revut l,istorique et critique Jes faits tt Jes iJles Janv.-Fév. 1963 Vol. VII, N° 1 LA FONCTION SYNDICALE par Michel Collinet QUAND on observe le syndicalisme des démocraties industrielles, on est frappé de la similitude des fins qu'il poursuit et des moyens dont il use. Améliorer les conditions de vie des classes salariées, c'est augmenter leur salaire réel, réduire la durée du travail, allonger celle des congés payés, empêcher les «cadences infernales », instituer ou perfectionner les systèmes d'assurances contre le chômage, la maladie, les accidents et la vieillesse. Si la grève reste le moyen suprême, plus efficace par les menaces qu'elle implique que par ses effets généralement ruineux pour les parties en cause, le moyen universel est l'obtention de conventions collectives directement négociées avec les dirigeants de l'industrie en vue d'une coexistence limitée dans le temps et l'espace entre travail et capital. Il faut ajouter ces éléments encore précaires d'une démocratie économique qui reste à définir et à édifier : les délégations d'atelier et les comités d'entreprise. Leur caractéristique est de «court-circuiter» les échelons hiérarchisés entre la direction et l'exécution et ainsi de limiter les contraintes, d'autant plus lourdes qu'elles sont généralement anonymes, qui pèsent sur le travailleur. Au niveau des branches d'industrie ou des centres de coordination interindustriels, propres aux économies planifiées, le syndicalisme pratique une politique de présence dans des commissions paritaires ou tripartites ; il n'y jouit généralement pas d'un pouvoir de décision, mais d'une possibilité de discussion et de consultation où sont confrontées les intentions de l'Etat, des chefs d'industrie et des salariés. Les syndicats ne sont donc nullement gestionnaires ; quelles que soient leurs manières d'agir, qu'ils participent ou non Biblioteca Gino Bianco à des conseils consultatifs, ils n'en restent pas moins une force de «contestation », ou, si 1on préfère, une force de protection du travailleur face aux contr~intes étatiques ou industrielles. Telle nous paraît être l'essence du syndicalisme, sa raison d'être, hors de quoi il n'est qu'une machine administrative plus apte à opprimer qu'à libérer : à preuve les pseudo-syndicats en régime communiste, dont le rôle n'est pas de défendre les salariés contre l'appareil étatique, mais au contraire de les obliger à exécuter les décisions dudit appareil. Lorsque la Charte d'Amiens, texte vénérable du syndicalisme français, en venait à souhaiter qu'après la Révolution le syndicat gère la production et la distribution, elle admettait implicitement qu'avec l'abolition du capitalisme privé le travailleur n'aurait plus besoin de protection, car, participant à une sorte d'auto-administration, il en serait devenu à la fois le dirigeant et l'exécutant... A la même époque, cette idée d'un syndicalisme gestionnaire était reprise par G. H. Cole, A. R. Orage et S. G. Hobson, dissidents de la société fabienne et fondateurs du Guild Socialism : pour eux, la production en régime socialiste devait être l'affaire exclusive des fédérations syndicales. Mais Sidney Webb leur répliquait à juste titre : (< Du jour où le syndicat national des mineurs prendra en main l'exploitation de tous les charbonnages d'Angleterre, il cessera de toute nécessité de remplir le rôle qui consiste à défendre les intérêts ouvriers vis-à-vis des dirigeants de l'exploitation 1 • » L'autoadministration n'est possible que dans de petites 1. Bxame,cd, la doctrin, syndicaliste, 1913, r r
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