Le Contrat Social - anno VII - n. 2 . mar.-apr. 1963

E. DBLIMARS Les autorités soviétiques luttent depuis longtemps contre cette influence pernicieuse de la rue. Les « écoles à horaire prolongé », où les élèves sont retenus suffisamment tard pour que leur retour à la maison coïncide avec celui des parents, l'interdiction faite aux jeunes de circuler le soir sans être accompagnés et autres mesures similaires ne peuvent avoir qu'une efficacité très limitée étant donné la diversité d'heures de travail des parents et l'insuffisance des locaux scolaires qui impose aux écoliers l'obligation de venir en classe à tour de rôle le matin ou l'après-midi. En outre, l'éducation des enfants souffre beaucoup du manque d'unité des conceptions · pédagogiques chez les parents : « Les parents sont souvent parfaitement incapables d'élever leurs enfants : maman punit tandis que papa caresse la tête du coupable » (ibid.). L'omniprésente propagande sape elle aussi, sans le vouloir, l'autorité des parents. En voici un exemple, extrait du discours fait à la conférence fédérale consacrée aux questions idéologiques par l'écrivain Serge Mikhalkov : . . Dans une famille soviétique, le père s'efforce de raisonner son enfant : « Vois comme tu te conduis mal, tu n'obéis pas à ta maman et à ton papa. Or nous faisons tout pour toi. » Et l'enfant réplique aussitôt : << Ce n'est pas vous, c'est le Parti et le gouvernement qui ont de la sollicitude pour moi.» Ce bambin n'avait que cinq ans, mais il écot.hait la radio et regardait la télévision. Comme tous les enfants, il absorbait comme une éponge tout ce qu'il entendait et voyait (Pravda, 28 déc. 1961). Devant l'incessante propagande du Parti, surtout dans la campagne actuelle de redressement des torts, l'implacable logique enfantine ne facilite guère la tâche des parents, même les . . . , mieux mtent1onnes. QUE FAIRE pour pallier ces difficultés dans l'éducation des enfants ? Les cinq correspondants font des propositions fort raisonnables, mais dont la réalisation n'est qu'un vœu pieux anticipant sur les bienfaits futurs promis par le régime : « L'enfant doit passer la majeure partie de son temps à l'intérieur du collectif», affirme un jeune ingénieur de Moscou. Mais comment est-ce possible, lorsque dans son école deux ou trois équipes d'élèves se succèdent chaque jour dans un même local ? Le même ingénieur poursuit: Chaque famille doit recevoir un appartement, et non pas une chambre unique. Les cantines spéciales, dans le genre des cantines diététiques, pourraient résoudre avec succès le problème de l'alimentation des enfants (Kom. Prav., 17 déc. 1961). Or la presse soviétique parle constamment des difficultés du logement dans les villes et de Biblioteca Gino Bianco 105 la lutte acharnée fréquente entre les locataires pour la conquête d'une pièce supplémentaire dans les appartements surpeuplés. L'installation d'une famille dans un appartement individuel d'un immeuble neuf est en U.R.S.S. un événement digne d'être relaté dans un hebdomadaire moscovite et illustré de photos en couleur. Quant aux cantines, leurs usagers ne cessent point de dénoncer dans la presse leurs défauts constants : mauvaise qualité des plats, monotonie rebutante des menus, lenteur exaspérante du service, etc. : « Le niveau de la majorité des entreprises d'alimentation publique est très bas. La nourriture dans les cantines n'est bonne qu'exceptionnellement » (Kom. Prav., 24 déc. 1961). La mauvaise influence de la rue peut être combattue « en ouvrant des clubs d'enfants, qui peuvent être gérés par quelques retraités. Les enfants qui s'y inscrivent volontairement pourront fréquenter ces clubs le soir. De plus, il est indispensable d'étendre le réseau des internats. Mais là se pose le problème des cadres pédagogiques : la présence de rosses fatiguées ne doit pas être tolérée dans ces écoles » (ibid.) . Pour le moment, les établissements préscolaires ne sont guère satisfaisants : Dans les crèches et jardins d'enfants, le travail éducatif laisse à désirer. Le personnel, surtout celui qui a en charge les groupes plus âgés, n'a souvent qu'une mentalité très bornée. Le Komsomol n'assure point dans ce domaine la part de besogne qui lui incombe. Les comités de parents n'ont jusqu'à présent aucun pouvoir réel dans ces établissements. Il arrive souvent que les crèches et jardins d'enfants contribuent à développer chez les jeunes des embryons de discorde et d'égoïsme. Tous les parents ne sont pas, bien sûr, également fortunés. Dès l'âge de trois ans, les enfants se rendent compte qu'il est bon de recevoir des pommes, jouets et bonbons. Il arrive que quelques-uns en reçoivent et que les autres n'en aient pas. Les enfants le constatent et commencent à s'envier l'un l'autre. Cela ne doit être permis sous aucune forme (Kom. Prav., 6 janv. 1962). Pour obtenir le maximum de nivellement matériel, les écoliers soviétiques de l'enseignement secondaire avaient déjà été dotés, il y a quelques années, d'un uniforme obligatoire similaire à celui des écoliers de l'époque tsariste. Mais on n'avait pas encore songé à pratiquer, dans les établissements préscolaires, la confiscation des pommes et des bonbons pour verser ces derniers dans un fonds commun des douceurs. On le voit, les difficultés de l'éducation de la jeune génération sont tout aussi grandes chez les Soviétiques que dans bien des pays cc capitalistes». Le régime socialiste, que l'on prétend déjà instauré, se montre incapable d'y remédier ; la fin de ces difficultés n'est promise par le Parti que dans le mirage du futur « communisme édifié ». L'enquête de la Komsomolskaia Pravda fait d'ailleurs apparaître dans cette éducation une lacune, surprenante à constater dans un pays où

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