Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

LA TERREUR EN U.R.S.S. maintenus en exil au-delà de leur peine, Gotz,Timoféiev, Donskoï, etc. ; 11. Les bundistes (parti socialiste juif) ; 12. Les socialistes de Géorgie, déportés ou incarcérés dans leur quasi-totalité ; 13. Diverses nuances de socialistes nationaux d'Ukraine; 14. Les socialistes d'Arménie ; 15. Les socialistes israélites du groupe Poale-Zion; 16. Les anarchistes et syndicalistes de toutes nuances comme Baron, Barmasch, I<aïdanov, Kakhordine, Andréiev, etc. ; 17. Les tolstoïens ; 18. Les sionistes; 19. Les adeptes des diverses sectes ou confréries religieuses ; 20. Les restes des anciens partis politiques bourgeois. Mais la grande masse des déportés se compose surtout de paysans « dékoulakisés » lors de la collectivisation forcée, et d'ouvriers arrêtés au cours des grèves. M. Walter Duranty, apologiste de Staline et « ami de l'U.R.S.S. », évaluait à 2 millions le nombre des paysans déportés au début de 1931 (New York Times du 3 février 1931), mais son estimation restait au-dessous de la· réalité ·et les déportations n'ont pas cessé dans la suite. Au total, on peut considérer corrune un minimum le chiffre de 5 millions de paysans déportés. A signaler encore parmi les victimes de l'arbitraire policier en U.R.S.S. les savants et les techniciens décrétés coupables de « nuisance » ou sabotage. Les « Commissions extraordinaires » (Tchéka) avaient été créées, comme leur nom l'indique, pour une période extraordinaire, c'est-à-dire pour la guerre civile, laquelle a pris fin en 1921. Mais treize ans après ces circonstances extraordinaires qui expliquaient les mesures extraordinaires de la Tchéka, le Guépéou dispose toujours, use et abuse des mêmes pouvoirs extraordinaires. La peine de mort n'a jamais figuré au programme des bolchéviks. C'est son abolition que préconisaient Lénine et ses disciples. Aujourd'hui, elle est inscrite dans le Code pour les délits les plus anodins, comme le glanage de quelques épis dans les champs (atteinte à la propriété d'Etat) ou le départ d'un sujet soviétique pour l'étranger (qualifié de fuite et de trahison). Un certain<<Comité pour la libération de Thaelman » lance un appel qui conclut : « Ceux qui se taisent se rendent coupables. Ceux qui ne font rien aident Hitler. >> A plus forte raison sont coupables ceux qui taisent les persécutions accomplies en U.R.S.S. sous le drapeau usurpé du socialisme et qui, par leur indifférence ou leur apathie, aident Staline. B. SOUVARINE. Quelque temps après la circulation de cette notice, le Populaire ayant publié un article de Th. Dan à l'occasion de l'anniversaire du vieux socialiste Tchérévanine emprisonné, cet article fit son effet à Moscou : l'incarcération de ce vieillard de 68 ans au mépris de tout droit, de toute justice, sans inculpation ni jugement, fut commuée en déportation sibérienne. C'était un léger progrès. Preuve que si l'on se donnait la peine de protester, en France et ailleurs, les bolchéviks seraient obligés de tenir compte des manifestationsde la réprobationgénérale. Biblioteca Gino Bianco 39 Dans sa brochure : Les Prisonniers politiques dans la République des Soviets, R. Abramovitch, membre du Bureau socialiste international et l'un des principaux leaders du parti socialdémocrate ouvrier de Russie, écrit ce qui suit : Si l'on considère les statistiques officielles de personnes fusillées après verdicts judiciaires et si l'on ajoute le nombre de celles exécutées par voie « administrative » par le Guépéou, on constate qu'aucun pays au monde ne tue « légalement » autant d'individus annuellement .que !'U.R.S.S. En 1924, le chiffre des exécutés atteignit 1.804, sans compter plus de 4.000 personnes (otages et prisonniers) qui furent exécutées par la Tchéka à l'occasion des tentatives de soulèvement en Géorgie. Dans les trois premiers mois de 1925, les exécutions s'élevèrent à 275, ce qui ferait pour une année 1.100 (les exécutions par la Tchéka non comprises). En 1926, on compta plus de 2.000 victimes. Pour les années 1927 et 1928, les chiffres n'ont pas été publiés. Si l'on considère toutefois le grand nombre de fusillades en masse, à l'occasion de « conspirations » de toute espèce (Chakhty, etc.), ainsi que les dispositions du nouveau Code pénal, il n'est pas douteux que le nombre des exécutions ait crû constamment. Le nombre des exécutions a augmenté de façon effrayante en 1929-1930. D'après les avis publiés dans la presse soviétique, au cours des derniers mois de 1929, environ 500 personnes ont été fusillées du Ier octobre au 15 novembre 1929. Le nombre des fusillés doit donc atteindre plusieurs milliers pour 1929. En 1930, au cours de la campagne de « collectivisation >> forcée des paysans russes, menée par le gouvernement soviétique par les méthodes les plus inhumaines, des dizaines de milliers de prétendus paysans riches (koulaks) ont été fusillés. Après ce bilan des exécutions capitales avouées pour quelques années, R. Abramovitch passe aux effets terrifiants de la « guillotine sèche », laquelle tue avec autant d'efficacité que « la balle de revolver du bourreau tchékiste », mais avec e!1 plus d'indicibles tortures morales ou physiques: Le système de démoralisation, d'intimidation et de désorganisation se manifeste le plus fréquemment par des arrestations en masse et des perquisitions ininterrompues. De telles opérations ont lieu dans tout le territoire, à une couple de mois d'intervalle. Elles prennent des proportions formidables à l'approche des jours ayant une signification politique (1er mai ou anniversaire de la révolution, etc.). Les pouvoirs de la police étant illimités, des perquisitions et des arrestations peuvent être opérées sans indication de motifs. Le moindre soupçon suffit. Les causes peuvent être de natures les plus diverses: la dénonciation d'un espion, d'un ennemi personnel ou d'un concurrent, l'affiliation à un parti socialiste en 1917, même en 1905... La participation d'un ouvrier à une grève ou à un conflit économique, une querelle avec un communiste influent, la connaissance d'un socialiste recherché par la police ou une parenté avec lui, ce sont là des motifs suffisants pour s'exposer à toute la rage des persécutions tchékistes.

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