Le Contrat Social - anno VII - n. 2 . mar.-apr. 1963

74 régime communiste devait inévitablement dégénérer en régime bourgeois. Lénine d'ailleurs, en avril 1922, au XIe Congrès du Parti, ne déclarait-il pas : Des choses comme celles dont parle Oustrialov sont possibles, disons-le franchement. L'histoire connaît l'évolution sous toutes sortes de forme. L'ennemi énonce une vérité de classe en parlant du danger qui est devant nous. C'est pourquoi il faut accorder la plus grande attention à cette question : qui l'emportera effectivement ? En 1925, rappelant les paroles d' « Ilitch », les adversaires de la droite soutenaient que, par son révisionnisme, la fraction dirigeante avait mis le pays dans une situation où les rêves d'Oustrialov commençaient à se réaliser. Plus encore que les écrits du smiénoviékhostvo, les articles du Messagersocialiste, lus non seulement par les membres du Politburo, du Comité central et de la Commission de contrôle, mais aussi par de nombreux dirigeants, communistes ou non, produisaient une forte impression. D'autant plus que l'analyse des changements intervenus dans la politique de !'U.R.S.S. émanait cette fois non pas de journalistes bourgeois, comme Oustrialov, mais d'anciens camarades de parti défendant l'orthodoxie marxiste. Par quelques extraits d'articles de Schwarz, Dallin, Dan, et de notes émanant du comité central du parti ouvrier social-démocrate de Russie, on verra comment le Messager socialiste jugeait la situation en U.R.S.S. : Le pouvoir se tourne vers le paysan fort, le koulak. La théorie de la lutte de classe fait place à une autre théorie qui harmonise les intérêts de la grosse exploitation paysanne et ceux des paysans pauvres. L'administration rurale tombe de plus en plus sous l'influence des éléments koulaks. En s'orientant sur le koulak, on accélère indubitablement ce processus. L'affermissement, sous le couvert de la dictature communiste, des éléments économiquement forts des campagnes (...) oblige de plus en plus cette dictature à s'adapter à leurs besoins. ... La renaissance de l'économie capitaliste était à prévoir dès l'instant où l'on répudia le communisme de guerre. Sous les noms d'emprunt de bons cultivateurs, de techniciens, de commerçants rouges, la bourgeoisie d'aujourd'hui est déclarée partie intégrante et utile de la république communiste. ... Le communisme de guerre n'a pas été une période de transition du capitalisme au communisme, mais de l'ancienne économie basée sur le capitalisme et la grande propriété foncière à une nouvelle économie fondée sur l'entreprise paysanne capitaliste. ... La révolution communiste n'a été qu'une longue route, douloureuse et sanglante, menant à la libération des rapports économiques et capitalistes en Russie. La grande expérience de Lénine a subi un échec décisif. ... Sous l'égide de la dictature du prolétariat, les éléments bourgeois se reforment. L'industrie soviétique nationalisée est soumise à la force aveugle de l'entreprise paysanne. Il n'y a pas en elle le moindre Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL germe d'économie pianifiée. L'entreprise privée qui s'est emparée de la quasi-totalité du commerce de gros et de détail affermit de plus en plus sa position. Les fermes capitalistes, le fermage, l'emploi de la maind'œuvre salariée, l'usure et les contrats léonins se multiplient. La cristallisation politique des éléments bourgeois, leur sentiment de classe ainsi que l'antagonisme entre eux et le prolétariat se développent. Notre parti estime que la tâche essentielle d'un parti prolétarien est d'organiser la résistance contre la bourgeoisie renaissante. Le parti au pouvoir prend la route inverse: il mise sur l'économie capitaliste dans les campagnes ; il admet la journée de travail illimitée et des conditions de travail anormales pour les ouvriers agricoles ; il allège la fardeau fiscal du capital privé et lui accorde des avantages ; il tolère, dans une certaine mesure, que le koulak lutte pour s'emparer des soviets. Non seulement il n'attise pas la lutte de classe chez les paysans, mais il préconise la paix sociale entre le koulak et le paysan, entre le maître et le journalier 2 • Les articles que nous venons de citer étaient contraires à la réalité et néfastes du point vue " politique. Ils étaient pratiquement et de manière inconsciente dirigés contre l'abandon du communisme de guerre, contre le « second coup de frein », alors que c'était précisément cet abandon qui, en 1925, avait ouvert la période la plus heureuse pour les populations de !'U.R.S.S. Les conclusions politiques n'étaient certes pas les mêmes que celles de l'opposition trotskistezinoviéviste, mais l'analyse de la situation du pays concordait entièrement : le Messager socialiste ne faisait que dire crûment ce que trotskistes et zinoviévistes exprimaient par euphémisme. De ce point de vue, Boukharine et ses adeptes avaient de bonnes raisons de prétendre que la critique de l'opposition « suivait le chemin du menchévisme ennemi ». * :if. :if. CE TRAVAIL de sape, poursuivi du dehors comme du dedans, amena la droite à revenir sur certaines de ses déclarations antérieures. En octobre 1925, Boukharine dut publiquement répudier le mot d'ordre : « Enrichissez-vous », répanqu sans opposition depuis avril. Il répudia également une phrase jugée « inconvenante » d'un article paru dans le Bolchévik: « Nous aidons le koulak, mais lui aussi nous aide. En fin de compte, le petit-fils du koulak nous remerciera peut-être de nous être comportés de la sorte avec lui. » D'autres concessions furent faites. Le Comité central d'octobre analysa à fond les problèmes du commerce extérieur: « Notre économie, lit-on dans la tésolution, est de plus en plus entraînée dans la circulation mondiale des marchandises et on ne la développera qu'en multipliant ses 2. Inutile de dire que, lorsque commença la collectivisation des campagnes, la position du Messager socialiste changea radicalement.

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