Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

·LA TERREUR EN U.R.S.S. (Faits et chiffres) LE TITRE de la brochure Bilan de la terreur en U.R.S.S., publiée en 1936, était alors impropre en ce sens qu'un « bilan » de la terreur est chose impossible par définition, non seulement en raison du secret bien gardé sur les opérations policières, sur les mesures répressives de toutes sortes, mais parce que les effets du terrorisme étatique sont immesurables et insondables. Avec un peu d'imagination, chacun doit comprendre que des milliers, des millions de familles entières ont sombré dans le malheur par suite de l'arrestation arbitraire du père ou de la mère, ou des deux, les enfants étant livrés sans défense aux caprices cruels du sort. On se borne donc ici à intituler La terreur les indications qui suivent. Càr il ne s'agit que d'indications. A la date où elles ont été compilées, la plupart des renseignements parvenus ensuite en Occident faisaient défaut et, même aujourd'hui, on ne sait qu'une petite partie des horreurs accomplies sous Staline. Le rapport secret de Khrouchtchev au xxe Congrès du Parti, les discours de certains délégués au XXIIe Congrès, n'en avouent que ce qui paraissait indispensable aux dirigeants à leurs fins de politique intérieure, lesquelles n'ont rien de commun avec l'histoire ni avec la justice. Il est frappant de constater que le premier récit publié en U.R.S.S. et ayant trait à un camp de concentration, celui d'Alexandre Soljenitsyne : Une journée d' Ivan Denissovitch, ait paru quelque dix ans après la mort de Staline. A ce rythme, on ne saura pas grand-chose avant un siècle, à moins qu'une violente secousse imprévisible ne donne inopinément accès aux archives. A FORCE d'entendre parler de l'impitoyable dictature bolchévique et de lire dans les journaux des nouvelles sinistres ou des récits horrifiants à propos d'exécutions capitales en série, d'arrestations et déportations en masse, le. public devient Biblioteca Gino Bianco Les données très insuffisantes rassemblées dans cette brochure de 1936 étaient antérieures aux « procès en sorcellerie » qui ont marqué particulièrement une période de massacres et de déportations en masse, de « purges » sanglantes dans le Parti et hors du Parti, dans l'armée, en Russie et chez les allogènes, plus spécialement au Turkestan et au Caucase. Au cours et aux lendemains de la guerre, des populations entières ont été déportées dans des conditions atroces, Allemands de la Volga et Tatares de Crimée, Tchetchènes et Ingouches du Caucase, peuples des pays Baltes. Jamais on ne pourra dénombrer tant de victimes, ni concevoir tant de douleurs. Du moins ne sera-t-il pas dit que personne en Occident n'aura pris part, de cœur et d'esprit, à l'interminable tragédie du stalinisme, en attendant que d'autres Soljenitsyne se présentent pour témoigner devant l'histoire. Pour la honte des démocraties occidentales oublieuses ou indifférentes, on retiendra pour leur rendre hommage des livres comme Souvenirs de Starobielsk, de Joseph Czapski (1945); La Justice soviétique, de Sylvestre Mora et Pierre Zwierniak (1945); La Condition inhumaine, de Jules Margoline ( I 949) ; Onze ans dans les bagnes soviétiques, d'Elinor Lipper (1950); Echappé de Russie, d'Antoni Ekart (1949); L'Accusé, d'Alexandre Weissberg (1953); quelques autres encore, qui n'ont pas été traduits en français, en particulier Russian Purge and the Extraction of Confessions, de F. Beck et W. Godin (New York 1951), qui mériteront de rester, tandis que bien des mémoires frivoles de politiciens et de diplomates complaisants à Staline tomberont dans le mépris. blasé et perd la notion exacte de ces choses atroces. On finit n1ême J?arn'y plus prêter qu'une attention vague ou résignée, quand ce n'est pas indif• férence ou scepticisme. L'on s'habitue à tout, à

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