Le Contrat Social - anno VII - n. 1 - gen.-feb. 1963

36 annulées par la nouvelle. Mais il y a des lois ·secrètes sur lesquelles le pouvoir communiste persiste à garder le silence. D'autre part, une nouvelle série de décrets instaurant la r_eine de mort est intervenue ces derniers temps, à 1encontre des dispositions légales de 1958 et 1959, en sorte que la législation pénale se prête de moins en moins à une interprétation correcte. Dans le bref laps de temps écoulé entre les mois de mai 1961 et février 1962, cinq décrets du Présidium du Soviet suprême ont rétabli la · peine de mort pour sept catégories de «crimes » antérieurement passibles de peines moindres. Quatre de ces catégories sur sept sont d'ordre économique. En y regardant de plus près, on constate que la peine de mort a été rétablie légalement en janvier 1950 et, depuis, constamment étendue dans son application légale : huit fois, en 1950, 1954, 1958, 1961 et 1962, de nouveaux décrets ont englobé de nouvelles catégories de «crimes» sous le coup de la peine capitale. Il faut souligner légal et légalement, car les procédures secrètes subsistent, inavouables .. Le décret du 26 mai 1947 supprimant (dans la législation, non pas en fait) la peine de mort prétendait « montrer au monde un exemple de véritable humanisme! socialiste » (textuel) et prescrivait de substituer à la peine de mort «l'emprisonnement dans un camp de travail correctif pour 25 ans ». Il était temps, certes, de songer au véritable humanisme socialiste trente ans après la révolution d'Octobre, et d'en faire preuve par les camps de« travail correctif» où les détenus meurent comme des mouches. Le décret du 12 janvier 1950 rétablit explicitement la peine de mort pour « les traîtres, les espions et les saboteurs ». Dans les conditions soviétiques, n'importe qui peut se trouver inculpé sans recours pour trahison, espionnage ou sabotage, faute de garantie légale. Il suffit de rappeler que des dirigeants du Parti et de l'Etat parmi les plus hauts placés ont été, sous Khrouchtchev comme sous Staline, exécutés comme étant au service d'on ne sait quel ennemi au service du «capitalisme » ou de l' «impérialisme ». Le décret du 30 avril 1954 étend la peine de mort «aux individus ayant intentionnellement commis un meurtre avec circonstances aggravantes ». Dans les conditions soviétiques, lesdites circonstances aggravantes relèvent du bon plaisir du pouvoir. La loi du 25 décembre 1958 codifie les lois antérieures sur les «crimes d'Etat» et sur ses vingt-six articles, huit prévoient la peine de mon, pour les cas suivants : trahison ; espionnage ; meurtre de fonctionnaire tendant à affaiblir le pouvoir soviétique ; acte terroriste provoquant B-iblioteca Gino Bianco DIX ANS APRÈS ST ALINE à la guerre ; sabotage ; participation à une organisation antisoviétique ; banditisme à main armée. Plusieurs de ces formulations autorisent un arbitraire sans limites. Le nouveau Code criminel du 27 octobre 1960 adopté par le Soviet suprême de la R.S.F.S.R. (pas de !'U.R.S.S.) remplace le Code de 1926 et, par son article 23, spécifie l'usage de la. peine de mort, en se conformant à la loi de 1958 précédente. Le décret du 5 mai 1961 étend la peine de mort aux coupables « d'escroquerie sur large échelle au détriment de l'Etat ou de la propriété publique, de faux monnayage » et aux « récidivistes dangereux », aux « personnes condamnées pour crimes sérieux » et ayant commis des « actes de terrorisme », etc. Inutile de souligner le caractère vague de ces définitions, permettant de considérer tout accusé comme coupable. Le décret du 5 mai 1961 étend la peine de mort aux personnes ayant spéculé sur des monnaies étrangères ou sur des titres pour en tirer profit. Contrairement à tout principe de droit, ce décret a eu un effet rétroactif et a valu la peine de mort à des coupables condamnés à 15 ans de prison pour la même infraction (spéculation sur de grosses sommes en monnaies étrangères) le 15 juin 1961. Sur ce cas et d'autres similaires, cf. lzvestia des 2, 21 et 27 juillet 1961. Le décret du 15 février 1962 étend la peine de mort aux personnes qui mettent en danger la vie des miliciens ou çelle des droujinniki (membres de détachements auxiliaires pour l'ordre public). Un autre décret du 15 février 1962 prévoit la peine capitale pour viol avec circonstances aggravantes, au lieu des 15 années de prison et de l'interdiction de séjour inscrites au Code. . Décret du 20 février 1962: peine de mort pour corruption de fonctionnaires (donner ou recevoir) avec circonstances aggravantes ( ?), au lieu des 10 années d'emprisonnement prévues au Code. La presse quotidienne soviétique ne cesse de rapporter des cas de condamnations à mort et d'exécutions capitales pour des « crimes » considérés comme des délits partout ailleurs. Une récapitulation générale dépasserait les moyens actuels de notre revue. Nous avons largement utilisé, dans notre exposé sommaire, un excellent travail plus complet de M. Albert Boiter, de compétence indiscutable. Voir aussi, pour plus de détails, Les infractionscontrel'Etat en U.R.S.S., fascicule de la cc Documentation française », Notes et Etudes documentaires, n° 2.953 du 10 janvier 1963. Notre résumé, toutefois, atteindra son but s'il aide à comprendre ce que le Soviet suprême entendait par un « véritable humanisme socialiste».

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