Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

58 oligarchie·de fonctionnaires - religieux, civils et · militaires - qui se transforme en castes privilégiées, aboutissant à une féodalité nouvelle, dominée par le Sud, dans laquelle sombrent la monarchie centralisée et le droit individuel. Après une période de confusion et d'anarchie, le cycle se réamorce. Dans l'histoire de l'Egypte ancienne, le même cycle recommence trois fois, donnant lieu aux premier, second et troisième Empires, ave~, sous le second et le troisième Empires, des interludes dus à l'intervention étrangère. La similitude des trois cycles manifeste une constante qui prend valeur de véritable loi historique. Le premier cycle commence au quatrième millénaire par l'avènement, en Haute Egypte, d'un royaume féodal et seigneurial, opposé à la monarchie centralisée et individualiste de la Basse Egypte, qui s'appuie sur les villes marchandes du Delta. La victoire des rois féodaux du Sud transporte la monarchie unifiée à Thinis (Abydos), en Moyenne Egypte. La troisième dynastie thinite (2772-2723) voit le triomphe de l'individualisme. Il n'y a plus de classes nobles et privilégiées : il n'y a plus que des égaux· en droits. Sur le plan familial, pouvoir marital et autorité paternelle disparaissent. ·sur le plan du droit public, le fonctionnarisme remplace l'ancien système féodal héréditaire, et la filière administrative se substitue à la hiérarchie nobiliaire. La justice, rendue au nom du roi, est confiée à des tribunaux royaux. L'impôt proportionnel frappe tous les Egyptiens. Les anciennes principautés féodales deviennent des provinces. En renonçant à la cérémonie du sacre, le roi cherche à échapper à la tutelle du clergé, et le culte royal se transforme en culte d'Etat. La JVe dynastie (2723-2423), celle qui élève les grandes pyramides de Gizeh, fait du roi un « grand dieu », entouré d'un µnmense faste religieux. La civilisation est à son apogée. Mais le pouvoir monarchique, en se muant en théocratie absolue, va détruire l'individualisme. En proclamant sa divinité, le roi crée une classe sacerdotale à qui il accorde des immunités sans nombre, et une caste de hauts dignitaires qui va se faire héréditaire de fait, en attendant de le devenir de droit. Le faste de la cour, les édifices royaux, une administration de plus en plus pléthorique nécessitent des· ressources toujours croissantes. La fiscalité frappe de plus en plus le revenu des cito• yens, et, comme ceux-ci tâchent de s'y soustraire, la contrainte fiscale intervient. Les hauts fonctionnaires entrent dans l' « ordre » de la noblesse royale. Les terres qui leur sont cédées à titre de rémunération restent dans leur patrimoine privé, de par l'hérédité de fait des fonctions. La nouBiblioteca Gino Bianco LB CONTRAT SOCIAL vell~ noblesse, civile et sacerdotale, crééepour servir de support à la monarchie absolue, la ruine et l'étouffe. A la fin de la V0 dynastie, une noblesse dotée de grands domaines détient tous les emplois. Sous la VI0 dynastie (2423-2263), l'hérédité des hautes fonctions s'installe en droit. Les hautes charges du clergé deviennent des apanages .détenus par une petite oligarchie. Les temples et leurs domaines, exonérés d'impôts, retournent à l'ancien droit seigneurial. Les paysans, pour échapper au fisc, s'engagent dans ces domaines devenus, du fait des immunités, inaliénables. L'Egypte se transforme en un agrégat de domaines seigneuriaux. Les provinces redeviennent des fiefs. Le pouvoir royal s'effondre, l'administration centralisée est remplacée par l'administration locale des princes, des temples et des propriétaires seigneuriaux. A la fin de la VIe dynastie, l'Empire a cessé d'exister. Après une période de démembrement féodal, le second cycle commence. Deux royaumes dis.. tincts, celui du Nord et celui du Sud, émergent avec le même antagonisme que sous le premier cycle à ses débuts. Le roi de Haute Egypte, qui dispose de la puissance militaire de ses vassaux, s'impose à tout le pays (2063). S'inspirant des traditions de l'Ancien Empire, la Xl8 dynastie reconstitue le gouvernement central. L'unité politique rétablit l'unité économique de la vallée du Nil dominée par les villes marchandes du Delta. Arrêtée par l'invasion des Hyksos (1730 ...1580), l'évolution reprend vers le pouvoir centralisé, et la XVIIIe dynastie évoque la 111° dynastie. La centralisation royale coïncide avec le renouveau du droit individualiste, les terres redeviennent aliénables, la famille se dissocie. On revient au régime des contrats sanctionnés par l'enregis• trement royal, à l'impôt sur les revenus, à la procédure écrite et savante. Avec la révolution religieuse d'Aménophis IV, fondée sur le culte monothéiste du dieu Aton, le roi conquérant qui a incorporé la Syrie tend à devenir un souverain universel, à la fois chef de l'Etat et grand prêtre du culte. Les progrès de l'individualisme, libéré des servitudes féodales par le pouvoir central, engagent alors la politique royale dans la voie nouvelle des lois sociales. · L'individu, après avoir conquis sa liberté sur les instances féodales et locales grâce au pouvoir centralisé, se retourne vers l'Etat pour le sommer d'intervenir en sa faveur. Une société individualiste, fondée sur les transactions commerciales, tend à devenir une société de riches et de pauvres, ceux-ci constituant un prolétariat que n'encadrent plus les groupes protecteurs des sociétés féodales. Il apparaît inadmissible que là où les hommes sont tenus pour égaux en droits, cenains

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