2 culture (Harry Schwartz: Russia's Soviet Economy, -Englewood Cliffs 1954). La première tentative pour amener l'industrie au niveau de l'Occident, tentative désignée trompeusement sous le nom de plan quinquennal (le premier), avait assené à l'agriculture un coup de massue dont elle ne s'est pas encore remise. (C'est d'ailleurs l'effondrement de l'agriculture qui mit fin à cette tentative forcenée.) Des disparités énormes se développent aussi entre les industries, la stagnation dans la production des biens de consommation contrastant avec l'essor de la fabrication d'équipements et d'armements. De 1929 à 1952, l'industrie lourde a accaparé neuf dixièmes des investissements ; l'industrie légère a dû se contenter d'un dixième (Harry Schwartz, op. cit.). Dans l'industrie lourde elle-même, certains produits et certaines entreprises se voient accorder des priorités démesurées, si bien que des usines ultra-modernes et d'autres depuis longtemps désuètes voisinent couramment. Un niveau de vie misérable est la conséquence logique de cet état de choses. Mais l'industrie doit payer elle aussi sa part pour ce développement désordonné, qui entraîne un lourd gaspillage. Non seulement la main-d'œuvre revient cher à cause de sa basse productivité, mais encore les disproportions empêchent toute articulation rationnelle du processus de production. Que de grandes centrales électriques ne puissent s'assurer les pièces détachées indispensables à moins de créer pour leur usage de petites usines mécaniques ; que •de grandes usines mécaniques en soient réduites à construire de petites centrales électriques _pour obtenir· une livraison continue de courant ; que des entreprises. industrielles doivent compter sur leurs propres fermes pour ravitailler le personnel - ce ne sont là que quelques exemples parmi beaucoup d'autres. Cependant, cette situation chaotique comporte un certain avantage.: elle permet d'obtenir dans des entreprises limitées certains succès spectaculaires. Ce serait une erreur d'évoquer à ce propos les fameux villages de Potemkine, car ces succès sont réels. Vers la fin du xv111° siècle la Russie fut le principal pays producteur de fer du monde. Quelque cent ans plus tard, elle occupa durant une courte période la première place dans la production pétrolière. Environ 1910, elle fut pendant quelque temps le cinquième pays du monde quant au volume de la production industrielle. Sa production de tissus de soie et de fibres artificielles occupait à la même époque la quatrième place. L'expansion de certaines branches de l'iµdustrie soviétique n'est pas moins remarquable. · , Force est, toutefois, de conclure au caractère peu convaincant des succès les plus marquants, puisque ceux-ci ne seraient pas possibles sans · le sous-développement de vastes domaines de l'économie, lesquels sé trouvent enfermés dans des limites arbitraires. Or bien des observateurs sont plus enclins à se laisser impressionner Bibliotecal Gino Bianco 'l 1 LB CONTRAT SOCIAL qu'à soumettre les phénomènes à une analyse approfondie. Tout au plus recourent-ils à la formule· commode : « Il est vrai que..., mais... ». Reste alors à leurs sympathies politiques, ou bien à leur masochisme social, à mettre l'accent sur les succès. Mirages statistiques LA VALEURde propagande du développement de l'économie est admirablement complétée par les mœurs soviétiques en matière de statistique. La statistique en tant qu'instrument de propagande est une découverte soviétique, et elle est systématiquement utilisée dans ce sens. Une statistique honnête se prête mal aux fins publicitaires : elle reflète les faits déplaisants au même titre que les autres. Il n'en va pas ainsi en U.R.S.S., où les chiffres produits ne sont, en principe, que des bulletins de victoire. Pour les statisticiens soviétiques, toute méthode scientifique n'est qu'un moyen de truquer les indices. Pendant de longues années, par exemple, ils ont submergé le monde de chiffres sur la production industrielle évaluée en . « prix constants de 1926-1927 », mais dans laquelle chaque produit nouveau était compté au prix de revient de la première année de sa fabrication. De ce fait, le volume était doublement grossi : d'une part, au cours de la première année, chaque produit revient incomparablement plus cher que par la suite, lorsqu'il est fabriqué en série; d'autre part, en raison d'une inflation accentuée et continue, le niveau général des prix fut beaucoup plus élevé pendant cette première année qu'en 19261927. Ce n'est là qu'un des nombreux artifices imaginés pour fausser les indices réels. Les statisticiens soviétiques ont recours à bien d'autres opérations frauduleuses, jusques et y compris la publication de matériaux comprenant de nombreuses lacunes et des chiffres purement et simplement inventés. On trouvera un aperçu fort instructif de ces procédés dans l'ouvrage de Naum Jasny : The Soviet z956 Statistical Handbook - A Commentary (1957). .,. . Les ~conomistes spécialisés, en p~emier lieu Serge N. Prokopovicz, ont peu à peu décelé la plupart de ces artifices. Mais ils ne pouvaient opposer aux chiffres soviétiques que des critiques savantes et minutieuses, rébarbatives pour le grand public. Tout au plus parvenaient-ils à calculer l'évolution dans des secteurs limités, tels la production du charbon ou le trafic ferroviaire, pour lesquels existaient des données en termes pl:iysiques : tonnes, kilomètres, etc. Cependan1:,même dans ce domaine, les possibilités n'ont jamais été bien grandes. Comme l'a démontré tout récemment Gregory Grossman dans Soviet Statistics of Physical Output of Indus• · trial Production (Princeton 1960), les données en termes physiques elles-mêmes sont fortement faussées.
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==