Le Contrat Social - anno VII - n. 2 . mar.-apr. 1963

N. VALBNTINOV Dans les premiers mois de 1925, Zinoviev et Kamenev ne manifestaient pas particulièrement leur opposition. Ils défendaient même les résolutions de la 148 Conférence. Mais au milieu de 1925, leur attitude changea. Ils devinrent agressifs. Les heurts avec Staline, que celui-ci provoquait, amenèrent ce changement. En 1923 et 1924, le pays était dirigé par la troïka Zinoviev, Kamenev, Staline; pour eux, Trotski était le principal ennemi. Après avoir sapé, avec l'appui de Zinoviev et de Kamenev, l'autorité de Trotski, Staline, avec le concours de Boukharine, Rykov et Tomski, s'efforça d'abattre Zinoviev et Kamenev pour ensuite marcher au pouvoir personnel en passant par-dessus la droite. Pourquoi Zinoviev s'insurgeait-il contre la politique des droitiers ? On peut se faire une idée de sa position de marxiste-léniniste orthodoxe (celle de Lénine avant la nep) en passant en revue les principaux points de son discours à la 148 Conférence de décembre 1925, dans lequel il resta d'ailleurs assez vague : La révision du léninisme est en marche. L'école de Boukharine révise le léninisme et s'écarte du point de vue de classe. On parle du léninisme comme de l'Ancien Testament, on dit qu'il ne faut pas trop citer Lénine, car il y a chez lui, comme chez l'oncle Jacob, toutes sortes de marchandises. On idéalise la nep, on la« sucre», on essaie de la faire passer pour du socialisme. On feint d'ignorer des choses comme la liberté du commerce, les formes prises par la distribution et le négoce, la croissance inévitable du capitalisme grâce aux entreorises paysannes individuelles. ( ...) Les adeptes de Boukharine veulent développer la nep dans les camoa~es. La nep est un recul, mais au Politburo certains disent qu'il n'est oas opportun d'employer le mot. Une année de oolitique paysanne ne nous a pas raporochés des oavs!lns oauvres, mais Boukharine a lancé l'aooel aux koufaks : «Enrichissez-vous!» Le koulak n'est oas la seule force qui nous soit hostile. Il a son comolément dans les villes : les nepmans, les couches supérieures de techniciens, de fonctionnaires, l'intelliJ!entsia bour~eoise et l'encerclement capitaliste, qui alimente, bénit et soutient le koulak. On peut à bon droit aooeler le paysan moyen un petit bourgeois et celui qui ne s'en aperçoit pas idéalise à tort et à travers le oaysan moven. (...) Nous construisons sans aucun doute le socfalisme, m!lis nous discutons pour savoir si l'on oeut le construire à fond dans un seul pays, et encore non nl!s dans un oays comme l'Amérique, mais dan11notre oavs agraire. Tl v a deux ans, cette question ne soulev~it nas ,fans nos milieux la moindre discussion, elle était chtire. Staline écrivait : •< Renverser la bourgeoi11ieet instaurer le pouvoir du prolétariat dans un seul oavs ne veut encore pas dire assurer la victoire comolète du socialisme. Peut-on résoudre ce problème sans les efforts conjugués des prolétaires de plusieurs pays avancés ? Non, c'est impossible. La révolution d'un pays qui a vaincu doit se considérer non comme une entité se suffisant à elle-même, mais comme un moyen pour hâter la victoire du prolétariat dans les autres pays.,. Voilà posée la question qui, en 1924, était, chez les léninistes, incontestée. C'est seulement aujourd'hui, et non sans suce~, qu'on embrouille cette question à tel point que l'on cesse de voir comment la poser de façon juste, léniniste. Biblioteca Gino Bianco 73 La position de Kamenev était semblable à celle de Zinoviev : Boukharine prétend que la tâche essentielle du Parti est de liquider le communisme de guerre, mais les méthodes de celui-ci sont-elles le principal danger ? Le danger n'est pas là. Il est de sous-estimer les côtés négatifs de la nep. S'il est, en 1925, une tendance plus ou moins cristallisée qui déforme la véritable ligne du Parti, c'est celle qui enjolive les côtés négatifs de la nep. (... ) Le danger, c'est la croissance des rapports capitalistes à la campagne, des nepmans dans les villes ; c'est le glissement que l'on constate dans notre appareil de formation idéologique, à la Pravda, à l'école des élèves-propagandistes boukhariniens qui, ne trouvant pas de résistance sérieuse de la part du Comité central, bénéficiant au contraire de la protection d'un certain groupe du Comité central, en prennent à leur aise et se livrent à une agitation pernicieuse, à une révision néfaste du léninisme. (...) A la 14e Conférence, nous sommes allés jusqu'à admettre le fermage et le salariat dans l'agriculture, mais celui qui croit que ce sont là des concessions au paysan moyen, n'a rien de commun ni avec le léninisme ni avec le marxisme. Il faut condamner la nouvelle théorie qui oublie que développer la nep, c'est permettre aux éléments capitalistes, koulaks et nepmans, de s'accroître. Zinoviev et Kamenev ne furent pas seuls à faire la critique de la droite. A Léningrad, où il régnait comme président du Soviet et grand maître de la Léningradskaia Pravda, Zinoviev avait derrière lui tous les dirigeants locaux. * .,,. " LE TRAVAIL de sape contre la droite n'était pas seulement le fait de ses adversaires en U.R.S.S. Les éloges des émigrés appartenant au smiénoviékhostvo (littéralement : changement de jalons, d'orientation) étaient fort compromettants. Ceux qui émanaient du professeur Oustrialov impressionnaient d'autant plus que, pour lui, la révolution d'Octobre avait été un événement historique inéluctable : « Lénine est nôtre, Lénine est le véritable fils de la Russie, son héros national, côte à côte avec Dimitri Donskoï, Pierre le Grand, Pouchkine, Tolstoï. » Dans Sous l'étendard de la révolution (Kharbine 1925), Oustrialov soulignait que la révolution russe, en parcourant tout le cycle des transformations qui lui étaient assignées, avait atteint un degré d'évolution où apparaissait sa finalité historique objective : sous le couvert de l'idéologie communiste, une nouvelle Russie bourgeoise démocratique était en train de prendre corps autour « d'un moujik sûr de lui». A la différence de Milioukov, écrivait Oustrialov, nous n'aspirons pas au pouvoir: « Nous voulons que le paysan russe obtienne tout ce qui lui revient du présent pouvoir révolutionnaire. » Et d'approuver chaleureusement les mesures agraires de la droite, dans lesquelles il voyait « une nouvelle vague de bon sens poussée par le souffle des campagnes infinies ». Dès l'application de la nep, Oustrialov estima que le

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==