Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

42 Timber Camps, recueil de lettres navrantes de rmenno- . nites déportés, dont l'authenticité est garantie par le directeur de la Slavonic Review. Tout cela est confirmé et précisé par un rescapé de la répression : Un témoin oculaire qualifié et renseigné, I. Solonévitch, un des rares évadés du bagne soviétique où il a travaillé dans les services de planification et de répartition, confirmera en 1935 ces estimations avec des précisions nouvelles. B. Souvarine signale ensuite la série de décrets terroristes qui introduisent dans le Code soviétique la peine de mort contre les ouvriers pour infractions à la discipline, la peine de mort contre les malheureux pour délit de vol, la peine de mort contre les paysans pour des .peccadilles, la peine de mort contre tous ceux qui veulent changer d'air sans autorisation, en attendant la peine de mort _contre les enfants de 12 ans (voir notre brochure : La Peine de mort en U.R.S.S., éditée par les «Amis de la Vérité sur !'U.R.S.S. », textes intégraux de ces décrets draconiens). Puis ce sont encore des exécutions capitales, de plus en plus arbitraires, qui se succèdent (p. 486) : En 1930, quand la monnaie d'argent se raréfie, un décret suffit pour que des dizaines de sujets soviétiques suspects de thésauriser quelques centaines de roubles soient passés par les armes. Les mécomptes industriels et les déboires agricoles seront traités comme les problèmes financiers. Le sang de 48 prétendus « saboteurs » de l'approvisionnement, exécutés sans jugement, après l'arrestation de nombreux techniciens, professeurs, savants, statisticiens, coopérateurs socialistes ou libéraux ralliés au régime et employés à l'état-major de l'économie nationale, sert à disculper les gouvernants ... A cette époque, poursuit B. Souvarine (p. 487), on relève dans la presse des milliers d'exécutions capitales «et l'orgie de meurtres continuera audelà, comme en témoigne l'exécution de 35 fonctionnaires du commissariat de !'Agriculture (mars 1933) accusés d'avoir "laissé croître de mauvaises herbes dans les champs" et autres prétextes du même genre». Les arrestations en masse de 1930 englobent toutes les catégories d'intellectuels, même les historiens (Platonov, Tarlé, etc.) qui n'ont pu nuire à la production ni au ravitaillement, et les derniers socialistes paisibles retranchés de la politique. En 1931, c'est D. Riazanov, savant historien du socialisme et du communisme, qui est arrêté et déporté sans raison avouable et sans autre forme de procès. Enfin, après l'assassinat de Kirov par un bolchévik (p. 542), Staline fait« exécuter 14 communistes en étouffant leur voix, après avoir ordonné la mise à mort de 103 détenus sans articuler contre eux la moindre présomption de culpabilité ou Biblioteca Gino Blanco - , DIX ANS APRl3S STALINE de complicité, pour ne pas parler de preuves »• Total :. 117 exécutions capitales, sans parler de milliers, de dizaines de milliers, de centaines de milliers d'arrestations et de déportations, à l'occasion du même prétexte. Rien qu'à Léningrad, on estime à plus de 100.000 le nombre des déportés, après l'affaire Kirov, à la fin de l'année 1934· Dans son dernier chapitre, B. Souvarine récapitule : La statistique aligne toutes sortes de nombres dépourvus d'intérêt ou de réalité, mais non ceux des suicides, des exécutions capitales, des victimes du plan, des décès dus à la famine et au typhus. On ne saura pas de sitôt combien d' emprisonnés et de déportés font les frais du maintien de l'ordre stalinien, chiffre qui oscill, entre 5 et 10 millions. Le Guépéou lui-même serait incapable de montrer des additions exactes. Une brochure de B. Chirvindt, directeur des prisons, révèle la quantité des condamnations diverses prononcées par les tribunaux en 1929, pour la seule République de Russie, sans l'Ukraine, le Caucase, etc.: 1.216.000 contre 955.000 l'année précédente, et non comprises les peines infligées par le Gué• péou. Les sentences de mort avaient augmenté d'un an à l'autre de 2.000 %. Ces renseignements partiels ouvrent un aperçu effroyable sur la répression exercée dans l'ensemble de !'U.R.S.S. par les deux juridictions, avant même le niveau culminant de la collectivisation. Et l'on comprend que l'opuscule de l'imprudent fonctionnaire ait été retiré de la circulation, sa divulgation interdite. Mais il existe une information d'ensemble non moins concluante, depuis 1935, grâce à I. Solonévitch, qui fut bien placé pour établir ses calculs : il compte s mil• lions de détenus au minimum dans les seuls camp, de concentration, sans y inclure la population des prisons et des isolateurs, les relégués et les exilés des diverses catégories, et estime à un dixième des habitants mâles adultes le nombre total des condamnés. On serre donc la vérité d'assez près en envisageant un chiffre approchant 10 millions, à ne parler que des vivants. En écrivant les mots « à ne parler que des vivants », B. Souvarine fait évidemment allusion aux innombrables victimes de la famine, des épidémies, de la misère, dues à la politique aventureuse de Staline. Il cite plusieurs fois textuelle- -ment, au cours de son ouvrage, les paroles par lesquelles Staline lui-même annonçait pour !'U.R.S.S. « une certaine famine artificiellement organisée» (p. 394), comme conséquence de ses propres actes. Or, selon le Courrier socialiste, organe officiel des socialistes russes adhérents à la IIe Internationale et partisans de l'unité avec les communistes, cette famine a fait au moins 5 millions de victimes, évaluation confirmée à d'autres sources. Ce bilan' trop bref et rapide de la terreur actuelle en U.R.S.S. ne donne encore qu'une très faible idée de l'accablante réalité soviétique. Il serait temps de procéder à un travail plus approfondi et plus complet, que pourrait et devrait assumer, par exemple, une Commission d'enquête internationale, compétente et impartiale.

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