communautés de type familial ; elle est utopique · dans une société industrielle où la division du travail ne permet pas, en général, le cumul des fonctions de direction et d'exécution. Devenu président de la Fabian Society, G. H. Cole a renoncé en 1950 à l'idée que les Trade-Unions gèrent les industries nationalisées : revenant aux principes de Sidney Webb, il a admis que les Trade-Unions ne pouvaient servir deux maîtres à la fois, l'Etat et le personnel. Que les syndicats soient liés organiquement à des partis socialistes, comme dans les pays scandinaves, en Autriche ou en Grande-Bretagne, ou qu'ils soient étrangers à toute doctrine socialiste, comme aux Etats-Unis, rien n'est moins idéologique que la pratique syndicale dans les nations industrielles d'aujourd'hui. Si l'on entend par idéologie la mise en forme cohérente d'un système social supposé capable de répondre à tous les besoins de l'homme moderne, ou encore d'intégrer cet homme dans une perspective historique d'émancipation, les syndicats lui préfèrent une vue empiriste des difficultés à résoudre et des solutions immédiates. Ils se préoccupent avant tout de vivre dans le présent et n'envisagent l'avenir que comme un dépassement du présent, non comme son annulation. En cela, le syndicalisme moderne diffère entièrement des mouvements révolutionnaires du siècle dernier, lesquels puisaient leur dynamisme dans le caractère exogène du prolétariat d'alors, politiquement èt économiquement exclu de la société. L'avenir était ainsi pour lui une page blanche sur laquelle chacun pouvait donner une forme à ses espérances : sauf pour "certainescorporations fermées d'ouvriers qualifiés, la société était suffisamment intolérable pour qu'un groupement aspirant à représenter la classe ouvrière tout entière se justifiât par son eschatologie, autant sinon plus que par son activité immédiate. Dans les démocraties industrielles, l'intégration croissante des salariés à la vie politique et économique a modifié de fond en comble les programmes et perspectives du mouvement ouvrier. Le jeu des protections . légales et des conventions collectives fait que tout progrès s'y exprjme par degrés ; l'équilibre des forces sociales est tel que, sauf en . de rares occasions, il se maintient dans une lente évolution. C'est assurément à cette condition que la liberté peut se conserver. Aujourd'hui, la défense des droits ouvriers a lieu à l'intérieur du corps social, non à l'extérieur, comme au siècle dernier. L. A SOURCECOMMUNE des syndicalismes, et sans doute la raison de leur actuelle convergence de buts et de moyens, se trouve dans l'idée dominante du siècle où ils sont nés : le travail comme source de toute morale et de toute dignité humaine, le travail que Proudhon oppose à la guerre et qui déjà au Moyen Age faisait se heurter Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL les corporations urbaines et la fèodalité militaire. Le travail est « une extension et une perpétuation de l'être par son action sur la nature » 2 • Il témoigne des « capacités » dont les saint-simoniens voulaient faire le fondement de la hiérarchie sociale. Mais le travail porte en lui une malédiction : s'il confère au travailleur wie moralité et une humanité que l'oisiveté ou les richesses ignorent, il ne· lui permet pas de vivre selon cette moralité et cette humanité. Nouveau Christ collectif, le prolétariat souffrant, en qui se rejoignent les vertus humaines les plus hautes, finira par triompher ... Mais le travail ainsi envisagé comme source d'une religion nouvelle ne constitue ce prolongement de l'être que si les possibilités de l'homme s'expriment en lui: il suppose un métier qualifié, le vieil idéal des artisans médiévaux ; il est incompatible avec le travail parcellaire et mécanique qui est déjà celui des manufactures et des fabriques. La défense du métier est donc la tâche fondamentale des organisations ouvrières du xixe siècle. En le protégeant contre tout ce qui peut le dégrader, les syndicats n'obéissent pas seulement à une tradition corporative ou compagnonnique, mais aussi à une nécessité de fait. Le niveau des salaires ne peut être maintenu que si chaque corps de métier résiste à la concurrence des couches nouvelles, avides d'emploi, qui affluent dans les villes et bénéficient dans certaines branches, comme le textile, de la pulvérisation des tâches n'exigeant ni apprentissage ni capacité. Le syndicat, formé par les ouvriers qualifiés, se ferme aux nouveaux venus. Loin de chercher à recruter, il multiplie les barrières, maintient ou retrouve un rituel initiatique, vise à perfectionner les privilèges et règlements de la profession, contrôle l'embauche, etc. Comme ces villes .médiévales qui se fortifiaient pour résister aux ambitions seigneuriales et aux Grandes Compagnies, les syndicats de métiers se défendent contre le prolétariat nomade, s'abstiennent, sinon à l'intérieur du métier, de pratiquer la solidarité dans la misère. Tel est le comportement des Trade-Unions britanniques après les expériences malheureuses. du chartisme et surtout de la Grand Consolidated · Trades·Union de Doherty et Robert Owen (1833), ouverte à tous les travailleurs et qui ne survécut pas à l'extension du chômage en 1836. Tel est aussi celui des syndicats américains qui devaient donner naissance à l' American Federation of Labor en I 886, et qui furent accusés, non sans raison, d'égoïsme et de trahison envers la solidarité ouvrière. La morale du travail et la défense du travail s'opposent alors, la première embrassant le genre humain, la seconde se limitant aux frontières' de la profession. L'antithèse de ces syndicats existe dans les Knights of Labor, vaste organisation qui, dans les années 80, renouvelle aux Etats-Unis les espoirs de la Grand Consoli2. De la Justici dans la Rfvolution et dmu l' 1!.glu1.
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