40 ... Des centaines et parfois des milliers de personnes . sont enlevées à leurs familles et à leurs occupations et doivent croupir des semaines et des mois dans les prisons soviétiques, sombres et infectes. Là, commencent des interrogatoires inquisitoriaux sans fin, sans le moindre contrôle ni la moindre garantie juridique ... ... Des conversations nocturnes pendant des heures plusieurs jours de suite où les juges d'instruction se relaient, des coups, des menaces avec le revolver braqué, le départ en vue d'une prétendue cc exécution immédiate », ( ••.) dans les cas graves des simulacres d'exécution avec le terrible « masque de feutre» sur la tête, ainsi que de véritables tortures, (...) toute la gamme des moyens de pression et d'intimidation est utilisée. Par ces moyens, écrit R. Abramovitch, le Guépéou réussit souvent à obtenir des dénonciations, mais beaucoup de dénonciateurs « se repentent ensuite amèrement et, talonnés par les remords, se suicident ». Ce sont surtout les socialistes qui sont victimes de cette répression implacable : La majorité de ceux qui sont pris dans les arrestations en masse sont des gens qui n'ont pas de rapports directs avec le Parti ou d'anciens socialistes qui, depuis des années, ne participent plus à la vie politique. L'exil est non seulement pour eux un coup redoutable, il signifie la ruine matérielle, la faim et la misère de leur famille. Le régime des prisons est épouvantable, pire que sous le tsarisme : « Les conditions sanitaires, le traitement des détenus et l'attitude générale à leur égard ont même considérablement empiré, pour autant qu'il s'agisse de détenus politiques. » Les prisons sont des cloaques,« des foyers d'épidémies dangereuses, dont une série de socialistes notoires ont déjà été victimes ». Parmi ces socialistes, R. Abramovitch nomme : Boris Zeitlin-Batourski, leader ouvrier très considéré ; Liakhovitch, gendre de l' écrivain Korolenko; Lestchinski, socialiste connu de Nicolaïev; Isaac Astrov, membre du Comité central social-démocrate; Jacques Petcherski, vieux socialiste. L'auteur donne des détails précis et effroyables sur diverses prisons. Il cite d'ailleurs l'article d'un communiste, publié dans la Pravda (n° 258, 13 novembre 1924). Cet homme avait été jeté en prison pour avoir révélé des abus de ses camarades communistes locaux. Or, voici ce qu'il a constaté, et subi : J'ai séjourné là toute une semaine sans recevoir un seul morceau de pain. Des jours entiers, on ne nous laissait pas aller à la cour pour satisfaire nos besoins, boire un peu d'eau et respirer l'air pur. On nous a gardés enfermés derrière deux verrous tandis que des montagnes d'excréments humains s'amoncelaient sur le sol et que des détenus malades couchaient entre elles sur le sol nu. Il faut lire dans la brochure d'Abramovitch l'exposé des conditions atroces infligées aux détenus dans les prisons et les isolateurs. Il est impossible de le r~umer. Biblioteca Gino Bia·nco DlX ANS APRÈS STALINE Ce régime provoque naturellement des grèves de la faim, des réactions désespérées, de nombreux suicides. Parmi les exemples recueillis par Abramovitch, relevons les suivants : Les socialistes révolutionnaires Gotz, Timoféiev et d'autres font la grève de la faim pendant quinze jours ; le communiste opposant Gabriel Miasnikov, vieil ouvrier, pendant dix jours, puis douze jours, avec tentatives de suicide; l'ouvrier social-démocrate Deviatkine, leader des typographes, pendant vingt-quatre jours, pour faire relâcher sa fille tuberculeuse, que le Gépéou avait arrêtée ; l'ouvrier Beliankine, de l'usine Dynamo, pendant dix-sept jours, ce qui suscita la solidarité de 200 prisonniers socialistes de toutes nuances, y compris 50 femmes, à VerkhneOuralsk, et des brutalités inouïes des geôliers, en particulier contre des femmes comme Kchechnevska, socialiste-révolutionnaire, et Holzman, socialiste-sioniste. Le vieil ouvrier social-démocrate Stroukov s'est suicidé, à la suite de sévices. ,, · Le communiste E. Dreiser, deux fois décoré de l'ordre du Drapeau rouge, est mort de faim et de mauvais traitements lors d'une grève de la faim accomplie par 63 communistes non conformistes. Samuel Bronstein, socialiste-sioniste d'Odessa, a été tué d'une balle de revolver dans la nuque à la prison de Khiva. Le cheminot Makedonski, transporté sur une civière en Sibérie, périt en cours de route. L'ouvrier Vladimir Lestchinski, social-démocrateet syndicaliste,meurt en prison. De même, l'ajusteur Alexandre Smirnov, membre du Comité central social-démocrate. De même, le socialiste juif Aron Kritchevski (bundiste). Serge Morozov, socialiste-révolutionnaire très connu, se suicide en s'ouvrant les veines avec des morceaux de verre. Grigoriev, paysan anarchiste, tente de se brûler vif pour échapper à ses bourreaux. Logatchev, socialisterévolutionnaire de gauche, s'imbibe de pétrole et périt dans d'atroces souffrances. Stroukov se suicide en se jetant la tête la première du haut d'un escalier. Boutov, communiste, ancien secrétaire de Trotski, se suicide de la même manière. Ayant mentionné tous ces cas tragiques, pour illustrer l'état des choses dans les prisons, R. Abramovitch passe aux déportations. Là encore, il est impossible de résumer en quelques lignes. Il faut lire la brochure et les descriptions qui s'y trouvent. Les déportés succombent nombreux, en Sibérie et ailleurs. Les décès et les suicides se succèdent et se ressemblent. Vladislas I<amenski, social-démocrate, membre du Soviet de Pétrograd, faute de soins meurt de maladie en Sibérie. Boukhariev, social-démocrate, se tranche, la gorge avec un rasoir. La femme de Michel Lvov, socialiste-révolutionnaire, meurt en couches, faute de soins médicaux. Alexandre Mikhels, social-démocrate; Mikhéiev, ouvrier socialdémocrate; Samuel Abachidzé, mineur géorgien, social-démocrate ; Béridzé, national-démocrate géorgien; Alexis Tarassov (N. Morozov), ouvrier ..
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