~s méthodes, vos résultats et, s'il le faut, vos crrmes. ON COMPRENDque les héritiers de Staline hésitent à s'engager dans cette voie et ne le fassent que sous la pression d'une nécessité inéluctable. Car leurs camarades et frères ne seraient pas en reste et les vérités qui, cessant d'être confinées dans de modestes revues comme la nôtre, retentiraient avec fracas sur la scène internationale, ne laisseraient rien subsister du mythe idéologique subi par force à l'Est, accepté par faiblesse à l'Ouest, sous la fausse appellation de socialisme. Les vrais mobiles de la nouvelle classe des exploiteurs et oppresseurs, chinois et soviétiques, passeraient alors au premier plan, s'imposant à l'attention publique. Il est plus que probable qu'_aux antipathies nationales, ·aux antagonismes racistes 3. Un seul exemple, entre mille, celui du columnist Joseph Alsop du N. Y. Herald Tribune qui croit que « les leaders chinois ont fait constamment pression sur les Russes afin que ceux-ci déclenchent une troisième guerre mondiale », souhaitant << que le monde entier soit réduit en cendres, dans l'attente, née du désespoir, que parmi ces ruines la Chine trouverait enfin la place prédominante à laquelle, selon eux, elle a droit» (Figaro du 18 juillet). M. Alsop et les innombrables commentateurs qui partagent ses vues prennent donc les staliniens pour des bouddhistes prêts à se consumer au feu de l'holocauste afin de servir un idéal. ibliotecçi Gino Bianco . 197 et aux égoïsmes économiques se superposent des animosités personnelles entre les hommes qui incarnent les pouvoirs qui se heurtent l'un à l'autre. On aura tout loisir d'examiner les multiples questions litigieuses qui foisonnent dans la polémique, ou qui surgiront inopinément comme celle des revendications chinoises sur des territoires annexés à la Sibérie sous le tsarisme : dans une situation « ni paix ni guerre » où précisément l'idéologie n'est que prétexte ou couverture, on n'~ntrevoit nulle raison impérative pour que cela finisse. Mais d'ores et déjà bien des indices confirment _l'hypothèse qu'avançaient nos écrits depuis 1960 pour situer en juillet-août 1958, date du séjour de Khrouchtchev et Malinovski à Pékin, le tournant où les incompatibilités secondaires ont pris un caractère de divorce politique latent. L'article intitulé Idéologieet phraséologie ( dans notre numéro de novembre-décembre 1962) résumait en ces termes nos vues antérieures : « C'est à propos des armements que Mao a dû éprouver les pires déceptions. Il eût été vraiment insensé de lui fournir sous ce rapport les moyens matériels d'appuyer ses provocations verbales et de lui permettre ainsi une politique extérieure contraire à celle du pouvoir soviétique, au nom d'une idéologie commune. Visiblement, Moscou n'a pas accordé ce qu'il fallait pour affronter sérieusement le " tigre de papier " dans le détroit de Formose, ni. pour hâte~ le progr~s c~ois sur le plan atomique. Depuis des annees, il se trouve des devins en Europe et en Amérique pour annoncer une prochaine explosion nucléaire en Chine, tandis q?e Tchou En:l~i s~avoue in~apable de la prédire. » Les anticipations relatives à l'entrée en lice de la Chine en tant que puissance atomique se multiplient de 1960 à 1963. Récemment encore, M. Averell Harriman déclarait à Washington que « d'après les estimations américaines, la Chine pourrait faire exploser " une bombe ou un engin nucléaire" cette année ou dans le courant de l'an ~ro~hain » (journaux d~ 25 juin). Ce n'est, pas 1avis, probablement mieux motivé, de Khrouchtchev selon qui les Chinois ne seront pas capables de se doter d'armes atomiques avant une dizaine d'années. Les Russes doivent regretter à présent d'avoir fourni inconsidérément à leurs voisins turbulents et attardés en technique trois réacteurs atomiques qui abrégeront leurs études~ Des hauteurs vertigineuses de l'idéologie, 1~ débat desçend au niveau des réalités terre à terre avec les armements nucléaires. Et l'on en revient à la décomposition du marxisme-léninisme dans les deux acceptions les plus courantes du terme quand les Chinois jugent le parti frère comme «_panaché à la fois de révisionnisme et de dogmatisme, une sorte de macédoine », exactement ce que La discorde chez l'ennemi ( cf. notre numéro de janvier-février 1963) définissait comme un « salmig~ndis dogmatico-révisionniste ». De fait, les partis frères se cramponnent toujours à leurs idées sœurs, à leurs dogmes communs, et Khrou-
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