4 signification, le syndicalisme offre une compen- .sation morale et sociale, ou plutôt pourrait en offrir une si, délivrés d'une tâche mécanisée, ils y trouvaient liberté, initiative et responsabilité. Pourtant on peut douter qu'il en soit ainsi. Aux Etats-Unis, les effectifs se maintiennent grâce à l'Union Shop, système d'adhésion obligatoire ; en Belgique, en Suède ou en Allemagne, par des mutuelles et des coopératives. En France comme ailleurs, le syndiçat est trop souvent considéré comme une simple société protectrice : on vote pour lui suivant les tendances politiques, on approuve au besoin les conventions qu'il signe, mais on n'y adhère pas, ou si l'on y adhère, on n'y participe pas. Le double mécanisme des conventions, avec leurs avantages réguliers, et de la législation sociale, n'incite pas à une adhésion qui, si elle était active, signifierait des « corvées » dont l'ouvrier moyen s'éloigne, plus préoccupé de ses loisirs que d'un militantisme souvent fastidieux, toujours fatigant. Néanmoins, le syndicalisme français, malgré l'absence d'unité et la politisation de la C.G.T., conserve un prestige généralement perdu par les partis politiques, comme le prouvent les élections sociales. Le syndicalisme a subi des évolutions parallèles dans les différents pays. Ses attitudes premières ont perdu leur signification depuis que le «job» a remplacé le métier, mais son importance fonc,.. tionnelle a grandi dans des sociétés où le salariat englobe les deux tiers ou les trois quarts de la population active. Son rôle protecteur est d'autant moins contestable que tout homme est aujourd'hui intégré dans qne économie hiérarchisée où sa liberté est limitée et ses moyens de défense personnels inexistants. Dans le système vertical, formé d'échelons successifs, qui est la règle commune dans l'économie, toute tâche organisée est soumise à ce qu'on appelle le poids des choses, autant qu'à un mécanisme indéréglable des relations humaines. A ce mécanisme, l'action syndicale apporte une sérieuse atténuation, en permettant, au besoin en organisant, la contestation des décisions venues d'en haut. Dans la hiérarchie industrielle, l'homme n'est qu'un moyen adapté à sa fonction. Le syndicat, en limitant la fonction, a revalorisé le moyen. Il a permis à l'homme de ne pas être exclusivement un élément fonctionnel, et d'accéder ainsi à une liberté que la dure contrainte du travail organisé rendait illusoire. Les accords contractuels modifient dans un sens libéral la subordination de l'inférieur au supérieur, de règle dans la société militaire. Hors de l'entreprise, le syndicat constitue une force sociale qui peut tenir en balance les autres forces, voire l'Etat lui-même ; il permet à la société de n'être pas réduite à une situation passive, à condition toutefois qu'il puisse agir dans un climat démocratique. Ce n'est pas par hasard que fascistes et communistes ont détruit ou asservi les syndicats dans leur volonté de soumettre sans recours possible la société à B·iblioteca Gino. Bianco LE CONTRAT SOCIAL l'appareil de l'Etat ou du Parti. L'existence d'un syndicalisme indépendant, c'est-à-dire se manifestant comme force sociale autonome, joue dans les démocraties industrielles un rôle analogue à celui que la Déclaration des droits assignait à la propriété individuelle : elle empêche l'homme d'être un simple instrument entre les mains des puissances économique ou étatique. * ,,. . St L'INDÉPBNDANC! vi&-à-vis de l'Etat et du patronat est une condition nécessaire à l'existence d'un syndicalisme libre, il n'en va pas de même de l'indépendance vis-à-vis des partis politiques, préconisée par la Charte d'Amiens. En ce domaine, les situations les plus diverses existent dans les démocraties industrielles. Chacune reflète les circonstances politiques particulières dans lesquelles se sont constituées les organisations ouvrières, souvent sans rapport avec l'évolution industrielle. En France, la IIe République, issue du suffrage universel, confirma l'interdiction des coalitions, qui furent autorisées sous le Second Empire. En Grande-Bretagne, au contraire, le suffrage universel fut octroyé quarante ans après la liberté des coalitions et des syndicats. Les Belges, de leur côté, obtinrent le suffrage universel cinquante ans après le droit de coalition et quatre-vingtdix ans après les libertés d'association. A la même époque, Bismarck abolit les corporations et accorda simultanément suffrage universel, droit syndical et droit de coalition. Inutile de poursuivre l'énumération pour montrer la diversité des situations politiques et économiques au milieu desquelles ont grandi les syndicalismes. De là la variété des rapports entre syndicats et partis. Le parti travailliste a été fondé par les syndicats au début du siècle pour s'opposer aux tribunaux trop enclins à distribuer des amendes : à l'origine, le parti devait protéger les caisses syndicales. C'est dans le dessein très précis d'obtenir le suffrage universel que les associations ouvrières . de Belgique fondèrent _le parti ouvrier belge en 1886, alors que la croyance en l'efficacité de cette arme était déjà fortement ébranlée chez les ouvriers français. Malgré leur grande indépendance, les centrales syndicales belges acceptèrent d'être coordonnées par la Commission syndicale du P.O.B. ; depuis 1945 cependant, elles ont rompu leur lien administratif avec le parti. Pendant les six années de gouvernement travailliste, les Trade-Unions s'effacèrent d'autant plus aisément que fut maintenue la réglementation de guerre concernant l'arbitrage obligatoire. Les grèv~, dans les docks, les transports et les chemins de fer, furent désapprouvées par l'appareil des Trade-Unions, qaj participe paritai-. rement à wie multitude de · comités industriels consultatifs. De nombreux leaders syndicalistes
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